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Argentine

Accords sur la dette : Milei en faveur « d’une austérité plus forte que celle demandée par le FMI »

Alors que l’Argentine a connu une inflation de plus de 200% en 2023, le gouvernement Milei a passé un accord avec le FMI pour conforter son « plan tronçonneuse », et prévoit de nouvelles attaques envers les travailleurs.

Roxane Sinigaglia

12 janvier

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Accords sur la dette : Milei en faveur « d'une austérité plus forte que celle demandée par le FMI »

Dans un contexte de crise économique majeure en Argentine, le ministre de l’Économie Luis Capito a annoncé mercredi 11 janvier qu’un accord avec le FMI avait été trouvé. Après une semaine de négociations, cet accord est la septième révision depuis 2022 de la politique de restructuration de la dette de 44 milliards de dollars, contractée en 2018 par le gouvernement Macri.

L’objectif de Milei et du FMI : faire payer 10 milliards de dollars aux travailleurs

Il a pour objectif de réduire le déficit fiscal de l’Argentine en lui accordant un versement de 4,7 milliards de dollars destiné, selon le FMI, à « soutenir les efforts considérables déployés par les nouvelles autorités pour rétablir la stabilité macroéconomique et aider l’Argentine à satisfaire les besoins de sa balance des paiements ». L’accord exige en contrepartie que l’Argentine rassemble 10 milliards de dollars de réserves d’ici à la fin de l’année.

Alors que cet accord est présenté par Les Échos comme une « bouffée d’oxygène » et par Le Point comme un « accord salvateur » pour l’Argentine, ce plan est en réalité tout l’inverse. Il encourage la mise en place des mesures brutales portées par Milei, qui ont pour but le déplacement de milliards de dollars des poches des classes populaires vers celles du grand capital, pour rembourser la dette argentine. Ces attaques s’inscrivent dans la continuité des dizaines d’années de politiques péronistes qui ont accru la dette et aggravé la situation financière du pays, en se plaçant à la botte du capital financier.

Le FMI a encensé « la rapidité et la détermination » avec lesquelles le président libertarien d’extrême-droite Javier Milei et son équipe économique ont mis en place ces politiques d’austérité envers les Argentins : « Dans les premières étapes, l’élimination des contrôles de prix et la correction du déséquilibre du change auront un impact inflationniste et approfondiront la contraction de l’activité déjà en cours ». De nouvelles promesses qui ne seront jamais tenues, dans le but de convaincre les travailleurs et leurs familles de se serrer toujours plus la ceinture.

Poursuivre la « guerre de classe » par des réformes toujours plus violentes

Le gouvernement déclare aussi que de nouvelles attaques envers la population sont à prévoir. « On s’attend à ce que ces politiques conduisent à une accumulation de réserves nettes de 10 milliards de dollars d’ici fin 2024, dont 2,7 milliards de dollars accumulés au cours des dernières semaines de 2023 », affirment les autorités, soit un objectif que l’État n’a pas réussi à atteindre depuis longtemps sans s’endetter. Ils envisagent aussi de « réaliser un excédent primaire de 2 % du PIB cette année par le biais d’une combinaison de mesures de revenus et de dépenses ». Un ensemble de mesures irréalisables, qui s’inscrivent dans l’objectif du gouvernement d’éliminer le déficit fiscal sans augmenter la dette, mais en renforçant l’austérité des dépenses. Un plan déjà en cours, avec des coupes dans les retraites, le gel des salaires et la non-augmentation des budgets dans la santé, le logement et l’éducation.

Milei plaide même en faveur « d’une austérité plus forte que celle demandée par le FMI » pour rembourser la dette et répondre aux intérêts du grand capital. Il s’inscrit dans la continuité des gouvernements précédents qui n’ont jamais cessé de suivre les directives du FMI et qui sont dépendants des États-Unis et des pays occidentaux. Un état de fait qui n’a pas empêché le pays de sombrer dans une crise économique très profonde, avec une monnaie qui a perdu plus de 10 fois de sa valeur depuis 2019. Une énième démonstration que l’austérité exigée par le FMI ne fait qu’aggraver la précarité dans laquelle se trouve 40 % des argentins, vivant sous le seuil de pauvreté, dont 10 % dans l’extrême pauvreté.

En parallèle de ces négociations avec le FMI ont lieu depuis mardi les débats au Parlement à propos de la loi « Omnibus », un texte qui a pour but de renforcer le pouvoir exécutif et de compléter le plan de « guerre de classe » déjà bien avancé du gouvernement Milei. L’occasion pour le ministre de l’Économie de mettre la pression sur les députés pour faire passer cette loi, dans le sens du FMI, en menaçant de « mesures plus dures » qui « fera davantage souffrir les Argentins » ».

Milei et le FMI font fructifier la crise : les Argentins répondent par la rue et par la grève

Cet accord avec le FMI et les mesures brutales mises en place envers des pans entiers de la population ont lieu dans un contexte de crise économique majeure en Argentine. L’inflation en 2023 s’élève à 211,4% (le niveau le plus élevé depuis 1990), la hausse des prix des aliments à 250%, et l’inflation du mois de décembre est estimée à 25,5% (selon les chiffres de l’Indec, institut de sondage argentin).

Depuis la dette de 44 milliards de dollars contractée par le gouvernement péroniste auprès du FMI en 2018, la pauvreté est passée de 27% à 40% en quelques années. 101 milliards de dollars ont déjà été transférés des poches de la classe ouvrière à celles des grands patrons au cours des deux derniers gouvernements péronistes. La politique « de choc  » mise en place par Milei depuis novembre s’inscrit dans cette dynamique et vise à sortir de la crise par la droite en contentant rapidement les secteurs du patronat et de la bourgeoisie à travers des attaques contre les travailleurs et les pauvres du pays.

Contre ces offensives autoritaires, les Argentins répondent par la rue et par les moyens de la lutte des classes. Des casserolades et des manifestations contre les attaques du gouvernement ont lieu partout dans le pays depuis décembre, et un appel à la grève générale a été annoncé pour le 24 janvier. Alors que les grands patrons et la bourgeoisie s’enrichissent sur le dos de la population argentine, le FMI voudrait que ce soient les Argentins qui paient une dette dont ils ne sont pas responsables et dont ils payent déjà le prix tous les jours. On ne doit rien attendre du FMI, et c’est par l’unité d’action et la construction d’un plan de bataille par en bas que les mesures austéritaires du gouvernement, au service du capital financier, pourront être mises à mal.


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