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22 de janvier de 2023 Twitter Faceboock

Réforme des retraites
« C’est quasiment du jamais vu » : une mobilisation inédite dans le privé ce 19 janvier ?
Rafael Cherfy

La mobilisation massive du 19 janvier contre la réforme des retraites a vu de nombreux salariés du secteur privé se mettre en grève. Dans les cortèges, la présence de travailleurs de l’aéronautique, de l’automobile, de la pétrochimie, du commerce... ont montré l’ampleur de la colère contre le gouvernement.

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Crédits photo : Manifestation du 19 février à Toulouse / Dorian M

Le 19 janvier a donné lieu à une puissante journée de grève interprofessionnelle contre la réforme des retraites. Si la grève a été très suivie dans des secteurs comme l’éducation, les transports ou l’énergie, de nombreux salariés du privé se sont aussi massivement mobilisés.

Bien qu’il soit impossible d’avoir une vision précise du taux de grévistes du privé à échelle nationale, les cortèges dans les différentes villes permettent de déduire une importante mobilisation dans ce secteur. En effet, alors que les taux de grève dans la fonction publique et les entreprises d’Etat ont été égaux ou légèrement plus faibles que le 5 décembre 2019, ce sont 500.000 manifestants de plus qui ont manifesté dans toute la France le 19 janvier.

De quoi déduire que la mobilisation dans le privé a été importante, ce que corroborent les témoignages de nombreux correspondants de Révolution Permanente dans les cortèges de nombreuses villes.

Une mobilisation inédite dans le privé

Après avoir mené plusieurs semaines de grève pour les salaires à l’automne, les salariés de Total Energies se sont de nouveau mobilisés de façon massive. Du coté des raffineries, les taux de grévistes sont impressionnants avec, par exemple 100 % des CDI en grève à Donges (Loire-Atlantique) et à La Mède (Bouches-du-Rhône). Différentes industries pétrochimiques étaient aussi fortement mobilisées à l’instar de Total Carling en Moselle, de même que dans le transport de produit pétrolier et les dépôts.

À cela, se sont ajoutés des grévistes de nombreuses entreprises de l’industrie métallurgique. À Metz, Christian Porta de la CGT Neuhauser affirme n’avoir « jamais vu autant de petites boites de la métallurgie mobilisées, surtout avec un discours très radical ». Dans la manifestation lyonnaise, on pouvait apercevoir des salariés de l’industriel Solvay ou de l’automobile Renault Trucks. Le géant de la métallurgie SKF a aussi vu ses salariés mobilisés tandis qu’à Valenciennes, des cortèges conséquents de PSA et Toyota ont rempli les rues. Pour PSA « à Mulhouse la CGT annonce 500 grévistes tandis que sur le site de SevelNord, ce sont 400 salariés qui se sont mobilisés, c’est quasiment du jamais-vu pour une date de mobilisation interprofessionnelle » affirme Vincent Duse, de la CGT PSA Mulhouse.

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L’aéronautique a été aussi au rendez-vous. À Toulouse, 35 bus remplis de grévistes ont quitté les usines du géant aéronautique Airbus pour rejoindre la manifestation. Thalès pouvait aussi compter des centaines de salariés présents dans la manifestation. Gaëtan Gracia, militant CGT Ateliers Haute-Garonne (sous-traitant aéronautique toulousain) témoigne d’une mobilisation inédite dans certaines entreprises : « à Latécoère, certains sites comme celui de Gimont (Gers) compte près d’une centaine de grévistes sur 200 salariés ». Au niveau de Safran, Jenny Grandet de la CGT au Havre parle d’une grève «  très suivie avec des salariés qu’on a jamais vu, même ceux de la hiérarchie ». Chez Dassault, de source syndicale, les taux de grève n’ont jamais été aussi élevés depuis 20 ans.

Au Havre, on a pu voir des cortèges ouvriers importants : des salariés de Yara, producteur d’engrais, de Fouré Lagadec, entreprise de maintenance mécanique industrielle, mais aussi de la multinationale de l’agroalimentaire Nestlé. En direct de la manifestation, Richard Metayer, de la CGT Sidel, parle d’une forte mobilisation avec au moins 200 travailleurs en grève sur le site d’Octeville-sur-Mer du leader mondial de l’emballage. A Saint Nazaire, une autre ville marquée par sa composition ouvrière, la manifestation a regroupé plus de 17 000 grévistes pour une population de moins de 70 000 personnes. La mobilisation était forte sur les chantiers navals, à Airbus, chez les dockers ou encore à Cargill.

A Calais, le cortège comptait des salariés des télécommunications Alcatel-Lucent, à Lyon, des grévistes de Castorama battaient aussi le pavé. Encore plus inédit, certains cortèges de travailleurs du bâtiment étaient aussi de la partie comme à Toulouse ou Laurent de la CGT construction affirme que : « pas mal de camarades sur les chantiers qui n’ont jamais fait grève de leur vie qui ont voulu se joindre au mouvement. »

En somme, cette forte mobilisation du secteur privé est inédite. Lors des précédentes grandes grèves contre la réforme des retraites en 1995 ou 2010, c’est justement ces secteurs qu’il manquait dans la bataille. Aujourd’hui, comme l’affirmait Gaetan Gracia de la CGT AHG en direct de la manifestation toulousaine, au vue de cette première journée de grève massive : « on a de l’or dans les mains, maintenant il faut un plan de bataille ».

Après une première journée de grève massive, quelles suites à la mobilisation ?

Si cette première journée a été une énorme réussite, la question se pose maintenant de quelle suite donner à la mobilisation. L’ensemble des manifestants présents jeudi ont tous conscience qu’une seule journée de grève ne suffira pas à faire reculer Macron. En guise de perspective, l’intersyndicale a annoncé une nouvelle date le 31 janvier prochain. Une date isolée qui montre que la stratégie de l’intersyndicale, dominée par Laurent Berger, reste une stratégie de pression sur le gouvernement, et non une stratégie misant sur la construction d’un rapport de force contre le patronat et le gouvernement.

La construction d’un tel rapport de force ne saura se construire qu’avec la grève comme outil, et la reconductible comme modalité. Dans ce sens, la stratégie esquissée par les raffineurs, avec des appels à la grève de 48 h, puis 72 h le 6 février pourrait permettre aux salariés du privé d’accumuler des forces et de se préparer pour une grève reconductible début février.

Après la grève du 19 janvier, des nombreux appels dans ce sens sont en train d’émerger : la CGT éducation et SUD éducation appellent à la grève reconductible à partir du 31 janvier, et la CGT énergie appel à rejoindre les dates posées par les raffineurs.

Pour aller plus loin : Retraites : que faire après l’immense succès de la mobilisation du 19 janvier ?

Seulement pour qu’une véritable généralisation de la grève puisse advenir, la présence du secteur privé, au-delà des seuls travailleurs du pétrole, sera décisive. Or, pour entraîner l’immense masse des salariés précaires du pays, souvent payé à peine plus que le SMIC, il faudra élargir les revendications, et construire une véritable grève générale politique contre le gouvernement, là où l’intersyndicale veut se limiter uniquement au retrait de la réforme des retraites.

La question de l’indexation des salaires sur l’inflation, et leur augmentation immédiate de 400 € pour tous et toutes est donc plus que jamais brûlante, pour pouvoir finir le mois comme sa carrière. Les caisses de grèves joueront aussi un rôle primordial pour tous ces salariés qui n’ont pas le luxe de faire des journées de grève sans lendemain : pour tenir une grève reconductible, il faudra faire jouer la solidarité. Surtout, pour mener toutes ces tâches, le développement d’assemblées générales dans les entreprises et d’assemblées générales interprofessionnelles est un enjeu décisif, afin de lier entreprises du public et du privé, et d’oeuvrer à la généralisation de la grève.

 
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