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La Izquierda Diario
26 de janvier de 2023 Twitter Faceboock

Enquête
Retraites. 29 étudiants mobilisés arrêtés : que s’est-il passé au Campus Condorcet lundi soir ?
Antoine Weil
Le Poing Levé EHESS

Après l’arrestation de 29 personnes mobilisées contre la réforme des retraites au Campus Condorcet lundi soir, plusieurs d’entre elles témoignent pour RP. Elles racontent avoir été détenues dans des cellules insalubres, insultées et violentées par la police.

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Depuis lundi, le Campus Condorcet est le théâtre d’une forte répression contre le mouvement étudiant et le droit à s’organiser. Après l’arrestation lundi soir de 29 étudiants qui avaient décidé d’occuper une salle, le rassemblement de solidarité avec les interpellé·e·s mardi a été l’occasion d’un fort déploiement policier. Sortis d’une garde à vue qui a duré près de 24 heures, plusieurs étudiants témoignent de la violence de leurs conditions de détention. Retour sur le déroulé des événements.

29 étudiants interpellés au cours d’une arrestation violente

Lundi aux alentours de 19 heures, des étudiants se rassemblent dans une salle d’un bâtiment du Campus Condorcet. Habituellement dédié à la vie étudiante, ce dernier a été choisi alors que la présidence de l’EHESS évoquait le fait de le mettre à disposition des étudiants demandeurs d’un espace pour s’organiser en vue de la réforme des retraites.

Alors que le bâtiment en question devait fermer à 20 heures, dès 20h30 les forces de police, appelés par la présidence du Campus, sont présentes pour déloger les étudiants restés sur place. Une vingtaine de policiers interviennent et arrêtent l’ensemble des personnes sur place. Des témoins présents sur le campus rapportent qu’il y avait plus d’une dizaine de véhicules de police tout le long de la rue longeant le campus.

Au moment de l’interpellation, une personne est frappée par la police, elle saigne du nez et a vraisemblablement deux côtes fêlées, ce qui conduira les policiers à la surnommer « côtelette » tout au long de la garde à vue. Les étudiants interpellés sont ensuite séparés dans plusieurs commissariats différents à Stains, Aubervilliers, Épinay-sur-Seine et dans deux commissariats différents de Saint-Denis.

Ces transferts ont eu lieu au milieu de la nuit, après plusieurs heures passées à attendre sur un banc au commissariat de La Plaine Saint-Denis.

Des conditions de garde à vue inhumaines

Trois étudiantes placées en garde à vue témoignent qu’une quinzaine de leurs camarades masculins ont été déposés dans la même cellule d’à peine 4 mètres carrés, alors que de nombreuses autres cellules étaient inoccupées. Les étudiants en question avaient donc du mal à respirer, ce qui a provoqué les insultes des policiers, répétant « ah celui-là il va mourir » à un étudiant arrêté. Une personne présente a commencé à faire un malaise, et lorsqu’elle a demandé à sortir de la cellule, des policiers lui ont fait une clé de bras.

Au milieu de la nuit, les gardés à vue sont transféré dans différents commissariats et enfermés dans des cellules « minuscules » selon leurs témoignages. A 4 au moins dans des cellules pour 2 personnes, impossible de dormir. D’autant plus que les policiers venaient régulièrement harceler les personnes qui avaient refusé de fournir leur identité, et tenter de les intimider. Les témoins racontent une nuit de terreur et de violences, où les policiers ont tout fait pour les humilier.

Un étudiant qui a d’abord passé la nuit au commissariat de La Plaine Saint-Denis explique qu’ils étaient sept dans une cellule qui débordait d’urine. Il a ensuite été transféré à Epinay, en étant insulté et violenté par les forces de l’ordre, avant d’être envoyé dans une cellule remplie d’insectes.

De nombreuses violences policières

Outre les coups portés à un étudiant au moment de l’interpellation, Louise, dont le témoignage intégral est à retrouver dans un autre article, fait état d’une scène particulièrement violente :

« J’ai fait une crise d’angoisse et un malaise. Je suis tombée par terre, je me suis cognée. Là, ils m’ont marché sur les cheveux et m’ont mis des coups sur les côtes. Ils m’ont dit que je faisais du cinéma, que je jouais la comédie, répétant : « Hier soir tu allais très bien pour aller occuper ». Ils m’ont pris par le poignet, et ils m’ont trainée dans le commissariat jusqu’aux escaliers, ma tête cognait contre les marches. Puis ils m’ont jetée dans la cellule. Mes camarades se sont précipitées vers moi, elles ont demandé que je puisse voir un médecin. Mais ils ont refusé. Et moi j’étais toujours inconsciente »

Par ailleurs, deux personnes que nous avons interrogé qui étaient au commissariat de La Plaine Saint Denis avant d’être transférée dans deux lieux différents (à Epinay-sur Seine pour l’un, à Aubervilliers pour l’autre) rapportent une scène violente dans la cellule à proximité. Ils ont en effet entendu une utilisation répétée de tasers, entrecoupée de cris. Si nous avons interrogé 5 des 29 étudiants interpellés, il demeure en effet des zones d’ombres sur la situation des autres gardés à vue, et nous cherchons activement à les contacter.

Mais ce ne sont pas les seuls comportement illégaux des forces de répression. Certains interpellés n’ont pas pu voir leur avocat alors qu’ils avaient donné leur numéro à la police. Le matin, plusieurs auditions se sont déroulées sans présence d’un avocat. A de nombreuses reprises, on a refusé aux étudiants l’accès à un kit d’hygiène.

Une répression contre la possibilité que le mouvement étudiant entre dans la bataille des retraites

Deux jours après l’interpellation des 29 étudiants, les raisons officielles de cette arrestation collective restent floues. En effet, ces derniers étaient seulement présents dans un bâtiment universitaire dédié à la vie associative et étudiante passée l’heure de fermeture, fixée à 20 heures. La salle occupée, toujours accessible sur le Campus Condorcet, ne souffre d’aucune dégradation.

En réalité, dans le contexte de mobilisation contre la réforme des retraites, le traitement délivré à ces étudiants, comme l’encadrement policier de leur rassemblement de soutien mardi, s’explique clairement par la volonté d’empêcher les étudiants mobilisés. Lola, une des étudiantes interpellée, nous explique ainsi que : « cette répression inédite de 29 personnes qui occupaient une salle s’explique par la crainte que les jeunes entrent dans la mobilisation. Alors qu’il y a une bataille qui se joue pour la réforme des retraites, et que pour l’instant les jeunes ne sont pas rentrés de manière pleine et entière, ce qui inquiète le gouvernement et les directions d’établissement c’est que la jeunesse se mobilise ».

Alors que le gouvernement mène une forte répression sur les universités et lycées qui commencent à se mobiliser, le meilleur moyen de lui faire payer est de s’organiser massivement contre la réforme des retraites. Si, du SNU à la répression du mouvement étudiant, Macron cherche à discipliner la jeunesse, il pourrait vite déchanter si cette dernière rejoignaient les grèves et manifestations au côté des travailleurs.

C’est ce que développait Ariane, militante au Poing Levé, depuis le rassemblement de soutien aux étudiants du Campus Condorcet :

 
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