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La Izquierda Diario
26 de juillet de 2022 Twitter Faceboock

Cafardland
« Ma résidence est une décharge ! » : témoignages de quatre étudiants expulsés du Crous de Bordeaux
Correspondant, étudiant expulsé du Village 6

En juin, le Crous de Bordeaux a expulsé des dizaines d’étudiants de la résidence universitaire « le Village 6 ». Ces étudiants en situation de précarité ont souhaité revenir sur les conditions de vie infernales du Village 6 qu’ils avaient eux-mêmes renommées « Cafardland » tant la résidence était insalubre.

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En juin, le Crous de Bordeaux a expulsé des dizaines d’étudiants de la résidence universitaire « le Village 6 » sans donner des solutions de relogement. Certains d’entre eux se sont retrouvés à la rue ou contraint à rentrer chez eux en France ou à l’étranger. Une épreuve difficile pour ces étudiants qui venaient de passer une année entière dans l’une des résidences les plus précaires du Crous de Bordeaux, le Village 6, aussi renommé « Cafardland » par les habitants eux-mêmes.

La résidence était au premier abord attractive pour les étudiants issus de familles précaires et les étudiants internationaux, le loyer de 149€ pour une chambre étant le moins cher de toutes les résidences Crous. Mais derrière ce prix, le Crous cache une résidence insalubre qui rend la vie des étudiants impossible.

Gabriel*, étudiant expulsé du Village 6, décrit l’extérieur de la résidence comme une « décharge : des carcasses de voitures, des rats partout, des réfrigérateurs sont jetés à côté des appartements, des immeubles à l’abandon juste à côté du nôtre, des chantiers quotidiens qui nous réveillent tous les jours, et tout autour de la résidence se montent des abris de fortune pour SDF. Le problème évidemment ce ne sont pas les SDF, mais au Village 6 on vit dans l’insécurité... la porte du bâtiment ne ferme pas, donc tout le monde peut rentrer dedans et ça devenait un squat pour les personnes sans logement, un lieu de deal, il y avait souvent des personnes ivres autour de la résidence et même une fois un homme ivre courait avec un couteau dans les couloirs, devant ma chambre ».

Gabriel* continue... « à l’intérieur, les choses empirent et l’insalubrité est omniprésente ! Nombreux sont ceux qui refusent de faire à manger dans la cuisine où les éviers sont régulièrement bouchés puisqu’il n’y a que deux cuisines pour une quarantaine d’étudiants par étage. Et les cuisines sont remplies des déjections de pigeons qui rentrent régulièrement dans le bâtiment. Ensuite les douches et sanitaires sont en ruine. Il y a une douche pour dix personnes, c’est difficile d’avoir de l’eau chaude. Dans les chambres il fait froid, l’hiver on utilise des chauffages d’appoint, et en 2021 le Crous donne une réponse odieuse à un étudiant dont le chauffage était en panne : "rajoute un pull !" ».

C’était encore plus difficile pendant les confinements et la fermeture des facs nous confie Koffi*, lui aussi ancien habitant du Village 6 : « c’était tout simplement impossible de suivre convenablement les cours à distance, d’abord par les fréquentes coupures de courant que connaît le lieu, mais aussi à cause de son infrastructure internet beaucoup trop faible ! Les coupures Internet se sont multipliées, donc en même temps de suivre les cours, je devais rattraper ceux de la veille ».

Aya* ajoute que « rester enfermée dans une chambre de 10m² c’est déjà difficile, mais en plus c’était infesté de cafards, vraiment partout ! Une fois j’ai posé un piège à cafards sous mon frigo, en une semaine une trentaine de cafards et insectes s’y sont collés. Le Crous appelle parfois des sociétés de désinsectisation, mais là encore c’est difficile pour nous parce que c’est un traitement chimique lourd qui oblige le locataire à déménager en plein milieu d’année et à se retrouver pendant quatre jours sans ses effets personnels en espérant que sa nouvelle chambre ne soit pas elle aussi infectée. C’est inadmissible de vivre dans de telles conditions d’insalubrité. Le Crous est responsable ». Dans un mail adressé au directeur du Village 6 en 2021, Alexandre dénonce ces conditions de vie dans lesquelles le Crous les abandonne : « J’ai récolté une dizaine de numéros de gens qui seraient prêts à témoigner contre vous, étudiants et travailleurs du Crous aussi. Une de vos employées m’a dit qu’elle a une infection à la jambe à cause des morsures de punaise, et dans ma chambre même après le passage de la société de désinsectisation les punaises étaient encore là, je me réveillais toutes les demi-heures tellement je me faisais mordre ».

La résidence a atteint un tel niveau d’insalubrité que les plaintes des étudiants et des travailleurs se sont multipliées, poussant le Crous a finalement entamer des travaux de rénovation cet été. Mais en réaction, le Crous a expulsé les étudiants de leur logement pour entamer les travaux de la résidence, laissant certains d’entre eux à la rue sans solution. Une décision scandaleuse alors même que ces dernières années le phénomène de précarité étudiante explose, et que les étudiants bordelais la subissent de plein fouet, comme en témoigne cette enquête réalisée auprès des 18 000 étudiants de l’Université Bordeaux Montaigne en 2021.

Les témoignages retranscrits viennent ainsi mettre en lumière le rôle véritablement joué par le Crous dans la lutte contre la précarité étudiante : proposer au mieux des logements insalubres qui plongent les étudiants dans des conditions de vie intenables pour leurs études, et au pire une expulsion sans solution de relogement. Face à cette situation, défendre des logements dignes pour toutes et tous, mais également revendiquer un revenu étudiant à la hauteur d’un SMIC revalorisé à 1 800 euros pour que les jeunes n’aient plus à choisir entre pouvoir se nourrir, se loger décemment et étudier, sont des combats plus important que jamais.

* Les prénoms ont été modifié afin de garantir l’anonymat des étudiant.es

 
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