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La Izquierda Diario
13 de décembre de 2022 Twitter Faceboock

Violences patriarcales
Quatennens suspendu par LFI, les violences « depuis plusieurs années » mises sous le tapis
Gabriella Manouchki

Après la condamnation de Quattenens à 4 mois de prison avec sursis, le groupe parlementaire de LFI a suspendu le député. Une première sanction qui choisit de s’appuyer sur une décision de justice qui a écarté les accusations de Céline Quatennens de violences répétées.

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Ce mardi matin, le tribunal de Lille rendait son verdict dans le cadre de l’affaire Quatennens. Le député de La France Insoumise (LFI), accusé par son ex-compagne Céline Quatennens de « violences physiques et morales depuis plusieurs années », a été reconnu coupable de « violences sans incapacité commises par conjoint » et « envoi régulier et malveillant de messages ». Il est condamné à 4 mois de prison avec sursis et à verser 2000 euros de dommages et intérêts à la victime, ainsi que 1500 euros pour ses frais d’avocats.

Depuis les révélations du Canard Enchaîné, suivi de plusieurs déclarations contradictoires de la part des intéressés, la gestion de cette affaire par LFI a toujours été guidée par le principe de s’en remettre à la justice, en attendant le verdict pour trancher les mesures à prendre vis-à-vis de celui qui était le numéro 2 du parti. C’est donc ce mardi que la direction de LFI a annoncé par un communiqué faisant suite à la condamnation du député insoumis sa « radiation temporaire du groupe parlementaire LFI-NUPES pour une durée de 4 mois » ainsi que le conditionnement de son retour « à l’engagement de suivre un stage de responsabilisation sur les violences faites aux femmes auprès d’associations féministes ». Une décision loin de faire l’unanimité au sein du mouvement, comme en ont témoigné certains des militant·es et soutiens de LFI à l’occasion de l’audience.

D’un côté, des militant·es insoumis·es ont publié une tribune dénonçant la « gestion défaillante de l’affaire Quatennens » par LFI et revendiquant la démission du député ainsi que l’établissement d’une charte concernant les violences sexistes et sexuelles. Une position défendue devant le tribunal par le collectif féministe Nous Toutes : « Adrien Quatennens est un agresseur. Et aucun agresseur n’a sa place à l’Assemblée nationale, et nous demandons fermement sa démission », explique une militante au micro de Mediapart. Sur les réseaux sociaux, derrière le hashtag #QuatennensDémission, de nombreux·ses militant·es ont soutenu cette position.

Dans le même temps, des élus et militants LFI étaient rassemblés ce matin devant le tribunal pour porter la revendication opposée. Selon un journaliste de France Info une quinzaine de militants auraient notamment arraché un collage féministe affichant le message « un agresseur ne peut-être député ». Plus tard, interrogé par Le Monde devant le tribunal, le maire de Faches-Thumesnil (Nord) Patrick Proisy expliquait : « Nous, on espère qu’il revienne. On ne peut pas se passer d’un orateur comme Adrien Quatennens dans le combat qui se prépare sur les retraites ». Au micro de Mediapart, un militant insoumis reprenait à son compte l’argumentaire initialement développé par la direction de LFI : «  Je comprends qu’il doive passer devant un tribunal […], mais on est aussi là pour témoigner d’un ras-le-bol : ce sont des éléments de sa vie de couple rendus publics et déformés. »

C’est donc dans un contexte de fortes tensions à la base qu’a été prise par le haut la décision de LFI de suspendre temporairement Adrien Quatennens. Elle semble chercher à concilier les deux parties en conflit, en ouvrant la voie à la réintégration du député tout en posant des conditions au nom du « principe féministe de prendre au sérieux la parole des femmes ». En réalité, cette décision se situe dans la continuité de la gestion problématique de l’affaire par LFI.

En fondant ses mesures sur la décision d’une justice patriarcale, à défaut d’avoir mis en place une enquête interne, LFI confirme son intention d’exclure toute possibilité de prise en compte du caractère répété des « violences physiques et morales » dénoncé par Céline Quatennens. Seule la version d’Adrien Quatennens est retenue, soit la « gifle » et les « trop nombreux messages » qu’il avait avoués et pour lesquels sa condamnation était attendue, bien que la « sévérité » de la peine pour de tels motifs ait pu surprendre.

Une orientation qui se traduit également par l’entretien-fleuve que le député a donné au journal de sa région quelques heures à peine après le verdict. C’est en s’appuyant sur le rendu de justice et sur le discours développé avec son avocate, selon laquelle « cette peine est un avertissement solennel qui ne l’empêche pas de réintégrer l’Assemblée et de poursuivre son mandat électif », que le député annonce qu’il ne démissionnera pas. 

Avec un discours très préparé et armé de chiffres visant à prouver le « lynchage médiatique » dont il ferait l’objet, Adrien Quatennens se place en grande victime de l’affaire et nie en bloc la version de son ex-compagne : « L’enquête a conclu à ce que j’avais reconnu : une gifle donnée dans un contexte de dispute, il y a plus d’un an et jamais reproduite, et l’envoi de trop nombreux sms amoureux suite à une annonce de divorce incomprise. ».

Ainsi, les sanctions politiques temporaires prises dans le prolongement de la décision de justice ne sont là que pour légitimer la version du « divorce conflictuel » et de la « déchirure conjugale », initialement relayée par l’ensemble de la clique dirigeante de LFI. Ce récit, effaçant la dimension systémique des violences au profit de leur individualisation et de leur banalisation, comme le veut la justice, priorise la réintégration du dirigeant insoumis au détriment de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

 
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