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Réchauffement climatique

La « planification écologique » selon Macron : un projet 100% au service du patronat

Ce lundi, après plusieurs mois de tergiversation, Macron a annoncé son programme de « planification écologique ». Une tentative de relance de son quinquennat grâce à l’écologie, qui fait la part belle au patronat.

James Draoust

26 septembre 2023

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La « planification écologique » selon Macron : un projet 100% au service du patronat

Crédits photos : Compte X de l’Elysée

Après avoir convoqué un énième conseil de la planification avec Borne et les ministres concernés, Emmanuel Macron lançait ce lundi en fin d’après-midi une série d’annonces sur la « planification écologique » via une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. Plusieurs fois reporté, ce plan est censé dresser une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de de serre de 55% d’ici 2030, sur un rythme de 5% de réduction par an. Déjà épinglé par le conseil d’État pour son inaction climatique, le gouvernement abat sa dernière carte pour convaincre de son modèle d’écologie néolibérale.

Pendant l’annonce, Macron a en ce sens évoqué une « une écologie créatrice de valeurs » en mettant l’accent sur la « sobriété mesurée », la souveraineté et la compétitivité. Il a affiché la volonté d’un modèle d’« écologie à la française  » basé sur l’« écologie de progrès » dont l’objectif principal est clair : mettre les entreprises françaises en ordre de bataille pour gagner la course aux profits de la transition écologique.

Une série de mesures bidon au service du greenwashing

Dans le détail, ce projet consiste à dispatcher, sous forme de mesurettes, 10 milliards d’euros,en complément des 30 milliards du plan France 2030, dans des secteurs « clés » de la transition écologique. Un arrosage d’argent public pour développer les nouveaux marchés de la transition.

Par exemple, 1 milliard d’euros seront alloués à l’agriculture. Macron a ainsi évoqué « une réponse à la baisse des rendements [agricoles] par l’agrivoltaïsme, la biomasse, les carburants durables, qui sont des mécanismes de revenus complémentaires ». Autant de points qui visent à placer l’agriculture au service du verdissement des géants de l’énergie ou encore des transports. Ainsi, l’agrivoltaïsme « relève du marketing et vise à légitimer un opportunisme foncier et financier dans un contexte difficile pour le monde paysan » d’après la Confédération Paysanne, et plus de 200 organisations écolos et paysannes ont signé à la suite de ces déclarations une tribune contre l’agrivoltaisme. De même, les agro-carburants sont des enfumages écologiques tellement grossiers que même Cour des Comptes, pas spécialement connue pour ses penchants écolos, a dû avouer un « bilan environnemental négatif et un bilan climatique décevant » de ces agrocarburants dans un rapport de 2022, comme le relève Reporterre.

Dans le domaine du bâtiment, 2,2 milliards d’euros seront alloués à la rénovation thermique avec l’ambition de tripler la production de pompes à chaleur. Une aubaine pour les producteurs et les revendeurs, qui se gavent sur ce marché, comme le relevait un article de Basta ! de 2022 titré « Quand le marché des pompes à chaleur capte les aides publiques au détriment de l’efficacité énergétique ». Un nouveau dispositif d’aide à la rénovation, pour les plus précaires, a aussi été évoqué. Censé rattraper l’échec du dispositif MaPrimeRénov, n’ayant permis que de rénover entièrement 2500 logements en 2021 sur plus de 5 millions de passoires thermiques, selon la Cour des comptes, cette annonce rajoute de la paille au feu de paille gouvernemental.

Des incitations pour défendre les intérêts du patronat français

En plus de ces mesurettes, cette planification fournit aussi une manne d’argent public offerte au patrons de différents secteurs industriels, surtout les plus polluantes, de l’énergie à l’automobile. L’objectif est ainsi fixé de leur permettre de se positionner au mieux sur les marchés dits « verts » afin de leur garantir de nouveaux profits.

Dans le secteur de l’énergie, l’objectif est de développer des filières, comme l’hydrogène ou la biomasse, pour devenir des précurseurs en termes de nouvelles énergies. Ici, le climat est secondaire, et les profits futurs et les possibilités de monopole sont clairement prioritaires. Après avoir déclaré dimanche en direct son amour pour la « bagnole », le pensionnaire de l’Elysée a également mis le paquet sur la compétitivité de la filière de la voiture électrique.

Il a ainsi annoncé vouloir produire 1 million de voitures électriques par an sur le territoire, positionnant la France comme un leader européen dans la production de batteries électriques. Une manière de soutenir les tentatives de positionnement de groupes importants pour l’industrie française comme Stellantis sur ce marché en pleine explosion. Un marché sur lequel l’Union Européenne et la France entendent se tailler une part face à la Chine, qui domine très largement. Ces annonces sous couvert d’écologie vont dès lors dans le sens de l’exclusion des véhicules fabriqués en Chine du bonus écologique que présentera le gouvernement Macron cet hiver ou encore du lancement d’une enquête européenne sur les subventions publiques accordées aux véhicules produits en Chine.

700 millions d’euros seront également débloqués pour développer 13 nouveaux RER métropolitains. Un investissement sous forme de pansement, tant les politiques destructrices du rail se poursuivent depuis 2015 et les Bus Macron, lorsqu’il n’était encore que ministre de l’économie. Le pacte ferroviaire en 2018 et la loi orientation mobilités en 2019 ont continué de dégrader ce secteur, avant l’annonce de la privatisation de FRET SNCF. Des attaques en série qui n’ont fait que dégrader les conditions de travail pour les cheminots et de transport pour les usagers. Toujours sur les transports, aucune mention n’a été faite du secteur aérien. Comme le rapporte Mediapart, « le programme de planification écologique prévoit tout juste « un plan avion bas carbone et carburants aériens durables » et le renforcement de l’affichage environnemental pour les consommateurs. » Sans commentaire.

En parallèle de cela, les industriels les plus polluants trouvent aussi leur part dans ce projet. Ainsi, les 50 sites les plus polluants, déjà largement subventionné à hauteur de 3 milliards d’euros, puis par la loi industrie verte, pourront encore percevoir de l’argent supplémentaire en échange de la validation de leur stratégie de réduction d’émission. Basée principalement sur l’hydrogène bas carbone, mirage écologique gourmand en énergie et l’arnaque sans cesse redémontrée de la séquestration carbone, ces stratégies de « décarbonation » sont de véritables politiques de greenwashing permettant aux entreprises d’engranger toujours plus de subventions publiques tout en continuant à polluer massivement.

Ici, aucune « planification » donc : il s’agit uniquement de nouveaux investissements publics aux frais de l’Etat pour permettre à différents secteurs de profiter des nouvelles opportunités commerciales qu’apporte la crise écologique. Par ailleurs, la manne financière de 10 milliards déployée, si elle représente des cadeaux confortables pour permettre au patronat de verdir son image et de se positionner sur des marchés en expansion, est à comparer aux investissements dans les énergies fossiles. Rien qu’en 2022, les banques françaises ont participé au financement de l’expansion des énergies fossiles à hauteur de 13,6 milliards d’euros selon Le Monde.

Plantage d’arbres, retour de la fin du charbon … quelques mesures cosmétiques pour faire bonne figure

Pour préserver les apparences, ces aides aux patrons ont été assorties de quelques mesures cosmétiques. Ainsi, 500 millions d’euros seront dédiés replantage d’un milliard d’arbres… Un coup de com’, qui dissimule des monocultures agro-forestières, inutiles pour le climat et ne permettant pas à la biodiversité de se développer. François Hallé, botaniste, dénonçait déjà cette pratique dans une tribune au journal Le Monde, datant de 2020, : « Les plantations sont des systèmes artificiels qui nécessitent des investissements lourds, un suivi sur le long terme et des travaux forestiers. Ce sont des champs d’arbres rectilignes, tracés au cordeau où la biodiversité est très limitée ».

De même, la fin du charbon fait son grand retour. La sortie de cette énergie fossile en 2027 est ainsi présentée comme un des éléments centraux de la planification. Vieille promesse de campagne de 2017 recyclée, cette annonce devait déjà à la base être effective en 2022. Au lieu de ça, les deux centrales à charbon actives ont été prolongées, jusqu’en 2024, en août dernier. Deux centrales dont l’évocation permet de mettre sous silences les centrales au gaz, bien plus nombreuses.

Le plan a été décrit par macron comme « ni une écologie de déni, ni une écologie de la cure ». Une description bien vague, qui montre bien que derrière l’avalanche de mesures présentées, il s’agit bien pour le président de tout changer pour que rien ne change. Tout changer en subventionnant le patronat pour lui permettre de prendre part à des marchés « verts » qui se développent et ainsi garantir que le patronat ne soit pas laissé à la traîne de ceux-ci. Ne rien changer en continuant à enfermer l’écologie entre les mains de ces derniers, malgré l’impasse de plus en plus évidente que cela constitue.

Alors que la grève historique des travailleurs de l’automobile aux Etats-Unis a commencé à poser la question d’une transition écologique entre les mains et selon les intérêts des travailleurs et de la population, ou encore que la grève des raffineurs de l’automne 2022 a permis d’immobiliser le géant de l’impérialisme français et de la pollution Total, c’est au côté des travailleurs et des nouvelles batailles qui s’annoncent qu’il sera possible d’arracher des mesures réellement conséquentes pour faire face à la crise écologique. En résumé, ce plan d’investissements est taillé sur mesure pour répondre aux besoins du patronat français.


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