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29 de juin de 2017 Twitter Faceboock

Françafrique
La BNP mise en cause dans le génocide rwandais
Sadek Basnacki

23 ans après le dernier génocide, l’histoire s’efface peu à peu. En France, aux vues de sa responsabilité, on a tout fait pour que cette période dramatique pour l’humanité soit oubliée. Aujourd’hui tout est relancé avec une plainte contre X qui vise des chefs d’états, des militaires mais également la BNP pour complicité dans un génocide.

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Crédit Photo : DR

Le Rwanda, le pays des Milles Collines est un pays assez peuplé, 7millions d’habitants, essentiellement des agriculteurs. Comme au Burundi voisin, on y trouve deux groupes, les Hutu qui viennent du nord et les Tutsi qui viennent du sud. Ils ont sans doute de lointaines origines différentes mais depuis des siècles, ils vivent ensemble, parlent la même langue et pratiquent la même religion. La différence entre les deux groupes n’est pas ethnique, si au départ elle l’était, elle s’est atténuée au fil des siècles, la différence est plus sociale. Les Hutu correspondent au bas de l’échelle sociale, les Tutsi sont plus féodaux. Ce sont les colonisateurs qui raviveront cette différence ethnique et l’amplifieront considérablement afin de diviser le pays et assurer son pouvoir en s’appuyant sur la classe sociale la plus haute et minoritaire, les Tutsi.

Au départ colonie allemande, le Rwanda sera donné à la Belgique qui contrôle le Zaïre voisin, après la première guerre mondiale. Ainsi, la Belgique, s’appuyant sur les missions catholiques vont s’appuyer sur les Tutsi présentés comme des seigneurs et des guerriers face à la majorité Hutu, environ 80% de la population, considérée comme des serfs et des roturiers. La rivalité est artificiellement exacerbée, la haine est même formalisée puisque que le colonisateur fera figuré sur les cartes d’identité avec la mention Hutu ou Tutsi.

Dans les années 50 avec la vague de mouvement décolonisateur le système évolue. L’aspiration à l’indépendance se développe dans les cercles intellectuels et donc principalement chez les Tutsi. Les Belges décident alors de changer de cheval et de soutenir les Hutu ce qui a pour effet d’accroître les tensions entre les deux communautés. En 1959, on assiste aux premières émeutes raciales. Les Hutu avec le soutien des Belges s’en prennent aux Tutsi. Il y a des milliers de morts, beaucoup fuient vers l’Ouganda.

En 1962, le Rwanda accède à l’indépendance. C’est évidemment un Hutu qui est à la tête de l’État. Celui-ci est renversé rapidement par un coup d’État organisé par le Général Hutu Habyarimana. Il est issu des Hutu de la région nord beaucoup plus extrémiste dans l’anti-tutsi que ceux du centre et sud. On l’oublie bien souvent mais certains des Hutu du centre et du sud plus modérés seront les premières victimes du génocide.

A partir de là, le racisme anti-Tutsi s’institutionnalise et les Tutsi s’organisent militairement en Ouganda et font des incursions armées au Rwanda.

En octobre 1990, les Tusti organisé dans le Front Patriotique Rwandais font une grande offensive militaire. Habyrimana fait appel aux belges puis à la France avec qui le Rwanda a un accord de coopération militaire. Mitterrand décide d’envoyer les paras car selon lui c’est une invasion étrangère et que les Hutu sont majoritaires et donc légitimes. Pour le chef d’état major, les Tutsi sont des « Khmers noirs ». La raison première de Mitterrand reste la volonté d’étendre l’influence française en Afrique de l’est dans la plus pure tradition de la Françafrique.

Les soldats français regardent les massacres sans intervenir. Parfois ils aident directement les Hutu. Ainsi, des soldats français pilotes des hélicoptères de combats de l’armée rwandaise, mènent des actions de reconnaissance en profondeur allant jusqu’en Ouganda, aident à ajuster les tir d’artillerie sur le front, font la police dans les rues de Kigali. Ils formeront aux méthodes « anti-subversives » comme ils ont fait en Amérique latine avec les différentes dictatures, parfois ils « interrogent » eux même, c’est à dire qu’ils pratiqueront la torture.

L’aspect le plus important sera la formation de l’armée. En deux ans son effectif qui était de quelques milliers en 1990 passe à plus 50 000 soldats. Pour autant, ils ne font pas le poids face aux forces du FPR et en fait dépendent toujours plus du soutien militaire français. En 1992, un lieutenant-colonel français deviendra le chef suprême de l’armée rwandaise. C’est donc la France qui mène la guerre.

L’aide militaire française s’accompagne bien évidemment de livraison d’armes et de matériel, hélicoptères, artilleries, missiles etc... Pour pouvoir approvisionner suffisamment l’armée rwandaise, les français leurs donnent leur propre stock.
Cette guerre civile pose les bases au génocide de 1994. Ainsi le numéro deux du pouvoir rwandais déclarait qu’il fallait exterminer les familles de tutsi membre du FPR, « celui à qui vous n’aurez pas tranché la tête sera celui qui tranchera la vôtre ! ».

En 1993, on voit se créer partout au Rwanda des groupes d’autodéfense Hutu, armés et formés par l’armée française. Ces milices seront les principaux fers de lance du génocide. La radio des Milles Collines ne cesse de lancer sur les ondes des appels au massacre et à l’extermination des Tutsi. Le 6 avril 1994, Habyarimana est assassiné. Son avion est abattu par un missile sol-air. C’est l’acte déclencheur du génocide. Tout était prêt.

A partir de là, l’ONU décide d’un embargo sur les armes en destination du Rwanda. Pour autant, la vente d’arme continue. Certaines des livraisons passent par l’aérodrome de Goma au Zaïre. C’est dans cette ville que l’armée française, dans le cadre de l’opération turquoise installera une « zone humanitaire » pour accueillir les réfugié rwandais. Selon Guillaume Ancel, ancien officier de l’armée de terre, qui a pris part à l’opération Turquoise au Rwanda, affirme, ce jeudi, sur france info, que ses supérieurs lui ont clairement demandé de « livrer des armes aux génocidaires dans les camps de réfugiés. »

C’est dans cette affaire que la BNP aurait trempée et qu’elle est attaquée en justice aujourd’hui, soit 23 ans plus tard. L’association Survie vient de déposer une plainte contre X, avec constitution de partie civile, pour « complicité de génocide et complicité de crimes contre l’Humanité ». Ces associations accusent le groupe bancaire d’avoir permis le « financement de l’achat de 80 tonnes d’armes, ayant servi à la perpétration du génocide », alors « que la banque ne pouvait douter des intentions génocidaires des autorités du pays pour qui elle a autorisé le transfert » de fonds en juin 1994 .

Les 14 et 16 juin 1994, trois hommes, dont le marchand d’armes sud-africain Petrus Willem Ehlers, un officiel zaïrois et le colonel Bagosora, directeur de cabinet au ministère de la défense rwandais et aujourd’hui en prison après sa condamnation à trente-cinq ans de réclusion par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda pour génocide, ont acheté des armes pour un montant de 1,3 million de dollars soit 1,1 million d’euros destinées dans les faits aux Forces armées zaïroises (FAZ). L’achat a été livré par avion en deux fois à Goma, dans l’est du Zaïre, avant d’être acheminé par la route à Gisenyi, à l’ouest du Rwanda, où il a été distribué à des miliciens hutu sous la supervision de l’armée rwandaise.

Cela ne pouvait pas faire de doutes pour la BNP puisque c’est la Banque nationale du Rwanda qui lui demande le paiement de la somme de 1,3 million de dollars sur le compte suisse d’Ehlers à l’Union bancaire privée de Genève, qui elle-même règle ensuite le gouvernement des Seychelles sur un compte américain hébergé à la Federal Reserve Bank of New York.

A l’exemple de l’État français, le BNP ne pouvait pas ne pas savoir à quoi ils participaient. Lorsqu’il s’agit de faire du profit, et lorsqu’il est question d’armes, on parle d’énormes profits, alors l’éthique et la morale des capitalistes, de nos banquiers et de nos dirigeants disparaissent comme par magie. Aucun responsable étranger n’a été inquiété. Les responsables du génocide à quelques exceptions prêts sont protégés par la France qui s’est servie de l’opération turquoise pour cacher sa responsabilité et faire fuir les dirigeants Hutu.

Certaines archives viennent d’être déclassifiées en France sur le Rwanda. L’étude de ces archives permettra peut être de faire la lumière sur la responsabilité des grands groupes et des États impérialistes comme la France qui est la première responsable, la Belgique et les Usa, sur le génocide rwandais qui a fait entre 800 000 et 1 million de morts et qu’enfin ce génocide, qui n’a pas de responsable, en ait enfin.

 
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