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La Izquierda Diario
7 de mars de 2017 Twitter Faceboock

Un bien « drôle de coco »
L’ex-communiste Patrick Braouezec appelle à voter Macron : une surprise ?
Georges Camac

MARTIN BUREAU/AFP

La rumeur circulait déjà depuis quelques temps mais c’est maintenant officiel. Dans une tribune parue dans Le Monde, Patrick Braouezec appelle donc à voter pour Emmanuel Macron. Un soutien étonnant à première vue mais qui est en réalité plutôt cohérent quand on connait le parcours du maire historique de Saint-Denis et de son ancienne organisation, le PCF, qu’il a quitté en 2010.

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De l’eurocommunisme au néolibéralisme


Au sein du PCF, Patrick Braouezec est connu pour avoir été l’un des principaux animateurs de la tendance dite des « refondateurs », un courant interne qui émerge à l’aube des années 1990 en opposition à la direction du parti. Dans son livre-manifeste Drôle de coco, paru en 1999, il expose les fondements de son projet. Dans la droite ligne de la critique euro-communiste des années 1970, celui-ci explique vouloir fonder un « communisme du 21è siècle » pour mettre fin à la lente agonie du PCF.

Cependant, s’il semble vouloir fonder un nouveau communisme, force est de constater que le bilan des horreurs du stalinisme lui sert surtout à liquider de manière systématique tous les acquis de la pensée révolutionnaire. Dans Drôle de coco , la possibilité d’un « Grand Soir », d’une révolution est clairement mise de côté et le suffrage universel est célébré comme un moyen pour transformer le système. Une première clarification stratégique qui préfigure le ralliement actuel de Braouezec au néo-libéralisme décomplexé de l’ex-banquier de Rothschild. S’il argue de la montée du FN pour justifier son choix, il tient cependant à préciser qu’il s’agit là non seulement d’un « vote de raison, mais d’un vote d’engagement également. »

Rappelons donc en quelques lignes ce que signifie l’engagement de ce « communiste du 21è siècle » : 120.000 fonctionnaires en moins, 10.000 policiers et 15.000 places de prison en plus, la casse des régimes de retraite des fonctionnaires et des cheminots, les attaques contre les chômeurs ou encore la casse supplémentaire des universités. On aura connu plus « progressiste »…

Saint-Denis, la Plaine et le stade de France


Cette conversion de Patrick Braouezec aux sirènes de la politique dominante ne peut pas se comprendre sans revenir sur l’expérience de celui-ci en tant qu’élu local. Lorsqu’il arrive en 1991 à la tête de la mairie de Saint-Denis, la ville est déjà aux mains d’un dissident de droite du PCF, Marcelin Berthelot. Mais Braouezec va largement radicaliser la rupture avec le parti, notamment avec sa principale réalisation : la transformation en profondeur de la Plaine-Saint-Denis. Cette zone d’activités, plus grande friche industrielle d’Europe après-guerre, est présentée commune une vitrine du « nouveau communisme » que défend Patrick Braouezec.

Face à la désindustrialisation et la montée du chômage, le PCF se contente jusque-là d’une politique défensive très timorée de défense des emplois, alors que de nombreux grands groupes capitalistes lorgnent sur cette friche industrielle à proximité de Paris et présentant un prix du foncier particulièrement faible. Braouezec va alors leur ouvrir leurs portes de la Plaine. Première étape, l’implantation du Stade de France sur la zone, dans la perspective de la coupe du monde 1998. Une décision vivement combattue par la direction du PCF d’alors, qui va permettre l’implantation de deux gares RER et le développement ultérieur de la zone.

Vingt ans après, la Plaine-Saint-Denis s’est considérablement transformée. Elle est devenue l’une des principales zones d’activités tertiaires d’Ile de France. Mais les vertus attendues par Braouezec de ce développement ne se sont pas font sentir, au contraire. Les nombreux emplois créés ne correspondent pas au niveau de qualification de la population résidente et ce sont surtout des cadres parisiens qui viennent travailler dans ces nouvelles tours. Résultat : le taux de chômage à Saint-Denis était en 2013 de 23,4% de la population active, contre 10,4% au niveau national.

En revanche, cette expérience a fondé chez Braouezec un lien renouvelé avec le grand patronat français : d’un rapport de méfiance (relatif), celui-ci est devenu un franc rapport de collaboration. Banques, assurances, industries cinématographiques, télécoms : les grands groupes se sont précipités à la Plaine-Saint-Denis pour faire des affaires juteuses avec le maire de Saint-Denis. Il faut dire que Patrick Braouezec a vite compris quels étaient les exigences de ses « partenaires » : éradication des pauvres en détruisant les logements insalubres sans reloger, traque aux sans-papiers, répression des agents municipaux exploités par la mairie, … Rien d’étonnant donc qu’entre l’ex-banquier de Rothschild, Emmanuel Macron, et le « drôle de coco », on se trouve désormais des affinités communes.

Un produit du stalinisme français


Pour désigner les « refondateurs », un terme a fait son apparition au sein du PCF, celui des « liquidateurs ». Un moyen de les rendre responsables de la faillite de ce qui a été le plus grand parti ouvrier de France. Pourtant, Patrick Braouezec, s’il a toujours combattu la direction du parti, n’en est pas moins un pur produit du stalinisme français.

D’abord, la gestion pragmatique du capitalisme mise en œuvre par Patrick Braouezec dans la ville de Saint-Denis est loin d’être une chose nouvelle au sein du PCF. Au contraire, depuis les années 1930, la conquête de municipalités a toujours été au cœur de la politique de l’organisation. Avec la différence qu’après-guerre, dans la banlieue rouge, les politiques menées par le PCF s’appuyaient sur la conjoncture favorable des Trente Glorieuses et ces conditions permettaient de mener une politique « progressiste » : création d’emplois, de logements sociaux, d’équipements sociaux et culturels. Une situation bien différente de celle d’aujourd’hui.

Surtout, au cours des années 1980, puis 1990, l’effondrement militant du PCF a conduit la direction du parti à renforcer sa politique électoraliste pour contenir son déclin, accélérant du même coup l’hémorragie militante dans les rangs des ouvriers combatifs de l’organisation. Cette politique d’appareil électoral a conduit le PCF à se contenter de gérer l’austérité et les attaques contre les travailleurs dans les quelques villes qu’ils conservent, à multiplier les alliances électorales avec le PS et à laisser les « refondateurs » gouverner au nom du PCF, à l’image de Patrick Braouezec dans la ville de Saint-Denis. D’ailleurs, si celui-ci soutient la candidature Macron, il appelle néanmoins à voter PCF ou Front de Gauche lors des élections législatives, un appel qui sera, n’en doutons pas, entendu par la direction du parti communiste qui ne sait toujours pas comment elle va conserver ses députés. Car s’il a quitté le PCF en 2010, Braouezec n’en reste pas moins l’un des principaux leaders de la « gauche de la gauche » dans cette partie de Seine-Saint-Denis, celui qui fait et défait les têtes et les alliances et notamment... avec le PCF.

Enfin, les méthodes de gestion autoritaires qui prévalent au sein du PCF vont être un des principaux arguments des « refondateurs » pour justifier leur politique et imposer leur vision. D’abord, l’interdiction de toute pensée critique contre la direction va entrainer un délitement progressif de la ligne du parti, incapable de s’adapter aux mutations contemporaines. D’autre part, l’interdiction des tendances va permettre aux « refondateurs » de se poser comme des martyrs au sein de l’organisation. L’absence de démocratie en interne et la mainmise bureaucratique du PCF sur ses villes va donner une caution à la représentation démocratique du suffrage universel dont bénéficie Braouezec en tant qu’élu local. Après Robert Hue, c’est donc le deuxième cadre du PCF qui choisit de rejoindre la candidature Macron. Patrick Braouezec, après s’être revendiqué du « communisme » est donc prêt à soutenir la candidature d’un pur produit des classes dominantes, Emmanuel Macron, prêt à passer à l’offensive contre les travailleurs et les classes populaires.

 
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