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22 de juin de 2022 Twitter Faceboock

Face à la crise politique
La NUPES face à la crise politique : divergences tactiques et impasse stratégique
Paul Morao

Après un résultat en demi-teinte, la NUPES connaît ses premières divergences tactiques sur l’attitude à adopter dans la crise politique. Mais celles-ci ne sauraient masquer l’impasse stratégique plus large de son opposition parlementaire, à l’heure où la situation ouvre des brèches importantes pour une irruption du mouvement de masse.

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Crédits photo : Twitter @FranceInsoumise

Dimanche dernier, la NUPES a finalement obtenu 147 sièges de députés à l’Assemblée nationale. Un résultat en-deçà de projections qui allaient jusqu’à attribuer 200 sièges à la coalition, mais qui multiplie par 2,2 le nombre de députés de la gauche institutionnelle par rapport à 2017 et permet à ses principales composantes de s’assurer des groupes parlementaires. C’est le cas de l’Union Populaire (84 députés), d’EELV (23 députés), du PS (28 députés) voire du PCF qui, malgré ses 12 députés, table sur sa capacité à convaincre des députés des Outre-mer de le rejoindre.

Un bilan électoral en demi-teinte pour la nouvelle Union de la gauche

Si, après une quasi disparition, ce retour de la « gauche » peut apparaître comme un succès, celui-ci apparaît en demi-teinte pour plusieurs raisons. D’abord, au regard des objectifs fixés. En effet, les 147 sièges sont loin, très loin, de l’objectif posé par Jean-Luc Mélenchon d’être « élu Premier ministre ». Cette idée, lancée à l’issue du 1er tour de la présidentielle a été le pilier de la campagne des législatives de la NUPES, mais aussi la justification de l’alliance nouée à cette occasion avec des forces bourgeoises comme le PS ou EELV. Elle a fini par se révéler pour ce qu’elle était : un slogan publicitaire relativement déconnecté de la réalité plus qu’une perspective crédible pour stopper Macron.

Ensuite, en termes de dynamique électorale. Si la NUPES a réussi à multiplier par deux sa présence au Palais-Bourbon, c’est grâce aux candidatures uniques de la « gauche », mais sans que l’Union ne génère de dynamique particulière. Malgré l’union, la gauche a réuni au premier tour 5,8 millions de voix contre… 5,7 millions en 2017.

Ainsi, la NUPES n’a pas permis de réitérer la percée réalisée par Jean-Luc Mélenchon au 1er tour de la présidentielle. Pendant l’entre-deux tours des législatives, l’Insoumis aura eu beau user des interpellations les plus virulentes en direction de la jeunesse, appelée à « fai[re] quelque chose à part pleurnicher ou rester à la maison à rien faire », 71% des 18-24 ans et 66% des 25-34 ans se sont finalement abstenus de même que 64% des foyers touchant moins de 1250€ par mois, qui l’avaient largement soutenu en avril. Un résultat qui montre que le retour, présenté comme « historique », de l’Union de la gauche n’a pas suscité l’engouement massif sur lequel tablaient les partisans de la NUPES.

Surtout, c’est la percée historique de l’extrême-droite qui vient éclipser en partie le résultat de la NUPES. Le Rassemblement national réalise une percée avec 89 députés, consolidant au passage des bastions dans des départements comme l’Aude ou les Pyrénées Orientales, des régions comme les Hauts-de-France ou sur l’ensemble de la côte méditerranéenne. Ce score lui permet de revendiquer le statut de « premier groupe parlementaire d’opposition », que l’Union Populaire de Mélenchon pensait gagné d’avance. En outre, le RN réalise ce score après avoir gagné 56% de ses duels contre la NUPES, résultat que l’on ne saurait analyser au seul prisme de l’absence de « front républicain ».

Après avoir remis en selle le PS, le PCF et EELV, premières tensions tactiques au sein de la NUPES

Les élections passées, la question de l’avenir de la NUPES et du rôle qu’elle jouera dans la situation de crise politique qui s’est ouverte est posée, et suscite de premières tensions. Dès le lendemain des législatives, l’appel de l’UP à former un groupe unique de la NUPES pour devenir le premier groupe d’opposition à l’Assemblée à la place du RN a par exemple reçu une fin de non-recevoir du reste de la coalition.

Si l’existence de groupes séparés était prévue dans l’accord d’origine, cette première friction met en lumière un scénario probable : après avoir surfé sur la dynamique du mélenchonisme et assuré leur survie ou leur implantation à l’Assemblée, les scores décevants de la NUPES pourraient accélérer une explosion de l’alliance et le PS, EELV ou le PCF en revenir rapidement à leur attitude historique. De fait, depuis lundi, plusieurs divergences s’expriment au sein de la NUPES.

Du côté de l’Union Populaire, il s’agit de maintenir son hégémonie sur l’alliance en gardant l’initiative et en se posant comme une opposition « intransigeante » à Macron à travers sa « guérilla parlementaire » - par l’appel à une « motion de censure » le 5 juillet prochain ou la dénonciation d’Elisabeth Borne présentée comme « illégitime ». De l’autre, EELV, le PS et le PCF cherchent à se positionner de manière indépendante mais aussi à commencer à tendre la main au gouvernement. En ce sens, mardi soir, Fabien Roussel allait jusqu’à affirmer être prêt à intégrer un hypothétique gouvernement d’union nationale à la condition que le projet de celui-ci mette « la barre très haute ». Plus tactiques que stratégiques, ces divergences pourraient s’approfondir dans les semaines et mois à venir.

Par-delà les divergences, l’impasse de la NUPES face à la crise

Pourtant, par-delà ces débats, force est de constater que les forces de la NUPES partagent une orientation commune claire : le combat de la « gauche » se fera dans le cadre de l’Assemblée nationale. L’espoir de faire barrage au macronisme en élisant Mélenchon 1er ministre étant désormais éteint, la NUPES compte jouer son rôle d’opposition au sein des institutions en attendant d’éventuelles élections, quitte à parfois donner rendez-vous en 2027 !

Le discours de Jean-Luc Mélenchon au soir du second tour des législatives était clair en ce sens sur la stratégie parlementaire défendue : « vous disposez d’un magnifique outil de combat dont vous aviez été privés pendant tant de temps. Cet outil, c’est la Nupes. Ce sont ses parlementaires (…). » De quoi clarifier le débat sur l’articulation entre combat parlementaire et extra-parlementaire du côté de la NUPES. Pour les 147 députés élus dimanche, les mobilisations ouvrières, les luttes sociales, les grèves constituent au mieux un symbole à mobiliser, à l’image de ce chant des Gilets jaunes entonné en entrant dans l’Assemblée nationale, mais pas un moyen de faire face au gouvernement et d’arracher des revendications aussi vitales qu’une augmentation généralisée des salaires.

Dans la période qui s’ouvre, marquée par la crise politique en France sur fond de forte instabilité économique mondiale et de tensions géopolitiques majeures, cette stratégie qui se cantonne sur le terrain parlementaire, dans la continuité des promesses d’« économiser des kilomètres de manifestation » de la campagne présidentielle, apparaît impuissant à répondre aux enjeux des classes populaires. Surtout, elle est en décalage complet avec les intenses mobilisations du quinquennat précédent qui ont constitué la principale opposition à Macron.

A l’inverse, la crise politique et la fragilisation du régime constitue une opportunité pour le mouvement de masse. Celle de construire une politique alternative, basée sur le rapport de forces plutôt que la conciliation ; sur nos revendications sociales, économiques ou écologiques urgentes plutôt que sur ce qui paraît acceptable pour le patronat et le gouvernement ; sur la lutte de classes, dans la rue et les entreprises, plutôt que sur les négociations dans l’hémicycle ou les couloirs feutrés de l’Assemblée nationale. C’est cette perspective qui effraie au plus haut point le gouvernement, traumatisé par le mouvement des Gilets jaunes et obsédé par la nécessité d’éviter de nouvelles explosions. Dans ce cadre, et alors que la lutte des classes pourrait vite reprendre ses droits, l’urgence est plus que jamais à la construction d’une gauche révolutionnaire qui prépare activement cette perspective et l’intervention dans les processus à venir.

 
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