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La Izquierda Diario
13 de janvier de 2023 Twitter Faceboock

Entretien
Grève des raffineurs : « le gouvernement n’a pas peur des journées de manifestations isolées »
Arthur Nicola

Alors que le gouvernement s’inquiète de nouvelles pénuries après les annonces de la CGT Pétrole, Benjamin Tange, de la CGT Total, revient sur le plan de bataille proposé par les raffineurs.

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Révolution Permanente : Peux-tu nous expliquer pourquoi la CGT Pétrole a décidé de proposer un plan de lutte, qui part de 24h de grève le 19 janvier, puis 48h le 26, 72h le 6 février puis un mouvement reconductible ?

Benjamin Tange : On tire les leçons du passé, de la réforme des retraites de 2010, et on a besoin d’un élargissement du rapport de force. C’est le bilan qu’on tire de 2010, et il faut se dire les choses clairement : on a besoin de gagner, et pour gagner il faut être efficace et avoir une stratégie, ce qui nous a amené à proposer ce calendrier. Pour pouvoir obtenir cet élargissement, on a voulu offrir une visibilité dans la lutte pour les travailleurs.

On sait qu’on a besoin de passer par des étapes, c’est pour ça qu’on proposé ce type de calendrier de luttes, pour permettre à la fois à l’interpro de monter en puissance, et puis pour permettre le rassemblement des travailleurs autour de dates.

Comme il n’y avait pas de dates au-delà du 19 qui étaient sorties, on a voulu être offensif. Ce qu’on craint, ce sont les dates chaque semaine, tous les quinze jours, « saute-mouton », comme on les appelle, qui sont de nature à démobiliser dans le temps plutôt qu’à mobiliser.

Révolution Permanente : Après la longue grève de cet automne, quel est l’état d’esprit chez les raffineurs ?

Benjamin Tange : Le mouvement de l’automne a généré beaucoup de luttes et de grèves, elle a redonné de la niaque et l’envie de se battre sur la question des salaires, une question étroitement liée à la question des retraites. Plus de salaires dit plus de cotisation, dit plus de rentrées pour financer les retraites.

Il y a une dynamique de grèves, qui est de nature à inquiéter le patronat, et c’est cette dynamique il faut absolument qu’on fasse fructifier sur la réforme des retraites. Il faut qu’on arrive à convaincre, aussi, pour passer du mécontentement à l’action et de l’action à la grève.

Révolution Permanente : Comment vois-tu l’articulation entre la nécessité pour les syndicats de proposer un plan de bataille et la nécessité pour les grévistes d’être décideurs de leur grève ?

Benjamin Tange : Il y a d’un côté les décisions entre confédérations et entre fédérations, et plus il y aura de rapprochements aux différentes strates mieux c’est. Mais la CGT doit aussi, dans ses bases, voter des plans de luttes et c’est ce qu’on propose.

L’un va avec l’autre : si l’on ne propose pas de plan de bataille, c’est difficile pour les salariés de pouvoir voter un premier plan d’action. On a perdu du temps, on aurait pu être à l’initiative en amont de l’officialisation de cette réforme. La CGT aurait dû dire « si vous vous obstinez à vouloir présenter la réforme des retraites, voilà comment on va s’organiser ». Le gouvernement aurait appelé ça une « grève par anticipation », mais c’est primordial de pouvoir débattre et voter avec les salariés, dans les usines, les actions de lutte qu’on veut mener et le calendrier.

Il faut donc associer les deux, parce que sinon on a la crainte que le mouvement parte sur des dates espacées qui génèrent de la frustration auprès des salariés qui luttent.

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Révolution Permanente : Le gouvernement a commencé à reprendre son refrain sur la dangerosité de bloquer les raffineries, qu’en penses-tu ?

Benjamin Tange : Je crois que la réaction de Borne à notre plan de lutte démontre assez bien ce que souhaite le gouvernement. Il veut, en appelant à la responsabilité, ce sont uniquement des journées d’action et de manifestation très éloignées qui ne leur feront pas peur. La réaction de Borne est extrêmement intéressante dans ce sens-là : elle démontre aux salariés qui sont contre cette réforme ce qui nous reste à faire. Il nous reste donc à rentrer dans la lutte par la grève, en impactant l’économie : on sait très bien que c’est comme ça que le patronat fera pression sur le gouvernement pour dire qu’il faut arrêter les frais. Mais si on se contente de ce qui a pu être fait par le passé, c’est la garantie d’un échec, parce que c’est ce à quoi s’attend le gouvernement.

Révolution Permanente : Le gouvernement ne s’attendait pas à des réactions aussi déterminées ?

Benjamin Tange : Je pense qu’ils n’avaient pas anticipé une réaction aussi rapide, ou peut être avaient ils misé sur un essoufflement des dernières grèves. Sauf que les salariés ont compris que si c’est déjà extrêmement compliqué, avec la pénibilité, notamment dans les raffineries et les dépôts, d’arriver à 62 ans, alors arriver à 64 ans, c’est impossible. Après 65 ans, on a déjà énormément de décès de travailleurs qui ont fait ces métiers.

Il y a d’autres possibilités de financement, que les syndicats ont proposé. On est sur des positions idéologiques d’un gouvernement qui, une fois de plus, veut favoriser les plus riches et le patronat. Quand on voit toutes les concessions qui ont été faites, notamment avec les allègements de cotisations de la loi Fillon, et que les efforts sont encore demandés à ceux qui suent sang et eau, c’est inacceptable. On a des crises, avec l’inflation, la crise énergétique, celles des retraites ; je crois qu’elles vont s’additionner, et que c’est de nature à faire émerger une colère. Il faut qu’on s’en saisisse, avec l’ensemble des travailleurs, mais aussi avec tous ceux qui ne sont pas salariés et qui en ont ras-le-bol de cette précarisation, de la manière dont on est gouvernés.

Révolution Permanente : La question de la pénibilité est au centre de cette réforme. Pour ce qui vous concerne, le critère d’exposition aux agents chimiques a été totalement effacée du débat. Qu’en penses-tu ?

Benjamin Tange : Dans nos métiers ont est très exposés à la pénibilité. Il y a le travail en 3x8 continu, les horaires décalés, les gens qui se réveillent à trois heures du matin : on peut imaginer l’impact que cela peut avoir sur le corps humain pendant 30 ou 40 ans. On est exposé aux CMR (produits Cancérigènes, Mutagènes et Reprotoxiques), aux produits chimiques, aux intempéries, aux incendies, aux explosions, au stress. Piloter une raffinerie, c’est quelque chose qui génère beaucoup de stress : on a entre nos mains des process très important, et quand il y a une unité qui se dérègle, il ne faut pas trembler. Se dire que cette pénibilité ne soit pas reconnue, c’est une aberration. C’est pour cela qu’on revendique pour l’ensemble des métiers aux travaux pénibles un départ à 55 ans. On fait la démonstration qu’on est en capacité de pouvoir financer ça.

Il faudra le faire par étape : déjà combattre cette réforme qui veut l’allongement de 62 à 64 ans, pour pouvoir aller gagner sur nos revendications.

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