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La Izquierda Diario
18 de octobre de 2022 Twitter Faceboock

Bureaucratie syndicale
Grèves pour les salaires : comment la CFDT a trahi le mouvement ouvrier
Nathan Deas

Dans la droite lignée de la position adoptée face aux mouvement sociaux de 2016 et de 2019, la CFDT se place -une nouvelle fois- du côté du patronat. Alors que la grève des raffineurs ouvre une brèche pour l’ensemble du monde du travail, les masques (re)tombent.

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Crédit photo : AFP

Un échange sur France Inter

« La CFDT n’est pas tellement pour des grèves préventives. A Exxon, il y a des négociations qui se poursuivent. A Total, elles s’ouvrent le 15 novembre » explique Laurent Berger, samedi 8 octobre, au micro de France Inter.

« Vous dites qu’on avait pas besoin de cette grève ? » demande la journaliste.

« Je le crois et je l’assume » répond le dirigeant de la CFDT.

Au même moment, les travailleurs de ExxonMobil et de TotalEnergies mènent un bras de fer contre leurs patronats respectifs qui se refusent à accorder ne serait-ce que quelques miettes -malgré des profits absolument colossaux- dans le contexte inflationniste. Plutôt que de défendre les grévistes, le chef de la CFDT, fait le choix de s’ériger en défenseur du patronat -et pas n’importe lequel : un patronat qui continue d’accumuler des milliards de bénéfice en pleine crise énergétique.

Ce faisant, en condamnant la grève dans la pétrochimie, Laurent Berger donne du grain à moudre aux discours pro-patronaux et anti-grévistes. La logique est connue, pour le champion de la conciliation de classe, il s’agit de défendre le « dialogue social » à tout prix contre toute forme de mobilisation par les méthodes de la lutte de classe. Cela quand bien même cette « méthode » est en train de faire la démonstration, et pour l’ensemble du monde du travail, de la voie à suivre pour aller arracher de -véritables- augmentations de salaires.

Des accords traîtres signés dans le dos des grévistes à Total et à Exxon

Après les discours, les actes. Mardi 11 octobre, les grévistes d’ExxonMobil reconduisent la grève après 21 jours de lutte. La veille, ils ont décidé de refuser la proposition de la direction d’une augmentation des salaires de 5,5%, très éloignée de la revendication de 7,5% du mouvement. En dépit de la mobilisation, la CFDT ExxonMobil annonce par voie de communiqué, avoir ajouté sa signature à celle de la CFE-CGC pour obtenir : « une prime de transport exceptionnelle en anticipation de la négociation mobilité prévue en novembre (…) soit 750 euros bruts en plus de la prime Macron de 3000 euros  ».

Jeudi 14 octobre, les négociations organisées par Total avec les organisations syndicales ont abouti à un accord loin des revendications des grévistes. A nouveau, les organisations syndicales qui n’appelaient pas à la grève, CFDT et CFE-CGC en tête, ont signé. Geoffrey Caillon, le coordinateur CFDT TotalEnergies, en profite pour « demander à tout le monde d’apaiser le climat ». Cet accord représente pourtant des miettes au vu des profits de la multinationale. Pire encore, face à l’inflation il entérine une baisse des salaires réels.

En d’autres termes, à Exxon comme à Total, la direction de la CFDT a usé de la même méthode. Après avoir refusé de participer et d’appeler au mouvement de grève, la centrale a apporté une caution aux tactiques anti-grèves du patronat et du gouvernement, permettant aux directions de Total et d’Exxon d’agiter de pseudo-concessions pour délégitimer la poursuite du conflit. Le gouvernement n’a pas manqué de sauter sur l’occasion pour légitimer ses offensives contre le droit de grève et concrétiser ses menaces de réquisitions. Le lendemain de la signature de « l’accord » à Total, Olivier Véran, porte-parole de l’exécutif, déclarait : « Chez Exxon, le dialogue a payé, un accord majoritaire a été trouvé entre les syndicats et le patronat et donc, nous considérons qu’il n’y a plus aucune raison qu’il y ait le moindre blocage ».

Construire le 18 et étendre la grève : la direction de la CFDT du côté du gouvernement et du patronat

Pour l’heure, malgré les coups portés, les réquisitions et les trahisons les grévistes tiennent bon à Total. Vendredi soir, ils ont reconduit la grève à Donges, La Mède, Flandres et en Normandie. A Exxon, après quatre semaines de grève dure et déterminée, les travailleurs ont suspendu le mouvement. Le rôle d’éclaireur n’est pas le plus facile, mais avec leur mouvement lancé le 20 septembre, ils ont montré la voie à prendre pour les salaires, celle de la reconductible.

Alors que la grève dans la pétrochimie a ouvert une situation nouvelle dans le pays et posé la perspective de la généralisation de la grève, la CFDT continue de jouer sa partition pro-patronale. En réaction à l’appel de la CGT, rejoint par FO, Solidaires et FSU, d’une journée de grève interprofessionnelle mardi 18 octobre, la CFDT a décidé de ne pas se joindre au mouvement. « L’appel à la grève générale dont on parle, ça change quoi concrètement ? Pour les travailleurs les plus modestes, rien » s’est justifié le secrétaire général du syndicat, Laurent Berger, ce jeudi sur France Inter « Ce n’est pas la convergence des luttes qui va faire l’augmentation des salaires des travailleurs, c’est le dialogue social » ajoute-t-il, avant d’appeler le patronat à répondre « branche professionnelle par branche professionnelle, entreprise par entreprise » au « sujet salarial ».

En résumé, alors qu’un certain nombre de secteurs de la classe ouvrière se préparent à faire du 18 un point d’appui pour rejoindre la bataille pour les salaires (notamment à la SNCF, mais aussi dans l’automobile, dans le nucléaire, à la RATP ou encore dans l’aéronautique), Laurent Berger cherche à désarmer les travailleurs en remettant la question des salaires dans les mains du patronat, en conditionnant leur hausse au « dialogue social » et en divisant notre camp social avec des négociations « branche par branche ».

Une position scandaleuse dans la droite lignée de la politique menée à Total et à ExxonMobil et de l’attitude de la direction de la CFDT ces derniers mois. Après avoir -déjà- boycotté la journée interprofessionnelle de mobilisation pour les salaires, le 29 septembre dernier, celle-ci s’était en effet empressée d’accepter les concertations avec le gouvernement sur la réforme des retraites en allant jusqu’à expliquer que « les éléments de langage laissent penser que le gouvernement souhaite une amélioration du système et de son financement ».

Les militants à la base doivent dénoncer leur direction et construire l’élargissement du mouvement

La direction de la CFDT n’en est pas à sa première trahison. On se rappelle, entre autres, qu’en 2016, la centrale avait soutenu la contre-réforme du gouvernement Hollande et sa « Loi Travail », puis qu’en décembre 2019 (opposée à l’âge pivot mais favorable à la retraite à points !), à nouveau, celle-ci avait cherché à imposer la « trêve de noël » aux grévistes de la RATP et de la SNCF contre la réforme des retraites à point. Les militants de la CFDT sont aujourd’hui à la croisée des chemins : serrer les rangs derrière Laurent Berger, ou assumer la rupture avec un dirigeant qui a condamné toutes les grèves les plus importantes de ces dernières années.

Face à la fébrilité du gouvernement et alors que le mot d’ordre de « grève générale » est en train de se répandre dans des secteurs stratégiques : il y a une carte à jouer. Dans ce contexte, l’ensemble des militants syndicaux, notamment à la CFDT, devraient s’atteler à la construction de l’extension du mouvement. Cela implique pour commencer de dénoncer fermement l’attitude de la direction de la CFDT et d’exprimer un soutien clair en direction des raffineurs face aux offensives brutales du gouvernement contre le droit de grève. Ensuite, il s’agit de poser la nécessité de la grève contre le chantage au « dialogue social ». Dans l’immédiat, il s’agit d’appeler à la base à la journée de mobilisation interprofessionnelle du 18 octobre et de préparer la structuration du mouvement par la construction d’Assemblées Générales interprofessionnelles qui posent la question de la reconduction après le 18.

 
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