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Faire face

Face au spectre d’un nouveau tournant autoritaire, le mouvement ouvrier doit se préparer au combat

Après la mise en détention d’un agent de la BAC ayant tabassé un jeune, les syndicats de policiers et leur hiérarchie exigent sa libération et un traitement d’exception pour les forces de répression. Une campagne pour l’impunité policière qui dessine la possibilité d’un nouveau saut autoritaire face à laquelle le mouvement ouvrier doit préparer une riposte, en indépendance du régime.

Joël Malo

24 juillet 2023

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Face au spectre d'un nouveau tournant autoritaire, le mouvement ouvrier doit se préparer au combat

Crédits photo : Les agents de la CRS8 à Marseille - ACTU Forces De l’Ordre

Depuis l’assassinat de Nahel, les coups de pression et les menaces de la part des forces de répression se multiplient contre toute atteinte à l’impunité policière. C’est le cas depuis le placement en détention provisoire d’un agent de la BAC de Marseille le 20 juillet. Pendant la répression sauvage des révoltes, celui-ci a tabassé en réunion un jeune de 22 ans qui venait d’être touché à la tête par un tir de LBD. Face à la procédure judiciaire, plusieurs centaines de policiers marseillais se sont mis en arrêt maladie pour exiger sa libération. Le syndicat Unité SGP Police FO a appelé les policiers sur tout le territoire à se mettre en « code 562 », c’est-à-dire à faire la grève du zèle, pour revendiquer des mesures d’impunité élargies : un « statut spécifique de policier mis en cause ou en examen », mais également « l’anonymisation totale des procédures en début de carrière, des magistrats spécialisés en usage des armes pour les forces de l’ordre ».

Poussé par la base policière, le mouvement est également appuyé par Alliance et l’UNSA Police. S’il se concentre d’abord à Marseille, où entre 300 et 700 policiers (selon les chiffres de la police et des syndicats) seraient en « code 562 » ou en arrêt-maladie ces derniers jours, il se développe également en Ile-de-France et dans plusieurs villes comme Le Mans, Lyon, ou encore Toulouse, Avignon et Nice. Sur les réseaux sociaux, les pages de policiers se font le relais de nombreuses photos d’unités de police, de dos devant leurs commissariats, affichant leur soutien à leur collègue et à son impunité.

L’intervention dans la presse du Directeur Général de la Police Nationale (DGPN), Frédéric Veaux, dimanche soir a cependant marqué un tournant. Envoyé parler au Parisien par le ministère de l’Intérieur, il a déclaré : « Le savoir en prison m’empêche de dormir », affirmant « qu’avant un éventuel procès un policier n’a pas sa place en prison ». Une mise en cause de la décision de justice partagée par les plus hautes instances de l’appareil policier, à l’image de Laurent Nuñez, préfet de Paris et ancien n°2 du ministère de l’Intérieur, qui a affirmé son soutien au DGPN sur les réseaux sociaux, mais aussi par des parlementaires de Renaissance. Quelques jours plus tôt, sur CNews, l’ancien patron du Raid et ex-député macroniste Jean-Michel Fauvergue plaidait de son côté pour une « inégalité dans le traitement en faveur des policiers » et pour une « excuse de violence ». De manière informelle, mais tout aussi significative, Gérald Darmanin a fait savoir par le biais de son entourage « sa très grande confiance » en Frédéric Veaux.

En première ligne des offensives de Macron, la police réclame un nouveau saut autoritaire

Ces déclarations s’inscrivent dans la continuité du communiqué en forme d’appel à la guerre civile publiée par les syndicats de police le 30 juin. En pleine révoltes dans les quartiers populaires, celui-ci appelait à utiliser « tous les moyens » pour restaurer l’ordre contre des « hordes de sauvages » et des « nuisibles ». Plus largement, ces dernières années ont été marquées par différents mouvement policiers en faveur d’un renforcement de leurs prérogatives, du mouvement « policiers en colère » de 2016 à la manifestation devant l’Assemblée nationale du 19 mai 2021, en passant par la tentative d’intimidation de la France Insoumise devant son siège en septembre 2019 ou la campagne victorieuse pour la démission de Christophe Castaner en 2020.

Placés en première ligne des offensives d’un gouvernement qui n’a pu imposer ses attaques anti-sociales successives qu’avec l’appui des forces de répression, les syndicats de police se sentent pousser des ailes et intensifient les pressions sur le gouvernement qui multiplie les cadeaux à leur égard ces dernières années. A la différence des précédents mouvements cependant, la hiérarchie du ministère de l’Intérieur a choisi cette fois de se prononcer ouvertement en soutien de cette campagne, appuyant la revendication d’une légalisation de l’impunité policière qui règne déjà au sein du régime. Ce faisant, une aile de l’État revendique une légitimation ouverte de la liberté de tabasser et de tuer pour la police et une légalisation de l’impunité qui est déjà la règle, dans le cadre d’un régime d’exception « officiel » pour les policiers.

Après la grande mobilisation internationale contre les violences policières en juin 2020, l’État avait répondu par la loi sécurité globale et la loi séparatisme, enclenchant par la suite une vague de dissolution d’organisations musulmanes, antiracistes, antifascistes et anticapitalistes qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui. Pour certains secteurs du régime, il faut aller plus loin encore, dans le cadre d’un saut autoritaire dont « la recherche d’une impunité policière absolue, d’un régime de terreur accrue contre les populations racisées » serait un des aspects les plus saillants, comme nous le soulignions dans notre analyse de la révolte des banlieues. Une campagne autoritaire qui exprime un débat ouvert au sein de la classe dominante sur l’attitude à adopter face à la crise sociale et à la crise politique.

Si l’ensemble du régime s’accorde sur la nécessité de méthodes bonapartistes, dans un pays très polarisé où les mobilisations du mouvement ouvrier et des quartiers populaires ont montré leur force, l’objectif de passer un nouveau cap dans l’offensive autoritaire, porté par l’appareil policier, n’est pas majoritaire du fait des risques qu’un tel saut supposerait pour le pouvoir. En ce sens, dans son interview de ce lundi, Emmanuel Macron a choisi une position de statu quo, refusant de commenter ou de condamner les propos de son directeur de la police, affirmant comprendre « l’émotion » des policiers, tout en évoquant « l’État de droit » et en évitant de se positionner de façon explicite sur les revendications des policiers. Une position réaffirmée par Eric Dupond-Moretti qui a ajouté, en soutien à la position présidentielle : « nul n’est au-dessus de la loi de la République. La justice doit poursuivre son travail dans la sérénité et en toute indépendance. (…) C’est une condition indispensable au respect de l’État de droit, qui est le fondement de notre démocratie ».

Ainsi, si au cours de son allocution, Macron a mis en avant « l’ordre, l’ordre, l’ordre », son gouvernement fragile est confronté à une situation où l’instabilité sociale et politique continuent à s’approfondir, comme en témoigne la révolte des quartiers populaires ou encore le dernier remaniement de crise. Dans ce cadre contraint et instable, il s’agit de maintenir un équilibre fragile qui permette de poursuivre les attaques néo-libérales (France Travail, RSA) et lois sécuritaires (Loi immigration, censure des réseaux sociaux), tout en évitant l’offensive de trop que pourrait constituer un nouveau tournant autoritaire.

Macron ne nous protégera pas de sa police : le mouvement ouvrier doit se préparer au combat !

Si Macron semble hésiter sur l’attitude à adopter, c’est d’abord et avant tout parce que la réaction du mouvement de masse effraie les classes dominantes. De ce point de vue, les interpellations adressées à un gouvernement qui ne comprend que le rapport de forces apparaissent non seulement comme une voie sans issue mais sème d’importantes illusions sur la possibilité de résoudre la situation actuelle sur le terrain institutionnel.

Depuis hier, la gauche institutionnelle dénonce à juste titre l’offensive policière en cours, et plusieurs réactions par voie de communiqué ont été publiées ce lundi, d’un côté par la France Insoumise, le Parti Socialiste et Europe Écologie Les Verts, de l’autre par le PCF qui a refusé de signer le communiqué de la NUPES, préférant une position indépendante. Or, ces communiqués ont en commun de s’adresser à Gérald Darmanin, Elisabeth Borne et Emmanuel Macron en les exhortant à garantir « l’État de droit » et les « fondements de notre démocratie ».

De telles revendications ne peuvent que désarmer les travailleurs, car elles sèment d’importantes illusions sur la possibilité que le gouvernement redresse la police, qui aurait été détournée de sa fonction originelle, pour la rendre « républicaine » et garantisse le maintien de « l’État de droit ». Ce discours masque le fait que c’est en utilisant l’ensemble des instruments de cet « État de droit » et sa très anti-démocratique constitution que Macron a ouvert ces dernières années une offensive bonapartiste brutale. Celle-ci a été marquée par la multiplication des mesures d’exception, avec l’intégration dans la loi de nombreuses dispositions de l’état d’urgence dès 2017, des dissolutions d’organisation, des interdictions de manifester, l’intensification de la répression des mobilisations et des quartiers populaires, et les gages accordés à l’institution policière en termes de moyens et de garantie de l’impunité en son sein.

A rebours de tout espoir dans un retour à la « raison » du gouvernement, c’est bien en termes d’affrontement avec le régime et le patronat, sur le terrain de la lutte des classes, qu’il est possible de faire reculer les velléités autoritaires qui s’expriment actuellement. Sur ce plan, l’absence totale de réaction des directions syndicales est inquiétante. Car c’est le mouvement ouvrier, capable de paralyser l’économie et de faire descendre dans la rue des millions de personnes, qui a la force de construire une riposte. Alors que l’aile la plus réactionnaire du régime se prépare au combat, le mouvement ouvrier doit faire de même, en rompant immédiatement avec le dialogue social et en construisant un plan de bataille pour une mobilisation large de notre classe, qui articule réponse aux menaces autoritaires et contre-offensive sociale.

La mobilisation policière actuelle rappelle les dangers inscrits dans la situation et le cours autoritaire du régime qui s’est déjà exprimé avec forces ces derniers mois, du passage en force sur la réforme des retraites à la répression d’exception contre la jeunesse des quartiers populaires. Il y a urgence à se doter d’un programme pour stopper cette dynamique mortifère, en mobilisant l’ensemble des travailleurs en défense des droits démocratiques mais aussi, plus largement, en faveur des salaires, des retraites ou des services publics. Une perspective qui passe également par l’exclusion de tous les syndicats de flics de nos syndicats, en particulier l’UNSA Police et Unité SGP Police FO qui sont à la tête des manœuvres dans les commissariats.


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