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Témoignage

BULAC : une étudiante poussée à la démission après son agression par une supérieure

« Petite peste ! Je vais appeler la sécurité ». Une étudiante contractuelle à la Bibliothèque universitaire des langues et civilisations (Bulac) à Paris dénonce avoir été agressée par sa supérieure, devant des témoins. L’étudiante a été contrainte de démissionner et pointe des biais racistes dans la traitement qu'elle a subi.

Léna Nilène

18 décembre 2023

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BULAC : une étudiante poussée à la démission après son agression par une supérieure

Mina*, étudiante et travailleuse précaire à la Bibliothèque universitaire des langues et civilisations (Bulac) de l’Inalco dans le 13e arrondissement de Paris dénonce avoir été agressée par sa supérieure sur son lieu de travail. Une situation face à laquelle, loin de la soutenir, sa direction l’aurait mise en cause, avant de la contraindre à démissionner. Dans son témoignage, elle raconte l’incident, révélateur, selon elle, du mépris porté pour les travailleurs précaires et dénonce un « traitement raciste ».

« Petite peste ! » « Je vais appeler la sécurité » : Une contractuelle de la Bulac agressée par sa responsable

Sa supérieure lui reprocherait un comportement qui serait, selon ce que rapporte Mina, « inadapté au service public », faisant vraisemblablement référence à un désaccord survenu plusieurs mois auparavant. « Tu n’es qu’une petite peste ! » aurait-elle exprimé avant de lui agripper fermement le bras, devant de nombreux usagers de la bibliothèque tous témoins de la scène. Selon Mina, l’étudiante aurait demandé à plusieurs reprises à sa supérieure de la lâcher, sans suites.

A l’issue de cet épisode, Mina a exprimé son refus de continuer son service dans ces conditions et serait retourné à son poste pour récupérer ses affaires. Alors qu’elle est en train de fermer sa session professionnelle sur l’ordinateur de la Bulac, la titulaire serait revenue à la charge pour lui ordonner de quitter les lieux sur le champ. « Tu pars tout de suite, j’appelle la sécurité ! », lui aurait-elle crié avant de refuser que Mina ne ferme sa session informatique, contenant des données sensibles (boite mail, etc…). Finalement, Mina, raconte-t-elle, a quitté les lieux, sans intervention de la sécurité.

Mina, qui a commencé à travailler à la Bulac en septembre 2022 et qui indique n’aavoir jamais eu de comportement problématique, comprend alors que sa responsable la vise en référence à un événement survenu plusieurs mois auparavant. Au printemps dernier en effet, les contractuels étudiants de la bibliothèque ont fait remonter des plaintes à la direction, avec des témoignages anonymes à l’appui, dénonçant le mépris généralisé à leurs égards de la part de plusieurs collègues titulaires, responsables hiérarchiquement des contractuels et de leur supervision pendant leur travail.

Mina avait apporté sa signature à ce document pour dénoncer le traitement particulièrement précaire réservé aux contractuels, qui doivent composer avec des horaires du soir (20h-22h) et travailler le samedi, mais aussi avec les tâches les plus pénibles (tris des ouvrages, rangements etc…). Mina et ses collègues dénoncent en outre le mépris de leur hiérarchie.

Sans réaction de la direction, Mina dénonce un traitement raciste qui l’a poussé à la démission

A l’issue de cet événement traumatisant Mina explique qu’elle a envoyé un mail à ses supérieurs (N+1, N+2 et N+3) afin de leur faire part des violences subies. Elle recevra une réponse le lundi matin, de la part du pôle médiation, lui proposant un entretien, dans un mail qui minimise, selon elle, grandement la situation. Elle se rendra tout de même au rendez-vous, qui aura lieu une semaine après l’incident, en ayant, au préalable, collecté des témoignages de la part des personnes présentes. Lors du rendez-vous, Mina apprend que sa supérieure a admis les faits.

Malgré tout, la direction ne lui aurait apporté aucun soutien, répétant : « visiblement vous avez des problèmes avec la critique ». Selon Mina, sa supérieure aurait fait courir des rumeurs complètement infondées sur elle, affirmant auprès des collègues de Mina que cette dernière souffrirait d’un syndrome de persécution (trouble psychologique proche de la paranoïa). Mina comprend que sa supérieure s’en tirera sans la moindre sanction.

L’étudiante dénonce également le racisme, selon elle, sous-jacent à l’incident : « Pour moi le racisme réside dans ce biais-là. Je n’ai pas insulté ni levé la main sur la titulaire quand elle m’a agrippé le bras, ce qu’aurait fait une personne agressive. Je parle de biais raciste parce que les maghrébins et les noirs sont toujours renvoyés à leur agressivité supposée. Même si je n’ai jamais eu de problème auparavant avec qui que ce soit, qu’aucun élément de l’incident ne pouvait laisser croire que j’ai agressé verbalement la référente, on a relativisé la violence réelle que j’ai subie avec ma violence supposée. Comme si les deux se valaient, d’un côté on a quelque chose de clairement identifié et de factuel, de l’autre quelque chose d’indéfini et qui repose uniquement sur les dires de la titulaire. Sachant que je suis d’origine et visiblement maghrébine, avec un prénom et un nom arabes, qu’est ce qui peut justifier ça autrement que des biais racistes ? » Le soir même, Mina envoie sa lettre de démission en expliquant les raisons de son départ à la direction.

Un récit, au-delà du cas de Mina, qui fait signe avec le mépris et les mauvaises conditions de travail dénoncées par les travailleurs précaires, notamment étudiants, du service public universitaire. Ces dernières semaines plusieurs luttes ont éclos et témoigné de la généralisation de cette situation, notamment les vacataires de la BPI en grève depuis plus de deux semines pour demander des hausses de salaire et la prise en charge des questions de violences sexistes et sexuelles au travail. A l’Université Paris Cité également, ce sont les moniteurs de la bibliothèque universitaire qui ont commencé une lutte récemment pour dénoncer une situation extrêmement précaire, avec d’importants retards de paiement, certains d’entre eux n’ayant reçu leur salaire de juillet qu’au mois de décembre.

* le prénom a été modifié


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