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La Izquierda Diario
25 de mai de 2016 Twitter Faceboock

Interview de Thierry Defresne, délégué syndical central CGT Total Raffinage Pétrochimie
“Les raffineurs ne veulent pas être soutenus moralement, mais soutenus de manière concrète, par la grève”

publié par l’Anticapitaliste

En 1948 et en 1963, le charbon était au cœur de l’activité industrielle. En 2016, comme en 2010, avec le tout-bagnole, le tout-camion et le tout-car Macron, le pétrole est un élément essentiel de l’économie. C’est pourquoi Valls, Sapin et Cazeneuve prennent aujourd’hui les accents et enfilent les bottes de Jules Moch et de Sarkozy. « Chantage », « prise d’otage », on connaît le vocabulaire... Et pourquoi pas demain « terrorisme » et la réquisition jugée illégale par l’OIT ? Mais les raffineurs ne feront pas seuls reculer le gouvernement. C’est ce que vient de nous confier Thierry Defresne, délégué syndical central CGT Total Raffinage Pétrochimie.

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Peux-tu nous donner une idée de ce que représente la raffinerie de Normandie ?

La raffinerie de Normandie est un site du groupe Total situé à Gonfreville-l’Orcher en Seine-Maritime. Elle date de 1933, et depuis le regroupement en 2011 de la raffinerie et du site pétrochimique, elle emploie 1700 salariés. Chaque année, la raffinerie de Normandie transforme 12 millions de tonnes de pétrole brut en produits de consommation courante (essences, gazoles, carburant pour avion, huiles, lubrifiants, etc.), ce qui représente 20 % de la production nationale de produits pétroliers. Le site travaille en continu avec la moitié des salariés, postés, travaillant en 3X8. L’autre moitié de salariés, journaliers, travaille dans les services administratifs, les supports techniques, la maintenance. En plus des 1700 salariéEs « Total », 900 employéEs appartenant à des entreprises sous-traitantes sont présents sur le site. Ils assurent une partie de la maintenance des installations (mécanique, soudure, etc.).
En terme de qualifications et d’organisation du travail, cela donne 200 ingénieurs et cadres, 300 ouvriers et 1200 techniciens et agent de maîtrise.
Syndicalement, la CGT y est majoritaire, même depuis le regroupement avec la pétrochimie (secteur dans lequel la CFDT est très présente), avec 33 % des voix, en légère baisse par rapport aux élections précédentes où nous représentions 37 %. SUD autour de 10 % s’est curieusement rallié à la CFDT lors des dernières élections. La CGC est implantée chez les cadres bien sûr, mais aussi au 2ème collège où la direction considère que les chefs de quart font partie de l’encadrement.

Comment a démarré la mobilisation contre la loi travail ?

Dans les raffineries, comme parmi les salariés, comme pour une majorité de la population, c’est le rejet de l’ensemble de la loi travail qui s’exprime. La colère est présente comme partout. La mobilisation des travailleurs du site s’inscrit dans le cadre de la forte mobilisation interprofessionnelle. Les raffineurs ne veulent pas être en première ligne de la mobilisation. Les barrages regroupent les salariés de nombreuses entreprises de la zone autour de Renault Sandouville. Sur les barrages, nous sommes obligés de tourner pour assurer les relèves se sécurité. C’est la mobilisation de l’interpro qui constitue le ciment de la lutte.

Quelles conséquences de la loi travail redoutez-vous particulièrement ?

La succession des lois Rebsamen, Macron, et maintenant cette loi travail incite les patrons à rouvrir des négociations pour remettre en cause des accords d’entreprises plus favorables. Total n’est pas en reste. En vertu d’un accord interne sur la pénibilité, les personnels ayant plus de vingt-cinq ans d’ancienneté en travail posté ont la possibilité de prendre leur retraite dès 55 ans en étant payé par Total à 77 %, y compris les primes, hors prime de quart. Les heures supplémentaires sont rémunérées au moins à 33 %, et pour certaines jusqu’à 99 %. Tout cela est dans le collimateur non seulement de Total, mais aussi de toutes les entreprises sous-traitantes. Beaucoup de salariés qui ont un salaire de base de 1200 euros de salaires de base, gagnent 2000 euros avec les heures supplémentaires et les primes de déplacement. Ils risquent de perdre 300 euros par mois. Cela explique la forte mobilisation des salariés de la sous-traitance au côté des « Total ».

Où en est la mobilisation ?

Ça a commencé en fait le jeudi 31 mars avec la journée nationale interpro, et depuis nous avons participé à toutes les journées nationales, avec des débrayages de 24 heures, des actions multiples comme les arrêts d’expéditions... Et aussi beaucoup des discussions avec les travailleurs, notamment à l’occasion des journées du 17 et du 24 avril qui ont permis d’aboutir aux propositions d’arrêt de la production de ces jours-ci. Ce qui est déterminant, c’est la mobilisation des salariés grévistes à l’intérieur du site. Les blocages avec les routiers et l’interpro ont provoqué de grosses perturbations dans la distribution des productions. Lors de la récente intervention des flics à 2 heures du matin, ils se sont trouvés assiégés autour du site, et cela n’a fait qu’amplifier le problème. Les barrages ont été levés... mais il n’y a personne sur le site en dehors des équipes de sécurité !

Le rôle de l’interpro est donc essentiel ?

Oui parce que la victoire dans cette lutte viendra de la mobilisation de toutes et tous. Nous, on répète aux gens qui viennent spontanément sur les barrages en disant « On est avec vous » : « Mettez vous en grève car la grève par délégation, ça n’existe pas ». Il faut que chacun continue à travailler sur l’élargissement de la mobilisation sur l’ensemble de la loi travail. Il faut multiplier les actions.
Il faut convaincre autour de nous, dans nos familles, de rejoindre l’action, de faire grève. Si chacun convainc une personne de son entourage, cela double le nombre de grévistes et ainsi suite...
Les raffineurs ne veulent pas être soutenus moralement dans cette bataille, mais soutenu de manière concrète, par la grève.

Quelle est la situation dans l’ensemble de filière ?

Valls avait menacé de débloquer les sites de raffinage bloqué par les barrages de salariés de l’interpro, les routiers. Son action a eu pour résultat d’accroître la colère. Ainsi, Donges (en Loire-Atlantique) et Feyzin (en région lyonnaise) sont en processus d’arrêt. Grandpuits (en Seine-et-Marne) reconduit pour 72 heures. Sa position de site stratégique pour la région parisienne conduit les salariés à peser leurs décisions. Au bout du compte, la direction pourrait être amenée à arrêter la production pour des raisons de sécurité. Et Dunkerque jusqu’à mardi. En PACA, la grève se construit en lien avec les mobilisations engagées par l’UD CGT Bouches-du-Rhône.

Dans tes interventions revient le rôle de l’interpro et le refus de l’isolement. Des souvenirs du mouvement de 2010 ?

En effet, depuis 2010, nous rencontrons des difficultés pour mobiliser sur des thèmes plus large que l’entreprise. Pourtant, malgré ce que l’on croit souvent, 2010 n’a pas été un échec complet. Nous avons obtenu des avancées en matière de départs anticipés liés à la pénibilité. Et, dans le cadre de la boite, nous avons mené des bagarres importantes. En 2013, en 2015, nous avons fait plusieurs semaines de grèves, notamment à l’occasion des négociations annuelles obligatoires (NAO) contre des accords pourris signés par la CFDT et la CGC.
Mais sur les sujets « nationaux », il y a une réticence des salariés à se retrouver en tête de mobilisations. Dans le cas de la mobilisation contre le loi travail, ils suivent de près la mobilisation dans le cadre de l’interpro. Ils nous font confiance pour ne pas nous isoler dans un jusqu’au- boutisme. Ils veulent savoir en permanence où on en est, où on va...
Propos recueillis le week-end dernier par Robert Pelletier

 
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