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Edito

Loi immigration : non à la division des dates, il faut un plan coordonné pour faire reculer Macron !

201 personnalités, dont les dirigeants de la CGT, la CFDT et l’UNSA, appellent à la mobilisation contre la loi immigration le 21 janvier. Une démarche qui constitue un point d’appui, mais en extériorité des collectifs de sans-papiers et de la mobilisation du 14 janvier et sans perspective de grève. Pour gagner, il faudra pourtant un plan coordonné au service de la construction d'un rapport de forces.

Nathan Deas

11 janvier

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Loi immigration : non à la division des dates, il faut un plan coordonné pour faire reculer Macron !

Ce week-end, dans une tribune copubliée par Mediapart et L’Humanité, 201 personnalités ont appelé à manifester le 21 janvier prochain. Celles-ci affirment leur « grande inquiétude après le vote de la loi dite « asile-immigration [et] un tournant dangereux ». Face à une loi « rédigée sous la dictée des marchands de haine qui rêvent d’imposer à la France leur projet de « préférence nationale », les signataires appellent « à manifester (…) le dimanche 21 janvier ». Un appel qui a l’intérêt de mobiliser les dirigeants de plusieurs organisations syndicales nationales qui, après des mois d’un relatif silence, expriment une opposition et un appel commun à la mobilisation.

Cependant, la forme comme le contenu de celui-ci posent problème, en se tenant en extériorité des éléments de mobilisation existants et en se limitant à une politique d’interpellation « républicaine » d’Emmanuel Macron. De quoi poser la question de la riposte dont nous avons besoin face à la loi immigration, et plus largement.

Appel du 21 janvier : un point d’appui mais en extériorité des luttes des collectifs de sans-papiers

Après plusieurs mois passés à esquiver l’opposition à la loi, à déserter la rue et à ouvrir un boulevard aux attaques du gouvernement, l’appel à la mobilisation le 21 janvier prochain par les directions syndicales marque un changement de ton. Alors que le gouvernement a profité de l’atonie sociale pour avancer, l’appel des directions syndicales à retourner dans la rue constitue un point d’appui et doit être saisi comme tel. En ce sens, il faudra être nombreux dans la rue le 21 janvier, contre la loi immigration et toutes les lois racistes.

Pour autant, si l’on peut se féliciter que la proposition de mobilisation évoquée fin décembre soit enfin rendue publique, on ne peut que regretter son caractère tardif et surtout son extériorité avec les éléments de mobilisation en cours. Les directions syndicales et leurs alliés ont en effet choisi de contourner dans leur appel la date du 14 janvier, à l’initiative de collectifs de travailleurs sans-papiers qui mènent la bataille depuis des mois contre la loi. De façon très symbolique, aucun représentant de ces collectifs ne figure dans l’appel final, qui a choisi de privilégier la mise en avant de « personnalités » diverses et variées.

Une division des dates loin d’être anodine, et justifiée par la CGT au prétexte de ne pas multiplier les appels à la mobilisation, dans le contexte notamment de la poursuite du mouvement en soutien au peuple palestinien dans lequel elle joue pourtant un rôle limité. « Le 22 décembre, à l’initiative de collectifs de travailleurs sans papiers, de militants syndicaux et politiques et de la Marche des Solidarités, s’est tenue une réunion suite à l’adoption de la loi Immigration, pour discuter de la nature de la mobilisation à lui opposer en 2024. Or, jeudi dernier, la CGT a décidé de ne pas appeler à la mobilisation du 14 janvier, afin "d’éviter la surenchère de dates" et au prétexte, qu’elle appellerait à une autre date » raconte une participante à l’inter-organisation à l’initiative de la mobilisation. Une décision regrettée par les collectifs de sans papiers, à l’instar d’Aboubacar Dembélé, gréviste de Chronopost et militant au CSP Vitry qui expliquait jeudi 11 janvier, lors d’une conférence de presse en perspective de la manifestation du 14 : « Lors d’une réunion le 22 décembre, toutes les organisation se sont mises d’accord sur la date du 14. À la dernière minute, certaines appellent au 21. »

Un choix qui semble en partie guidé par la volonté de construire un agenda de mobilisation propre, en phase avec un programme et une stratégie plus modérée que les collectifs de travailleurs sans-papiers. « La CGT nous a d’abord demandé de retirer deux revendications de notre appel : la régularisation de tous les sans-papiers et l’évocation de potentielles grèves pendant les JO, avant de nous signifier son refus d’appeler au 14 » explique ainsi Fofana*, membre d’un collectif de sans-papiers. Une position particulièrement problématique, alors que depuis plusieurs mois, sur différents sites Emmaüs, mais aussi en région parisienne, des travailleurs sans-papiers se mobilisent pour leurs salaires, leurs régularisations et pour mener la riposte contre l’offensive xénophobe du gouvernement.

Interpeller Macron est une impasse : il faut s’inspirer de la détermination des travailleurs sans-papiers

Cette attitude est indissociable de la stratégie défendue dans l’appel au 21 janvier. Fondé sur un regroupement de personnalités plutôt que sur un front d’organisations, sa tonalité traduit une logique d’interpellation du pouvoir au nom des « valeur de la République » plutôt qu’une tentative de construction d’un rapport de forces. « Soucieux de rassemblement et de solidarité plutôt que de division sans fin de notre société, nous demandons au Président de la République de ne pas promulguer cette loi » écrivent ainsi les signataires. Une perspective qui a pourtant déjà été un échec en décembre, malgré les adresses réitérées de Sophie Binet et de Marylise Léon à Emmanuel Macron et aux députés de la majorité et de la droite.

Malgré cela, c’est un front large autour d’un discours républicain qui est à nouveau privilégié par les directions syndicales. L’« appel historique » revendiqué par le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, signataire du texte, rassemble en ce sens non seulement des figures de la gauche institutionnelle mais aussi des députés affiliés au groupe de centre-droit LIOT opposés à la loi comme Benjamin Saint-Huile, et même la députée Renaissance Cécile Rilhac. Si cette dernière s’est opposée à la loi immigration, il s’agit d’une macroniste assumée, qui saluait récemment le bilan de Borne et dont le parti En Commun félicitait le très droitier Gabriel Attal pour son arrivée à la tête du gouvernement.

Une composition qui témoigne de la volonté de privilégier la construction d’un front large « par en haut » plutôt qu’une mobilisation contre le gouvernement et sa loi raciste. Quelques semaines après le vote de la loi Immigration, l’heure devrait pourtant être à préparer la construction d’un mouvement contre l’offensive xénophobe du gouvernement. Pour cela, ce n’est ni du côté des interpellations du pouvoir au nom d’une « République » qui en est déjà à son 117ème texte contre les étrangers, ni du côté de ceux qui comme, Cécile Rilhac, ont soutenu des pires attaques contre le monde du travail ces dernières années, qu’il faut chercher des perspectives. Comme l’ont montré en octobre dernier, les 800 travailleurs sans papiers qui se sont mobilisés partout en Ile-de-France avec le soutien de la CGT pour exiger leur régularisation et ont obtenu pour plusieurs centaines d’entre eux de premières victoires vers la régularisation, seuls la grève et le rapport de force paient.

C’est de ces luttes dont il s’agirait aujourd’hui de s’inspirer, à l’image de la détermination exemplaire des compagnons Emmaüs de Saint-André-lez-Lille, de Grande-Synthe près de Dunkerque, ou encore de Nieppe dans les Flandre, en grève parfois depuis plus de six mois. Cela suppose d’exiger clairement le retrait de la loi mais aussi d’aller au-delà, en appelant à « soutenir toutes les luttes pour la régularisation des sans-papiers, notamment les grèves » ou encore à « combattre le racisme, la xénophobie et défendre une politique migratoire d’accueil et de solidarité », comme le font les signataires de l’appel à la mobilisation le 14 janvier.

Pour un plan de bataille coordonné contre la loi immigration, qui ouvre la voie à une riposte d’ensemble

Ainsi, l’appel au 21 janvier est loin de viser la construction d’une « rentrée sociale » pour le début d’année. A rebours de la reprise du « dialogue social » avec le MEDEF et le gouvernement prévue le 22 décembre dernier, juste après l’adoption de la loi immigration, c’est pourtant d’un plan pour reprendre la rue dont nous avons besoin. En ce sens, les collectifs de sans-papiers qui appellent à la mobilisation le 14 janvier et luttent ces derniers mois contre le texte raciste montrent la voie. C’est cette volonté de combat qu’il s’agit de reprendre à notre compte.

Pour cela, et contre toute division des dates, il faut exiger un plan coordonné, qui appelle à se mobiliser massivement dès le 14 janvier aux côtés des collectifs de sans-papiers et à nouveau le 21, dans la perspective d’une montée en puissance et de l’élaboration d’un véritable plan de bataille. Face au régime pourrissant de la Vème République et à la croissance des idées et forces d’extrême-droite, l’urgence est à la construction d’un bloc ouvrier et populaire qui cherche à unifier l’ensemble des secteurs du monde du travail et de la jeunesse, notamment les travailleurs sans-papiers qui depuis plusieurs mois sont à l’avant-garde de la lutte contre la loi immigration, mais aussi la jeunesse et les travailleurs mobilisés en solidarité avec la Palestine.

Dans cette perspective, il faudra faire le lien entre cette attaque et l’ensemble des préoccupations du monde du travail, telles que la précarité et une inflation qui n’en finit pas de grimper. La capacité des directions syndicales à rompre avec la passivité et le dialogue social, mais aussi à construire une riposte globale, sont des enjeux centraux pour notre camp social. Et cela d’autant plus que le gouvernement, en s’attaquant de façon consécutive aux sans-papiers avec la loi immigration, aux plus précaires avec la réforme du RSA et de l’assurance-chômage, et au monde du travail avec l’ouverture à la concurrence dans les transports ou avec le projet d’une nouvelle Loi Macron visant à « transformer le modèle social », cherche à satisfaire les intérêts du grand patronat en divisant les classes populaires pour mieux anéantir leurs forces de résistance.

C’est en inscrivant la loi Immigration dans ce contexte qu’il faut convaincre de la nécessité de se mobiliser contre les offensives xénophobes et anti-ouvrières de ce gouvernement, au travers d’une grande campagne sur les lieux de travail et d’étude pour expliquer le scandale de ce projet et faire le lien avec les autres offensives en préparation. Une campagne dans laquelle les organisations et militants syndicaux auraient un rôle central à jouer, en appelant à des assemblées générales pour préparer les mobilisations du 14 et 21 janvier, comme le font à leur niveau les collectifs de sans-papiers avec une première assemblée à la Flèche d’or mercredi dernier.

Alors que la crise économique en cours, l’inflation persistante, mais aussi le tournant militariste à l’international profitent pour l’heure aux forces et idées réactionnaires, le mouvement ouvrier doit revenir sur le devant de la scène, aux côtés des organisations du mouvement social, notamment anti-racistes et antifascistes, pour structurer une réponse par en bas qui permette d’imposer un autre agenda. La bataille contre la loi Immigration peut en être une première étape.

*le prénom a été modifié


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