Mon Master, une machine à « classer les étudiants dans des tableaux Excel »
La première phase d’admission de la plateforme Mon Master s’est ouverte vendredi. Un fonctionnement similaire à Parcoursup, pour une plateforme qui ne propose que 185 000 places pour 209 000 candidats. En toute logique, la publication des résultats a donc d’ores et déjà laissé de nombreux étudiants sans formation ou en liste d’attente pour la rentrée prochaine. Entre colère et déception, les réactions ne se sont pas faites attendre sur les réseaux sociaux.
#MonMaster
Vous voyez ça là ?
Bah ça c'est les 40 bouquins que mes parents ont acheté pendant ma licence alors qu'ils en avaient pas tjs les moyens
40 manuels de psycho que j'ai lu, bossé et poncé, pour aujourd'hui apprendre que j'aurai finalement pas de master. pic.twitter.com/4G6fZbOFNQ— plusirs (@plusirs_) June 24, 2023
« Candidature non-retenue en dépit de sa qualité », « Vous avez satisfait au critère de recrutement […] mais le M1 n’ouvrira pas l’année prochaine »… les motifs de refus offrent un témoignage cynique de la brutalité de la machine sélective, qui laisse des milliers d’étudiants sur le carreau. Arthur, étudiant en économie à Aix-en-Provence, nous raconte : « J’avais candidaté pour dix masters, tous en économie puisque c’est la continuité de ma licence. Quatre m’ont dit non, et je suis liste d’attente pour six autres masters, pour lesquels je suis pas forcément bien classé au vu du nombre de places ».
Et avant même la publication des résultats, la plateforme faisait déjà parler d’elle. Trois jours avant les résultats, l’ensemble des candidats ont reçu un mail les informant que la phase d’admission était avancée ; une « erreur humaine » qui a rectifiée quelques heures plus tard. « Il y a eu plusieurs bugs horribles ces derniers jours , on a dit à des étudiants qu’ils étaient admis ou en liste d’attente et les facs leur ont demandé de démissionner eux-même, alors qu’ils n’étaient pas retenus » explique Léa, étudiante en psycho en région parisienne.
Une plateforme que défendait encore il y a quelques jours la directrice de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle, Anne-Sophie Bathez : « à partir du 23 juin, on en aura terminé avec la gestion artisanale, l’affectation est désormais automatique ». La formule détonne avec une réalité beaucoup plus brutale, étayée dans Le Monde par Anna Colin Lebedev, maîtresse de conférences en science politique, dont le master a enregistré 705 candidatures pour 20 places, qui décrit le logiciel comme « une machine à classer les étudiants et à remplir des tableurs Excel ».
« Les étudiants sont les premiers à essuyer la politique néolibérale de Macron »
La plateforme Mon Master vient mettre en exergue « un système de sélection drastique, dans la continuité de Parcoursup » comme le détaille Léa, qui vise ni plus ni moins à exclure d’énormes franges d’étudiants de l’université.
Une politique qui prend en partie racine dans la suppression successives de nombre de places en Master. Alors que le nombre d’étudiants en troisième année de licence augmente considérablement chaque année - une hausse de 10% en 2022 -, l’offre de formation réduit années après années. Pour la rentrée de 2022, la plateforme Vite Mon Master, crée par des étudiants, recensait 1165 places de master 1 supprimées sur 1613 masters référencés. À titre d’exemple, la filière de psycho compte quasi 16 000 étudiants en Licence 3, pour… même pas 6 000 places en Master.
Vu que certain.e.s risquent de croire que les refus sur #MonMaster seraient dûs à leurs dossiers, on repose juste quelques stats ici :
Psycho : 15 700 L3 ➡️ 5 896 places sur MM
Droit, Scpo : 31 855 L3 ➡️ 26 446 places sur MM
Eco-gestion : 29 969 L3 ➡️ 24 218 places sur MM https://t.co/ZoUiLzDHlI— ViteMonMaster (@vitemonmaster) June 23, 2023
S’il est clair que le nombre n’y est pas, pour la ministre de l’Enseignement Supérieur Sylvie Retailleau, pas question d’« ouvrir des places », puisque ça reviendrait à « gaspiller l’argent public » !
Et l’argent public ne risque pas de pleuvoir sur les universités dans les années à venir. Alors que l’enseignement supérieur n’a cessé de subir des coupes budgétaires ces dernières décennies, les récentes déclarations du gouvernement quant à la fin du « quoi qu’il en coûte » présagent de nouvelles attaques à l’encontre des universités. Car si la macronie a récemment alloué 413 milliards pour le budget militaire, ses collègues prévoient dans le même temps de nouvelles attaques budgétaires dans l’ensemble des ministères. Une situation que déplore Arthur : « nous les étudiants, on est toujours les premiers à essuyer la politique néolibérale de Macron ».
Plus largement, Mon Master s’inscrit dans la longue liste d’offensives de Macron à l’encontre de l’université et des étudiants. Parcoursup, Bienvenue en France, loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche : des attaques qui recoupent un même projet, à savoir de virer les plus précaires des bans de la fac et calquer les formations universitaires sur les besoins du patronat. Une perspective face à laquelle il va falloir s’opposer avec force, en renouant avec la mobilisation qui a traversé les universités pendant la bataille des retraites, pour réussir à imposer un autre avenir que celui que Macron promet à la jeunesse : une université ouverte à toutes et tous, débarrassée de la précarité et des intérêts des patrons !