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Universités

Aggraver la sélection à la fac : un projet commun au gouvernement et à l’extrême droite

Alors que sortait cette semaine un rapport concernant l’état actuel des inégalités sociales à l’école, inextricablement liées à la sélection à l’université, l’extrême-droite étudiante fait sa pré-rentrée en agitant la défense de la sacro-sainte « valeur du diplôme

Elea Novak

15 septembre 2023

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Aggraver la sélection à la fac : un projet commun au gouvernement et à l'extrême droite

Credit photo : Sorbonne. Licence Creative Commons

Une université toujours plus sélective

Le 7 septembre dernier, FranceInfo publiait un article sur le nouveau rapport de France Stratégie intitulé “Scolarité : Le poids des héritages”, faisant mine de découvrir que l’origine socio-économique des enfants est le plus grand facteur déterminant de leur trajectoire scolaire. Pourtant, cela fait plusieurs décennies que les recherches en sociologie montrent que l’école est structurée de façon à valoriser les enfants issus de classes socio-professionnelles aisées, comme le notent certains internautes.

Les inégalités sociales sont consolidées dès l’école maternelle où les enfants n’ont pas les mêmes avantages à leur entrée, jusqu’à la sélection aux études supérieures. En effet, la réussite scolaire est impactée par de nombreux facteurs tels que l’origine géographique, l’origine migratoire, mais aussi et surtout l’origine sociale. C’est ensuite selon les résultats scolaires que vont s’ouvrir ou se fermer les portes de l’éducation supérieure. L’accès à la formation est particulièrement important alors que le chômage est particulièrement élevé chez les jeunes de 15 à 24 ans, montant à 17,6% selon l’OCDE. En effet, le diplôme constitue une protection face au chômage, d’autant plus importante que le diplôme est élevé, d’après l’INSEE (2022).

Une sélection sociale organisée consciemment par Macron, à l’origine des réformes Parcoursup et Bienvenue en France - qui impose des frais d’inscription pour les étudiants étrangers dix fois supérieurs à ceux pour les Européens - qui trient les étudiants en fonction de leur origine sociale.
En parallèle, alors que plus de 2000 candidats Parcoursup sans affectation à la rentrée 2023, et qu’il y a un manque de places en master, le gouvernement cherche à toujours plus réduire le budget de l’enseignement supérieur. D’année en année, les places en 1ère année de Licence et Masters restent les mêmes, alors que la demande est de plus en plus importante. De surcroît, le financement par étudiant n’augmentant pas au rythme de l’inflation, les conditions d’enseignement et les salaires se dégradent.

Une politique qui ne satisfait néanmoins toujours pas les classes dominantes, qui réfléchissent par le biais de divers Think tanks à augmenter les frais d’inscription de l’ensemble des étudiants pour écrémer socialement et financer l’enseignement supérieur. L’année dernière, Macron annonçait en ce sens - avant de faire machine arrière face au tollé provoqué - vouloir « réimaginer » l’université en la rendant payante et beaucoup plus imbriquée aux intérêts patronaux, insistant sur l’objectif que “demain ce seront nos universités qui doivent être les piliers de l’excellence”.

Mais la sélection sociale se fait également par la mise en échec des jeunes issus des classes populaires contraints de travailler pour financer leurs études. Selon le Secours Populaire Français, 107 000 étudiants seraient dans une situation de précarité et 45 000 dans une situation d’extrême pauvreté. Cela accentue la difficulté pour les jeunes défavorisés d’entrer dans l’université, et impacte leur performance scolaire, puisque beaucoup sont obligés de travailler pour se nourrir. En effet, 46% des étudiants travaillent pendant leurs études, et le coût de la vie étudiante a augmenté de 6,47%. Ainsi, il est vital pour que l’éducation supérieure soit accessible à toutes et tous qu’elle soit gratuite.

Un projet gouvernemental partagé par l’extrême-droite étudiante

C’est pour cette université réservée aux élites que se bat l’extrême droite, en demandant que le diplôme ne soit accessible qu’aux plus méritants.
Pour les organisations étudiantes d’extrême droite, telles que l’UNI et la Cocarde, la “valeur du diplôme” constitue le premier point de leurs programmes, objectif central qui leur permet par ce point d’entrée de promulguer une idéologie xénophobe, raciste, islamophobe, homophobe, transphobe, sexiste….. En réalité, la valeur du diplôme signifie pour eux de le réserver à une élite, qui aurait fait ses preuves à l’école, et aurait donc plus de mérite que d’autres. Cette réussite à l’école est évidemment impactée par des facteurs sociaux : derrière le mythe de la méritocratie, l’extrême-droite souhaite tout simplement réserver l’enseignement supérieur à une élite issue des classes dominantes.

Dans les conseils de fac, les organisations étudiantes d’extrême droite se démarquent ainsi en votant pour les mesures qui renforcent la sélection et empirent les conditions des étudiants et des travailleurs de l’université. Des positions qui vont dans le sens de transformer l’université en un milieu réservé à l’élite, et placer les enfants d’origine défavorisée ou immigrée dans les formations professionnelles. Autrement dit, une accentuation des phénomènes actuels comme le montrent la sous-représentation de ces enfants dans les classes générales et la réforme du lycée professionnel.

Au-delà de la politique de tri social qu’appelle de ses voeux l’extrême-droite, l’université présente un enjeu politique important, car elle cristallise les inégalités qui se présentent le long de la scolarité des enfants, et donc constitue le berceau de nombreuses explosions sociales, ce que cherche à étouffer le néolibéralisme depuis des années. Ainsi, lorsque les étudiants osent s’organiser contre les offensives du gouvernement, notamment lors de la réforme des retraites, l’extrême droite les réprime violemment, main dans la main avec les présidences et la police. De ce point de vue, la résurgence de l’extrême droite dans les universités n’est pas anodine et s’inscrit dans la politique antisociale et autoritaire du gouvernement.

Pour une université publique, véritablement ouverte et gratuite pour toutes et tous

Au Poing Levé, nous nous battons pour une université libérée des oppressions, gratuite et ouverte à toutes et tous. C’est en cela que nous exigeons l’abrogation de Parcoursup, MonMaster, et toutes les mesures de sélection qui mènent à l’exclusion des plus précaires de l’enseignement supérieur. Mais nous exigeons aussi la gratuité des études supérieures, et que tous les étudiants bénéficient d’un revenu étudiant à hauteur du SMIC, financé par le patronat pour ne pas avoir à travailler pour financer leurs études.

Alors que le gouvernement avance dans son offensive, il est impératif que les étudiants s’organisent pour contrer cette offensive structurelle contre l’université publique qui est menée par la bourgeoisie, notamment à l’occasion du 19 septembre 2023, appelée par plusieurs organisations de jeunesse pour l’inscription de tous les étudiants sans-facs et contre la sélection.


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