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23 de juin de 2022 Twitter Faceboock

Non Una Di Meno
Italie. Mobilisations transféministes après le suicide d’une enseignante trans
Matthias Lecourbe

Une enseignante italienne trans s’est suicidée le 11 juin dernier après avoir été écartée de l’enseignement par son Administration à la suite de son coming out. L’affaire est très médiatisée et prend place dans un contexte politique très polarisé : un projet de loi anti LGBTphobies qui devrait mettre l’Italie en règle avec diverses conventions internationales est sans cesse repoussé par la droite depuis plus de deux ans. Des mobilisations antifascistes et transféministes ré-émergent.

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En 2015, Cloe Bianco venait d’être titularisée en tant que professeure de physique dans un lycée de Venise. Elle a alors cru pouvoir s’assumer en tant que femme trans et a fait un coming out (NDLR : elle a révélé être une femme trans et non un homme cisgenre) à ses élèves. Le rectorat l’a immédiatement suspendue de l’enseignement, elle n’a plus pu exercer le métier pour lequel elle avait été formée et a été reléguée par l’Administration à des postes de secrétariat dans différents établissements scolaires de la région. Son coming out face aux élèves avait été monté en scandale médiatique par des élus d’extrême-droite de la région de Vénétie, particulièrement par Elena Donazzan, alors ministre régionale de l’éducation. Cette élue du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia, responsable de la mise au placard de Cloe Bianco et qui s’est illustrée en entonnant un chant fasciste au cours d’une émission radio en 2021, s’était alors déclarée « écœurée du comportement » de l’enseignante. S’en était suivi tout un procès médiatique orchestré par l’extrême-droite quant à savoir si il était admissible qu’une enseignante ait révélé sa transidentité à ses élèves. Une offensive qui a profondément affectée Cloe Bianco, dont les proches disaient qu’elle s’était beaucoup renfermée sur elle-même, avant de finalement poster une longue lettre sur son blog et de s’immoler par le feu chez elle le 11 juin dernier.

La militante trans Vladimir Luxuria raconte : « Je me souviens très bien de quand a éclaté le scandale autour de Cloe : tout le personnel et tous les étudiants de l’établissement étaient soumis à un véritable interrogatoire. Comme si Cloe avait commis un crime, alors qu’elle était simplement entrée en classe en se montrant telle qu’elle était. Elle l’a fait le jour où elle a été titularisée, croyant que cela la protégerait. Malheureusement cela n’a pas été le cas. » Les militant.e.s dénoncent en effet l’absence de protection des personnes trans contre les discriminations au travail. Aucun texte de loi en Italie ne condamne la discrimination fondée sur l’identité de genre et l’Administration régionale de Vénétie qui est tenue par l’extrême-droite depuis de nombreuses années a pu prendre une sanction disciplinaire normalement réservée aux fautes graves contre une enseignante qui se trouvait simplement être trans.

Le suicide de Cloe intervient aussi dans une période de mobilisation des militant.e.s féministes et LGBTI pour leurs droits démocratiques alors qu’une proposition de loi dite DDL Zan vise à renforcer la lutte contre les homotransphobies et les violences de genre. Si le projet de loi reste minimal puisqu’il ne prévoit que la reconnaissance des crimes de haine contre les personnes LGBT, la mise en place d’animations dans les écoles et les administrations pour la journée du 17 mai contre les LGBTIphobies et un plan de lutte contre les discriminations avec un budget très limité, il est pourtant bloqué depuis plus de deux ans par les partis de droite et d’extrême-droite – et même à l’occasion par le Vatican qui l’estimait contraire au Concordat le liant à l’État italien. Les mouvements féministes et LGBT s’étaient à ce titre mobilisés en octobre dernier après un énième blocage du texte au Sénat avec pour mot d’ordre vogliamo #moltopiùdizan, « nous voulons beaucoup plus que Zan », pour signifier leur appui à la proposition de loi Zan tout en soulignant son insuffisance face aux discriminations auxquelles font face les personnes LGBT.

Le suicide de Cloe Bianco vient relancer le débat sur la condition des personnes LGBTI en Italie et renforce les mobilisations pour la prise en charge politique des violences et discriminations auxquelles la communauté fait face. Cette mobilisation agrège un large arc de force, allant du Parti Démocrate qui porte la proposition de loi Zan jusqu’à l’extrême gauche en passant par tous les collectifs et réseaux de lutte contre les violences de genre. Une manifestation s’est notamment tenue devant le ministère de l’éducation à Rome revendiquant des moyens pour lutter contre la transphobie dans l’éducation nationale.

Alors que le Ministère de l’Éducation nationale vient d’ouvrir une enquête sur l’affaire Cloe Bianco, un nouveau rassemblement est appelé à Venise ce jeudi 23 juin pour demander la démission d’Elena Donazzan, femme politique d’extrême-droite, responsable de la discrimination transphobe et du déferlement médiatique qui ont conduit au suicide de Cloe Bianco.

En ce mois des fiertés, et alors que les attaques réactionnaires se multiplient contre les droits des femmes et des personnes LGBT, c’est dans la rue que le mouvement des femmes et des personnes LBGT peut conquérir de nouveaux droits, en Italie comme à l’international.

 
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