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3 de octobre de 2022 Twitter Faceboock

International
Royaume-Uni. Truss retire sa baisse d’impôt pour les riches sur fond de reprise des grèves
Adèle Chotsky

Le gouvernement britannique recule sur la baisse annoncée d’impôt pour les plus riches. Un revirement qui intervient après que les marchés financiers aient fait planer la menace d’une crise financière et alors que les grèves reprennent de plus belle.

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NIKLAS HALLE’N / AFP

Ce lundi, la première ministre britannique Liz Truss et son ministre des finances Kwasi Kwarteng ont renoncé à la baisse d’impôt pour les plus riches qu’ils avaient prévu. Cette marche arrière intervient après que les marchés financiers britanniques aient mis la pression, avec la menace d’une crise financière d’ampleur. La reculade s’inscrit également dans une période de lutte de classe intense où, après un reflux dû au décès de la reine Elizabeth II, le mois d’octobre annonce une reprise du mouvement de grève.

Un budget contesté par les marchés financiers

La suppression de la tranche d’impôt à 45% pour les revenus supérieurs à 150 000 euros faisait partie d’un ensemble de mesures budgétaires du gouvernement britannique qui a provoqué des remous d’ampleur sur les marchés financiers, faisant planer la menace d’une crise financière majeure. Le 23 septembre dernier, le ministre des finances Kwasi Kwarteng avait annoncé son budget, avec notamment des réductions d’impôts à hauteur de 1,5% du PIB. Un plan censé coûter entre 100 et 200 milliards à l’Etat, qui avait déclenché la flambé des marchés financiers, inquiets du gonflement de la dette britannique dans une période marquée par une inflation qui explose outre-manche à près de 10%.

Après cette annonce, la livre sterling s’est effondrée au plus bas niveau de son histoire. Le gouvernement s’était attiré les foudres du FMI et de la Banque centrale d’Angleterre, qui a annoncé qu’elle intervenait d’urgence en rachetant des obligations gouvernementales pour enrayer cette baisse d’ampleur.

Autant de soubresauts qui sont le signe d’une baisse de confiance des capitalistes britanniques envers le gouvernement dans une période d’instabilité majeure. Et c’est une des raisons de la reculade sur la mesure de baisse d’impôt. C’est également une crise qui est ouverte pour le gouvernement britannique, un mois à peine après avoir été désignée par les conservateurs, Liz Truss doit faire face à la contestation dans son propre camp, avec plusieurs députés de la majorité qui ont envoyé une lettre de défiance pour provoquer un vote qui la remplacerait

Une mesure scandaleuse alors que la colère sociale gronde

Cette mesure fait partie d’un véritable package néolibéral, incluant par exemple des baisses de factures énergétiques pour les entreprises, mais également une attaque importante contre les personnes bénéficiant de minima sociaux. Son retrait ne peut pas se comprendre sans prendre en compte le contexte social hautement inflammable au Royaume-Uni. Une telle baisse d’impôt pour les plus riches était particulièrement controversée en pleine crise du coût de la vie. Alors qu’une partie toujours plus importante de la population peine à finir le mois, l’annonce de la baisse d’impôt est venue agrandir encore l’écart entre la réalité des classes dominantes et celle des classes populaires.

Après que les grèves du mois de septembre aient été suspendues par les directions syndicales suite la mort de la reine Elizabeth II, ce mois d’octobre s’annonce explosif du point de vue de la lutte des classes. De nombreux secteurs sont entrés en grève ce samedi 1er octobre.

La journée de samedi a vu les services postaux, le rail et une bonne partie des docks du pays paralysés par les travailleurs en grève. En tout ce sont environ 170 000 travailleurs qui ont participé à la journée de grève.

115 000 postiers du Royal Mail se sont mis en grève, 54 000 travailleurs du Network Rail et de diverses compagnies ferroviaires et 2 600 dockers de Liverpool et de Felixtowe. L’impact de la grève a été majeur dans les transports, où il s’agissait de la plus grosse grève en Grande-Bretagne depuis des années, à l’appel des trois syndicats RMT, Aslef et TSSA. Conducteurs comme aiguilleurs étaient en grève, avec seulement 11% des trains qui circulaient nationalement. Aucun train ne circulait entre les principales villes britanniques, comme entre Londres et Birmingham, Manchester et Edimbourg. Le mouvement a touché le métro de Londres, où aucun train n’a circulé. L’action des grévistes coïncidait avec l’ouverture du congrès du Parti conservateur à Birmingham, qu’elle a fortement perturbé Quant aux dockers, la grève appelée par le syndicat Unite a touché plus de 60% du fret britannique.

Les grèves de ce samedi représentaient la première action coordonnée depuis « l’été du mécontentement » secoué par de nombreuses grèves de travailleurs d’un grand nombre de secteurs clefs pour les salaires face à l’explosion de l’inflation. Il faut noter la grande désorganisation des bureaucraties syndicales : c’est presque par un hasard du calendrier que les travailleurs des différents secteurs se sont retrouvés en grève au même moment, alors que rien n’a été fait pour coordonner de véritables journées d’action communes et dépasser le corporatisme.

Les grèves coïncidaient avec la journée nationale d’action organisée le même jour par « Enough is Enough » (« Trop c’est trop »), la campagne lancée par les dirigeants syndicaux du syndicat des transports RMT, de celui des postiers CWU et des députés de la gauche du Parti travailliste rassemblés autour de Jeremy Corbyn. Les organisateurs ont annoncé que le nombre de manifestants prévus ce samedi avait doublé à l’annonce de la mesure de baisse d’impôt pour les plus riches, signe de plus que celle-ci a attisé les braises d’une colère déjà existante.​ Des milliers de manifestants ont défilé dans les rues de Londres, Birmingham ou encore Manchester. La campagne met en avant des revendications de hausse de salaires, de baisse de factures de l’énergie, du combat pour des logements décents et pour la fin de la pauvreté alimentaire, des impôts sur les grandes fortunes. Des revendications qui font écho à la colère des travailleurs britanniques : toutes celles et ceux qui sont descendus dans la rue entendaient protester contre la hausse du coût de la vie, révoltés contre les réductions d’impôt pour les riches tandis que tout augmente et que les pauvres ne récoltent que des miettes.

Pourtant les seules perspectives qu’offrent les directions syndicales et les travaillistes sont des débouchés électoraux, avec en vue une potentielle victoire du Labour Party aux prochaines élections. C’était le sens de la prise de parole de Corbyn, qui entend incarner cette force à la gauche du parti, et a appelé à l’unité contre le gouvernement conservateur.

A rebours de cette volonté de diriger la colère vers les élections, il s’agit de voir comment poursuivre le mouvement de grève qui reprend du souffle en ce début octobre. La journée de ce samedi a eu le mérite de réunir plusieurs secteurs en grève, mais ce qui relève presque de la coïncidence devrait être érigé en plan de bataille pour gagner. Cet été les directions syndicales ont cherché activement à diviser les dates de mobilisations, avant de mettre un frein au mouvement au prétexte du deuil de la reine. Or pour gagner il faut rompre avec cette politique démobilisatrice et avancer vers la coordination de l’ensemble des secteurs d’ores et déjà en lutte et développer l’auto-organisation des travailleurs à la base.

 
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