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La Izquierda Diario
7 de novembre de 2022 Twitter Faceboock

Ecologie du capital
COP27 en Égypte : les chefs d’État réunis autour du régime autoritaire et anti-écolo d’Al-Sissi
Wolfgang Mandelbaum

Ce week-end s’est ouvert en Égypte la COP27. Celle-ci a lieu dans un pays dont le régime est en première ligne de la répression des militants politiques et environnementaux, et un de ceux qui fait le moins pour lutter contre le réchauffement climatique.

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La COP27, conférence internationale de l’ONU sur le climat, s’est ouverte ce week-end dans la ville balnéaire de Charm el-Cheikh en Égypte. Des chefs d’États, scientifiques, ONG du monde entier se retrouvent pendant deux semaines pour discuter du réchauffement climatique et de la transition vers des énergies renouvelables. La réunion internationale, qui a déjà montré son inefficacité pour endiguer le changement climatique, a lieu cette année dans un pays notoirement connu pour son inaction climatique et l’ampleur de sa répression à l’égard des opposants politiques.

Abdel Fattah al-Sissi, arrivé au pouvoir en 2013 après avoir renversé le gouvernement de Mohamed Morsi, est à la tête d’un régime quasi-dictatorial. Depuis son accession au pouvoir, le gouvernement d’Al-Sissi a exercé une politique répressive sans précédent, même sous Hosni Moubarak, le président déchu par la Révolution de 2011. La liberté de la presse est quasi-inexistante, la liberté de manifester est intensément brimée, et le pays compte plus de 60 000 prisonniers politiques, plaçant le pays parmi les pires sur ce plan à l’échelle mondiale.

Un des exemples les plus parlants et les mieux connus de la répression politique est celui d’Alaa Abd el-Fattah. Ce militant égyptien, figure de la Révolution de 2011, a payé cher son engagement pour tenter de mettre fin à la corruption et à l’autoritarisme de Moubarak et de ses épigones  ; condamné en 2014 pour avoir participé à des manifestations non-autorisées, Alaa croupit depuis en prison, dans des conditions inhumaines. Il a commencé une grève de la faim il y a quelques mois et a depuis le début de la COP arrêté de boire de l’eau. Il sera libre ou mort quand la COP sera terminée. Comme lui, des dizaines de milliers de prisonniers politiques sont enfermés, souvent sans aucune forme de procès, exposés à la torture. Une situation qui n’est pas près de changer, l’Egypte d’al-Sissi étant un allié de choix de bien des puissances impérialistes, et au premier titre de l’Union européenne et de la France.

Si le gouvernement égyptien a monté une intense entreprise de communication pour donner l’impression que les droits humains élémentaires seraient garantis lors de la conférence, rien n’est plus faux sur le terrain. La ville de Charm el-Cheikh, un havre historique pour la bourgeoisie égyptienne et les riches touristes du monde entier, est déjà très avancée dans la ségrégation des populations locales, essentiellement bédouines, avec les classes sociales les plus riches du pays. Une véritable muraille a été construite autour de la ville pour séparer les populations (officiellement pour prévenir les actes criminels ou terroristes). L’accès aux plages est pratiquement impossible pour les habitants des environs, toutes les plages de la ville ayant été privatisées et étant désormais dans les mains d’hôtels de luxe, complètement inabordables.

La répression s’est également étendue au virtuel  ; l’application officielle de la COP permet aux renseignements de tracer les mouvements de tous les visiteurs, et demande un numéro de passeport lors de l’installation. Dans la même veine, les premiers visiteurs de la conférence ont rapporté l’impossibilité de se connecter à des sites hostiles au gouvernement, dont celui de l’ONG Human Rights Watch.

Pourtant, les visiteurs autorisés ont été triés sur le volet  ; la venue des ONG égyptiennes et des acteurs militants est subordonnée à une acceptation préalable des ministères des Affaires étrangères, de l’environnement et des solidarités. La plupart des organisations qui portent des voix tant soit peu dissidentes n’ont pas été conviées, et toute action de protestation a été reléguée dans un espace sécurisé le long de l’autoroute qui mène à la station balnéaire où ont lieu les activités de la COP. Face à cette répression, l’ONU et la CCNUCC qui chapeaute la conférence font la sourde oreille. Pour Ahmad Abdallah, de la Commission Égyptienne pour les Droits et les Libertés, dont l’entrée à la COP a été barrée, « l’ONU est complice du gouvernement égyptien pour blanchir ce régime. ».

La COP27 est en effet une aubaine pour le gouvernement al-Sissi pour monter une gigantesque opération de greenwashing dans un pays qui ne fait à peu près rien pour réduire son empreinte carbone, dépolluer les villes ou préserver les récifs coralliens qui bordent le pays dans la mer Rouge. L’empreinte carbone abyssale de l’Égypte est en grande partie imputable à la politique de libéralisation entreprise par Hosni Moubarak pendant ses décennies au pouvoir, sous l’œil bienveillant de l’Occident.

Mais la situation s’est dégradée de manière dramatique depuis la prise de pouvoir d’al-Sissi. Le pays dépend encore à 95 % des énergies fossiles, la production de pétrole a doublé depuis 2006, et le Caire est une des capitales les plus polluées au monde (10 fois l’indice prescrit par l’OMS). Les activités extractives, gérées pour grande partie par l’armée, ont un impact extrêmement néfaste sur la faune et la flore du pays, et plus particulièrement dans le Sinaï où se trouve Charm el-Cheikh. Le barrage d’Aswan, dont la construction a été entreprise sous Nasser, a produit des effets irréversibles sur l’écologie du Nil, dont le lit s’érode à une vitesse dramatique. L’endommagement du delta du Nil, conjugué avec la montée des eaux méditerranéennes, vont causer le submergement d’Alexandrie, une des plus grandes villes et capitale du pays pendant mille ans, dans les décennies qui viennent.

La COP27 est ainsi un petit condensé de tout ce qu’il ne faut pas faire en matière de lutte contre le réchauffement climatique. L’organisation d’une conférence pour la sauvegarde de la planète dans une des pays les plus autoritaires au monde et qui fait le moins contre le réchauffement de la planète est déjà une gageure en soi. À cela s’ajoute le fait que la conférence a lieu dans une des régions qui subit à la plus grande échelle les effets du changement climatique. Si les récifs coralliens de la mer rouge sont encore préservés, étant plus résistants que ceux de la Grande Barrière de corail, la péninsule du Sinaï subit de plein fouet les effets de l’action humaine sur la planète.

Le choix de Charm el-Cheikh pour une conférence sur le climat est un pied de nez envers ceux qui se battent pour sa préservation : cette ville de béton et d’asphalte, horreur environnementale, est un symbole de l’impunité des classes bourgeoises dans la destruction des écosystèmes, quand les populations les plus pauvres subissent en première ligne les effets du réchauffement climatique. Comme le souligne Hussein Baoumi d’Amnesty International pour The Guardian : « Charm el-Sheikh est une station balnéaire de rêve où le gouvernement peut exclure la majorité des Égyptiens, et investir d’énormes quantités de ressources pour s’assurer que tout est sous surveillance et sous leur contrôle. C’est révélateur de la façon dont la présidence égyptienne et les dirigeants considèrent leur société idéale : une société fermée sans les masses. »

C’est dans ce contexte que l’Égypte accueille aujourd’hui la COP27, dans un silence quasi-absolu des chefs d’États et ONG invités à la conférence. Certes, quelques timides remontrances se font entendre – le premier ministre britannique Rishi Sunak a annoncé vouloir « évoquer » le cas d’Alaa auprès d’al-Sissi, mais ce sont dans tous les cas des signes de vertu ostentatoires habituels et très codifiés que l’on connaît bien : rien ne va changer pour les Égyptiens ni pour les 60 000 prisonniers politiques du pays, quand on sait que l’Égypte est un partenaire de choix pour la plupart des chefs d’États impérialistes invités à la conférence. Les partenariats sur l’hydrocarbure égyptien se sont multipliés cette année dans le contexte de la guerre en Ukraine et de la crise pétrolière et gazière en cours. Il n’y a évidemment rien à attendre non plus du président français Emmanuel Macron qui a, l’an dernier, réussi à faire signer un contrat pour la vente d’une centaine d’avions de chasse Rafale. L’Union Européenne a quant à elle commencé les démarches pour la négociation d’un juteux contrat pour l’acheminement de GNL (Gaz Naturel Liquéfié) israélien par l’intermédiaire de l’Égypte.

 
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