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La Izquierda Diario
19 de janvier de 2017 Twitter Faceboock

Largadère et Bolloré unis dans la défense de leur animateur fétiche 
Soupçons de harcèlement sexuel : Morandini relaxé !

Malgré le fracas médiatique autour de Jean-Marc Morandini à la suite des révélations concernant des soupçons de harcèlement sexuel et de travail dissimulé, le parquet de Paris a gracieusement libéré l’animateur de toutes ses angoisses en expliquant que les infractions étaient « insuffisamment caractérisées ». Une bonne façon de libérer un homme particulièrement protégé par les géants de l’audiovisuel, Lagardère et Bolloré, tout en laissant sur le bas-côté des victimes, qui étaient pour certaines mineures au moment des faits.

Elsa Marcel

Link: https://www.revolutionpermanente.fr/Soupcons-de-harcelement-sexuel-Morandini-relaxe

Travail dissimulé et harcèlement sexuel : les cinq plaintes classées sans suite


Tout commence cet été, lorsque des comédiens dénoncent au journal les Inrockuptibles les conditions de casting et de tournage d’une web-série comportant des scènes dites « osées ». En réalité, ils accusent l’animateur d’avoir profité des castings pour les pousser à s’exhiber nus. Selon leur témoignage, ils font tous état de manipulations et de pressions psychologiques de la part d’une femme, « Catherine », présentée comme directrice de casting pour qu’ils envoient des photos ou des vidéos d’eux nus et en train de se masturber.

Le harcèlement sexuel se double d’une accusation de travail dissimulé, également classée sans suite. En effet, ce dispositif est aussi rentable : ces jeunes comédiens ont été engagés pour le tournage, sur la base d’une offre d’emploi qui stipulait les journées seraient rémunérées. Pourtant, lorsqu’ils finissent par se désengager en refusant de tourner les scènes à caractère sexuel, ils se heurtent au refus de leur verser la rémunération convenue. Jonathan, l’une des victimes raconte : « Catherine m’a tout simplement expliqué par mail que je n’avais pas à être payé puisque j’avais juste tourné un pilote. C’est de l’exploitation car j’ai des mails attestant de mon engagement pour un rôle récurrent. Je me suis fait flouer. Depuis janvier, j’attends mon chèque. J’ai pensé à l’époque à contacter la presse mais je ne l’ai pas fait car j’ai eu peur de griller ma carrière. »

Et ce n’est pas tout, si Morandini s’est empressé de relayer sur son blog l’annonce de sa relaxe, il omet de préciser qu’il reste sous le coup d’une procédure pour corruption de mineurs aggravée. En effet,à la suite des révélations du magazine, deux autres plaintes, sans lien avec la web-série, ont été déposées par deux jeunes hommes, mineurs à l’époque des faits qu’ils dénoncent.L’un deux affirme avoir été invité au domicile de M.Morandini afin de poser nu pour des clichés dans le cadre d’un projet de film qui ne verra jamais le jour. Le second raconte avoir été contacté sur Twitter avant de recevoir des messages crus comportant des propositions d’ordre sexuel.

Pourtant, si l’on en croit le parquet de Paris, l’enquête n’a pas permis de démontrer que les victimes « avaient subi une forme de contrainte, de pression ou de menaces », un argument pour conclure que les infractions sont « insuffisamment caractérisées »

Des infractions « insuffisamment caractérisées » ?


Si une telle conclusion semble ahurissante, elle témoigne en fait de la place dérisoire que le droit pénal accorde à la parole des victimes de harcèlement sexuel. Les premières à témoigner ont permis de briser l’omerta et de dévoiler l’ampleur de ce dispositif bien rodé, assis sur la peur de ne pouvoir ensuite faire carrière dans ce domaine. De nombreuses victimes se sont ensuite exprimées, cinq ont porté plainte dans cette affaire, puis deux dans la seconde. Les témoignages pleuvent et relatent tous des faits similaires. De plus, lors d’une conférence de presse, l’animateur a lui-même reconnu avoir commis ce qu’il appelle des « maladresses » tout en affirmant être la véritable victime de cette affaire, celui qu’on a voulu faire passer pour « un immonde pervers ».

En réalité, derrière l’argument « juridique » selon lequel selon lequel l’infraction « n’est pas suffisamment caractérisée » se cache une logique bien ancrée : puisque c’est à la victime de rapporter la preuve du harcèlement sexuel et celui-ci étant évidemment très difficile à établir, c’est principalement sur le témoignage que se base le parquet. Or force est de constater que celui-ci, mêmes quand ils sont nombreux, pèsent peu face à celui de Jean-Marc Morandini que tout accable et qui s’en sort pourtant en affirmant que « la nudité n’est pas un tabou ».

Suspendu d’Europe 1 pour mieux intégrer I-télé : quand agressions sexuelles et médias dominants font bon ménage

Cette parodie de justice aboutit à la consécration d’une forme de droit de cuissage au sein de la grande entreprise du système médiatique, à la fois garant de l’assise des classes dominantes et relai puissant de l’idéologie patriarcale.

En effet, au moment des faits, Morandini avait à Europe 1 une émission quotidienne et à travers elle, accès à des milliers d’auditeurs. Le groupe Lagardère qui détient la chaine dispose en tout de trois réseaux nationaux (Europe 1, Virgin Radio et RFM), ce qui lui permet de couvrir une population mondiale d’entre 113 et 135 millions d’habitants. Si on ajoute les 37 titres de presse en France et 87 éditions sous licence à l’internationale, la branche média du groupe représente 23% du chiffre d’affaires de la société. On comprend ainsi aisément que les douleurs des victimes pèsent bien peu face à la nécessite d’assurer la rentabilité de ce lourd dispositif. Si Morandini a été suspendu d’Europe1, c’est certainement plus en raison de la chute de son audimat suite aux révélations que par égard pour les plaignants.

Mais l’animateur n’a pas eu à s’inquiéter trop longtemps : aussitôt suspendu d’Europe 1, il a été embauché par Bolloré et le groupe Canal + afin de présenter une émission sur Itélé. Cette nomination a suscité la colère des salariés, qui ont riposté en déclenchantla grève la plus longue de l’histoire de l’audiovisuel depuis mai 1968. Parmi les revendications des salariés : le départ de l’animateur de Morandini Live ! ainsi que des garanties sur l’indépendance éditoriale de la chaine.

Mais Vincent Bolloré n’a pas cédé, et pour cause : il possède aussi la chaine D8 et n’a pas hésité à débourser 50 millions d’euros par an jusqu’en 2021 pour conserver Cyril Hanouna, animateur de l’émission « Touche pas à mon poste » sur le plateau de laquelle il fait bon commettre des agressions sexuelles … et en rire !

Quand l’humiliation publique et le harcèlement sexuel s’achètent à ce prix, il est plus facile de comprendre en quoi les infractions dénoncées par les victimes sont « insuffisamment caractérisées ». La brutalité des faits reste trop légère face à la nécessité d’assurer la pérennité des intérêts de grands groupes capitalistes qui repose aussi sur leur capacité à s’accaparer l’espace médiatique pour en faire le terrain privilégié de la diffusion d’une idéologie patriarcale et réactionnaire.

 
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