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La Izquierda Diario
17 de juin de 2022 Twitter Faceboock

Déplacement à Kiev
Pétrifié par une possible majorité relative, Macron joue la carte du Président des crises
Yann Causs

Après le camouflet du premier tour, le camp présidentiel est affaibli et craint de n’obtenir qu’une majorité relative. Une situation à laquelle il tente de remédier en dramatisant les enjeux du scrutin, quitte à utiliser la guerre en Ukraine et la scène internationale pour se démarquer.

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GONZALO FUENTES/AFP

Effrayé par les résultats du premier tour, Macron dramatise à outrance les enjeux du second

Que se passe-t-il en macronie ? Après la déroute du premier tour des législatives, la panique semble s’être emparée du bateau qui navigue à vue. Depuis dimanche dernier, une majorité relative à l’Assemblée pend au nez du président et son très mauvais résultat approfondit ses faiblesses déjà apparentes. Déjà contraint de composer à droite avec ses alliés d’Ensemble, Edouard Philippe et François Bayrou, il devra également potentiellement compter sur LR pour avoir une majorité absolue et faire face à l’opposition de la Nupes. Une dépendance à la droite qui l’affaiblit, et qui pourrait nuire à son projet d’« une nouvelle méthode » sensée lui permettre de faire passer ses projets de guerre sociale.

Le soir même et le lendemain du 1er tour, les hésitations, les tâtonnements et les contradictions dans les consignes de votes de la coalition Ensemble ! pour les 63 duels Nupes/ RN ont marqué une fébrilité certaine. Certainement pris de surprise par les scores du premier tour ce cafouillage, qui révèle au passage les divisions au sein de la majorité entre les partisans du « front républicain » et ceux du « ni-ni », est un signe de l’échec de la stratégie d’Emmanuel Macron pour les législatives. Dans la continuité des élections présidentielles où il était parvenu à la veille du premier tour sans faire campagne et en boycottant tous les débats, le chef de la majorité sortante a tenté d’appliquer la même recette, sans succès.

Finalement, la dramatisation a pris le relais de la non-campagne et du silence au sein de la macronie. Déjà, à la veille du scrutin, le Président avait enchaîné les déplacements en Seine-Saint Denis et dans le Tarn pour enjoindre les électeurs à lui donner une majorité. Cette semaine sur le tarmac d’Orly, Macron a improvisé une mise en scène au dernier moment avant « de quitter le sol français » pour l’Ukraine. Il y a appelé au « bon sens », « à l’intérêt supérieur de la nation », « au sursaut républicain », à ce que « pas une voix ne doive manquer à la République » afin que « dans un moment historique » le résultat de dimanche donne « une majorité solide au pays », car « rien ne serait pire d’ajouter un désordre français au désordre mondial » se sont amplifiés. Un discours qui, comme le note le politologue Christophe Boutin témoigne de « l’inquiétude du camp présidentiel sur l’existence même d’une majorité présidentielle ».

Dans une tentative de reprendre les choses en mains les attaques se sont multipliées contre le programme de la NUPES, décrit comme annonciateur de désordre. Emmanuel Macron et son entourage, à l’instar du président du Medef, se sont en effet livrés à une dramatisation extrême, à la limite de la caricature lorsque la coalition de gauche compte dans ses rang Olivier Faure, Fabien Roussel ou encore Julien Bayou. Comme le souligne le Journal du Dimanche, ceci est l’expression même que « le parfum de la fébrilité flotte dans les allées du pouvoir » qui se retrouve dos au mur d’une potentielle majorité relative. Autant d’éléments de crise qui laissent présager de nombreuses difficultés pour gouverner.

Un agenda international pour se mettre au-dessus de la mêlée et tenter de répondre aux faiblesses nationales

Après les polémiques qui ont affaibli le début du nouveau mandat (Abad et Stade de France) et face à la difficulté d’Elisabeth Borne à diriger l’offensive contre Mélenchon dans une campagne jusque-là aseptisée, nous assistons au retour d’Emmanuel Macron au premier plan. Outre la diabolisation des extrêmes qui sont renvoyés dos à dos, l’enjeu de se repositionner au centre de l’échiquier politique ne va pas sans tenter de réactiver les recettes qui ont permis au Président d’arracher sa victoire à la Pyrrhus en avril : la carte de président des crises.

Macron s’est en effet envolé en Europe de l’Est ce mardi. Après s’être rendu en Roumanie, puis en Moldavie, ce jeudi le président français était à Kiev pour une visite laissée secrète jusqu’au dernier moment. Si ce déplacement a une importance géopolitique majeure, il a une dimension interne et national central avant le second tour des élections législatives.

D’une part, le déplacement sur le terrain international, plus précisément celui de la guerre en Ukraine, au-delà de la posture que cela lui donne, est une adresse consciente pour mobiliser son électorat, mais aussi celui de droite qui est crucial pour obtenir un report de voix. Conscient de l’atout d’avoir été le président gestionnaire de la pandémie et des débuts de la guerre en Ukraine, le chef de file d’Ensemble mise de nouveau sur ça pour faire la différence, quand bien même le scrutin appelle généralement à faire campagne autrement que sur les méthodes des présidentielles.

Comme le note Jean Daniel Levy d’Haris interactive pour l’Opinion, nous pouvons y voir « un effet de modification de ce que peuvent être les enjeux du scrutin. La majorité doit faire en sorte que l’électorat qui a voté pour Emmanuel Macron à la présidentielle continue de le faire pour ses candidats dans les différentes circonscriptions. […] Il n’y a pas non plus de surmobilisation de la part de son électorat  ; il a donc intérêt à le remobiliser. Il doit aussi s’adresser aux électeurs de droite. Et on sait qu’ils sont sensibles à l’idée d’avoir un président de la République fort sur la scène internationale. »

D’autre part dans le contexte de la guerre en Ukraine, l’objectif est d’imposer un terrain inconfortable à ses opposants et en particulier son principal rival Mélenchon et de faire apparaitre la NUPES antagonique « à l’intérêt supérieur de la nation ». Si cela permet de toucher des contradictions au sein de la NUPES concernant la guerre en Ukraine, l’union européenne et l’OTAN, cela donne aussi l’espace de dramatiser plus encore la passe d’arme avec le chef de file de la France Insoumise. C’est dans ce sens, qu’en réponse au « mépris » pointé par Mélenchon, Emmanuel Macron répond qu’il « faudra m’expliquer en quoi venir auprès de nos soldats est une forme de mépris. C’est un respect affiché. Je sais que d’aucuns veulent en sortir, affaiblissant le pays et sa sécurité et je le combats avec force ».

Ainsi, Emmanuel Macron cherche à convaincre d’un vote utile contre « le chaos » du programme de la NUPES en se repositionnant au centre de la scène politique notamment grâce à la situation internationale et en particulier la guerre en Ukraine. Une stratégie qui cache mal l’approfondissement de la crise du macronisme, qui devra composer avec l’aile droite du Parlement pour gouverner, non sans contradictions alors que les résultats du premier tour marque une très grande défiance des institutions au-delà de l’impopularité de l’équipe présidentielle.

 
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