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La Izquierda Diario
25 de janvier de 2023 Twitter Faceboock

Violence policière
« La police m’a frappée et trainée par le bras inconsciente ». Une étudiante de l’EHESS témoigne
Lorélia Fréjo
Antoine Weil

Lundi soir, 29 étudiants du Campus Condorcet ont été arrêtés après une brève occupation de salle. Une des étudiantes présente témoigne des violences qu’elle a subi au cours de son interpellation puis de sa garde à vue.

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Lundi soir, plusieurs étudiants se réunissent dans une salle d’un bâtiment sur le Campus Condorcet à Aubervilliers, en vue de l’occuper. Louise, militante à Solidaires Etudiant-e-s de l’EHESS et à l’Union Communiste Libertaire (UCL), se rend sur place pour saluer ses camarades, sans l’intention de rester occuper le bâtiment. Quelques minutes plus tard, elle est l’une des 29 personnes interpellées par la police. Après près de 24 heures de garde à vue, elle témoigne pour Révolution permanente des violences et insultes qu’elle a subi de la part des forces de l’ordre.

« Un étudiant a été blessé aux côtes pendant l’interpellation »

L’interpellation des 29 étudiants présents sur place a été très violente. Aux alentours de 20h30, une vingtaine de policiers pénètrent dans le bâtiment, arrêtant l’ensemble des personnes présentes. Une d’entre elles a été violentée lors de l’arrestation, comme l’explique Louise : « un camarade a eu deux côtes fêlées pendant l’arrestation, et saignait du visage. Les policiers ne voulaient pas qu’il voie un médecin.

L’arrestation puis le transfert des étudiants vers plusieurs commissariats différents ont été marqués par les insultes et les provocations des forces de l’ordre, répétant plusieurs fois : « sales gauchistes, vous croyez quoi ? vous pensez que vous allez changer le monde ? »

Une garde à vue traumatisante et marquée par les insultes sexistes

Après l’arrestation, Louise est retenue au commissariat de La Plaine Saint Denis. La garde-à-vue est marquée par les remarques sexistes et les intimidations répétées des forces de l’ordre : « les flics draguaient les étudiantes arrêtées, un d’entre eux a dit "j’ai fait un eye contact avec celle-là", et commentaient notre physique devant nous ».

D’après Louise et deux autres étudiantes témoins, une quinzaine d’étudiants arrêtés ont été placés dans une pièce vitrée d’à peine 4 mètres carrés, faite pour accueillir deux personnes. Ces derniers suffoquaient et l’un d’entre eux a fait un malaise, puis a subi une clé de bras d’un policier alors qu’il demandait à sortir de cellule. Devant Louise, les forces de répression ont assumé leur geste : « vu que vous avez fait quelque chose d’illégal, nous aussi on peut faire quelque chose d’illégal ! ».

Devant cette scène traumatisante, Louise, qui souffre d’un syndrome néphrotique, et risque donc de rechuter en cas de choc psychologique fort, n’a reçu aucune attention du médecin présent sur place. Au contraire, les policiers ont continuer à harceler les étudiants, les réveillant sans cesse au milieu de la nuit et refusant de leur donner de la nourriture ou l’accès à un kit d’hygiène : « je leur ai demandé si je pouvais avoir un kit d’hygiène pendant l’audition. Le policier m’a dit : "tant que tu n’auras pas parlé, tu n’auras rien". »

Le policier en question a ensuite voulu contraindre Louise à signer un procès verbal mensonger à l’issue de l’interrogatoire.

« J’ai fait un malaise, ils m’ont insultée, frappée et m’ont trainée inconsciente »

C’est à ce moment là que Louise craque. Après plusieurs heures de garde à vue, après avoir été insultée, humiliée et ayant assisté à des violences à l’encontre de ses camarades, la jeune femme fait un malaise dans le bureau des commissaires :

« Je suis tombée par terre, je me suis cognée. Là, ils [les policiers] m’ont marché sur les cheveux et m’ont mis des coups sur les côtes. Ils m’ont dit que je faisais du cinéma, que je jouais la comédie, me criant : "Hier soir tu allais très bien pour aller occuper". Ils m’ont ensuite prise par le poignet, et m’ont trainée dans le commissariat jusqu’aux escaliers. Pendant tout ce temps, ma tête cognait contre les marches. Puis ils m’ont jetée dans la cellule. Mes camarades se sont précipitées vers moi, elles ont demandé que je puisse voir un médecin. Mais ils ont refusé. Et moi j’étais toujours inconsciente ».

Contactées, deux autres étudiantes interpellées qui ont assisté à cette scène ont livré un déroulé identique des événements. Après cet épisode, Louise n’a pas revu de médecin de toute la garde à vue.

« Les flics nous mentaient en permanence et tenaient des propos d’extrême-droite »

Malgré cet incident, survenu au milieu de la nuit, Louise ne sortira pas de garde à vue avant 19h le lendemain. Tout au long de la journée de mardi, les pressions des policiers ont continué.

Tout au long de la garde à vue, ces derniers ont multiplié les propos d’extrême-droite, répétant « que la France n’était plus la France », qu’il fallait « militariser le pays ». Au milieu de la nuit, ils réveillent une étudiante endormie pour l’interroger sur la réforme des retraites et le calcul des pensions : « Epuisée, la camarade n’arrive pas à répondre. Les flics se sont moqués d’elle, lui répétant "bah voilà t’en sais rien, alors arrête de faire la belle", avant de déclarer "elle est très bien la réforme des retraites, sales gauchistes." »

Dans ce contexte anxiogène, les forces de répression multiplient les mensonges, afin de faire perdre leurs repères aux étudiants : « Ils nous mentaient sur l’heure. Ils m’ont dit qu’ils n’avaient pas appelé ma mère, je ne comprenais pas pourquoi. Ils nous ont dit qu’on allait rester là 24h de plus pour faire les 48h ».

En fin de journée mardi 24 janvier, Louise et ses camarades sont finalement libérés après une journée de garde-à-vue : « j’étais surprise quand finalement ils nous ont libérés ; ils ont dit que l’affaire était médiatique et qu’ils étaient obligés de nous laisser partir ».

En effet, plus tôt dans l’après-midi, un rassemblement de solidarité devant le Campus Condorcet avait réuni plus de 100 personnes. Les étudiants ont ensuite interpellé la présidence du Campus, responsable de l’intervention policière. La mobilisation a alors permis la libération des 29 étudiants interpellés.

Outre la violence, les menaces et le sexisme dont témoigne le récit de Louise, cette arrestation collective d’une brutalité rare, pour des étudiants qui ont seulement occupé une salle d’un bâtiment associatif pendant quelques minutes, illustre la volonté de l’État d’empêcher tout mouvement étudiant. A l’heure où deux millions de personnes ont manifesté jeudi 19 janvier, le gouvernement craint que la jeunesse rejoigne la bataille contre la réforme des retraites et est prêt à tout pour l’en empêcher. Dans ce contexte, il est urgent de soutenir tous les étudiants et lycéens victime de la répression policière, et l’enjeu et de répondre à ces intimidations par une mobilisation massive, qui s’organise tout au long de cette semaine.

 
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