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La Izquierda Diario
26 de mai de 2022 Twitter Faceboock

Aucun dialogue social !
Berger et Martinez au chevet de Macron II : les directions syndicales doivent rompre avec le "dialogue social" !
Yann Causs

A peine élu, le nouveau ministre du travail, Olivier Dussopt, s’est empressé d’inviter dans ses bureaux les directions syndicales. L’objectif ? Afficher un changement de méthode à quelques encablures des prochaines élections législatives. De leur côté, les directions syndicales ne se sont pas faites prier et se sont exécutées illico presto, désarmant une nouvelle fois le mouvement ouvrier sur fond de crise sociale face à l’inflation.

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Crédit photo : AFP

Réhabilitation du dialogue social : les directions syndicales au chevet du gouvernement

Cela n’aura échappé à personne, la « nouvelle méthode » pour faire face aux « défis nouveaux » est le mantra de la macronie depuis la réélection d’Emmanuel Macron. Répétée en boucle depuis plusieurs semaines, c’est cette fois au tour du tout nouveau ministre du travail, du plein-emploi et de l’insertion, Olivier Dussopt, de l’appliquer. En effet depuis ce mercredi, il invite, chacun leur tour, les « partenaires sociaux » pour « évoquer leurs projets et leurs attentes et nouer tout de suite une relation de travail et, [espère-t-il], une relation de confiance ».

En réalité, avec ce cycle de rencontre l’ancien socialiste entend préparer le terrain à la réforme des retraites en renouant avec le "dialogue social". C’est en effet le sujet central de ces premières consultations dans les locaux du ministère du travail, renommé pour l’occasion « la maison du dialogue social et de la concertation ». Ce mardi, la CFDT et son secrétaire général Laurent Berger ont été reçus rue de Grenelle, le lendemain la CGT, le MEDEF et FO étaient attendus dans le bureau du ministre.

En réalité, derrière les effets d’annonce, l’enjeu est clair : il s’agit de concrétiser les promesses agitées par le gouvernement pendant la campagne présidentielle en direction du patronat. Pas grand-chose à se mettre sous la dent donc, mais assez pour satisfaire la CFDT. Ainsi Laurent Berger, après avoir fait un appel au gouvernement à la « co-construction », est sorti enthousiaste de son entrevue rue de Grenelle : « C’est un bon signe que le ministre du travail veuille rencontrer les organisations syndicales et les organisations patronales assez vite après son arrivée ». Et de surenchérir il y a « une volonté de travailler avec une méthode qui est celle de la concertation et du dialogue ».

Sur ce terrain, le numéro 1 de la CFDT est même allé jusqu’à distribuer les bons points, après que le gouvernement ait annoncé vouloir temporiser sur la réforme des retraites avant d’en appeler à une « une conférence très très vite » sur le pouvoir d’achat, « avant la présentation de la loi » prévue par le gouvernement afin que « chacun puisse faire valoir ses propositions ». Une manière d’affirmer à nouveau son appel à une « nouvelle ère » […] « de la co-construction ».

Fébrilité chez Macron II, inflation, grèves pour les salaires… les directions syndicales au chevet du gouvernement

« La nouvelle méthode » macronienne, qui n’est rien d’autre que la réhabilitation de la vieille chimère du dialogue social masque mal les fragilités et failles de Macron II. Les nombreuses hésitations et temporisation depuis le début de ce second quinquennat – que soit à propos du choix du premier ministre, de l’annonce du gouvernement, mais aussi du changement de ton à propos de la réforme des retraites – sont la marque des coordonnées nouvelles avec lesquelles Macron doit composer, entre faible légitimité, détestation importante de sa personne et risque d’explosion sociale face à l’inflation.

Dans ce contexte, alors que depuis plusieurs mois, les grèves se multiplient dans divers secteurs pour l’augmentation des salaires, le gouvernement cherche un équilibre pour mener à bien son agenda néolibéral tout en évitant les effusions dans les entreprises et les rues. En ce sens l’annonce lundi du projet de loi sur le « pouvoir d’achat » répond -partiellement - à cet objectif, tout en évitant de poser la question des salaires afin de préserver les profits du patronat. Des rafistolages pour temporiser face à la colère sur la question de l’augmentation généralisée des salaires qui, dans le contexte de l’inflation, se pose comme une nécessité vitale.

De façon symptomatique, à l’occasion de l’annonce de ce projet de loi, la seule chose que les directions syndicales ont trouvé à redire… c’est de ne pas avoir été conviées aux discussions entre le gouvernement et les syndicats patronaux. "Non, nous ne sommes pas invités. Pour discuter des salaires, ça ne se passe pas sans ceux qui travaillent, représentés par les organisations syndicales" s’est insurgé Laurent Berger au micro de LCI. "Changement de méthode ? Elisabeth Borne, Bruno Le Maire, Olivier Dussopt, le pouvoir d’achat, c’est sans les salaires, sans les salariés et leurs représentants ?" l’avait précédé Yves Veyrier de Force Ouvrière dans un tweet.

Mais alors que le coût de la vie ne cesse d’augmenter, les directions syndicales se retrouvent malgré tout au chevet du gouvernement qui se réunissait la veille avec le MEDEF pour éviter coûte que coûte des augmentations de salaires. Au lieu de dénoncer cette conspiration et de préparer la riposte, Laurent Berger « invite [Bruno le Maire] à nous réunir très vite » tandis que Philippe Martinez s’est félicité d’avoir été "écouté". « On a fait connaissance et il m’a écouté » a-t-il résumé.

Dans ce début de quinquennat compliqué, Emmanuel Macron pourra au moins se féliciter d’avoir trouvé son meilleur allié en la personne de Laurent Berger pour l’aider à « relever » le défi de gouverner dans une conjoncture socialement défavorable. En prônant clairement la conciliation de classe, celui-ci entend accompagner la casse sociale à venir, et cherche à prévenir et à éviter les effusions dans les entreprises, dans la rue en les désamorçant dans les bureaux des ministres.

Aucune négociation, nous devons préparer le combat pour l’augmentation des salaires

Aucun dialogue social n’est possible avec le patronat et le gouvernement d’autant plus à l’heure où l’inflation pèse durement sur la vie des travailleurs, en réduisant drastiquement le salaire réel. L’équilibre que cherche à trouver le gouvernement pourrait être très vite balayé par la forte progression de l’inflation. Les classes dominantes vont devoir accélérer sur le terrain des réformes anti-sociales. Celles-ci pourraient bien constituer les étincelles de mouvement de contestation dans la lignée de ceux que nous avons connu ces cinq dernières années. Il est clair, en tous cas, que notre réponse doit se situer dans la continuité de la radicalité de ces luttes : le poids des chaînes ne se négocie pas, il se combat !

Ces derniers mois les grèves locales se sont multipliées –notamment autour des NAO- pour exiger des augmentations salariales. Celles-ci restent pour le moment isolées les unes des autres. La stratégie des directions syndicales, en particulier de la CFDT en appelant à « une conférence sociale sur le pouvoir d’achat », qui pousse au dialogue social avec le patronat et le gouvernement est un frein au développement de ces mouvements et une politique qui désarme le monde du travail et le rend vulnérable face aux attaques.

Si Philippe Martinez affirmait mercredi matin au micro de France Info – avant de se rendre dans les bureaux du ministre du travail - que « négocier le report de l’âge légal, c’est non » et qu’il faut augmenter le SMIC à 2 000 euros, l’absence d’une politique à la hauteur ne donne pas les moyens de construire le rapport de force nécessaire.

A contrario de toute illusion dans le dialogue social, il faut un plan de bataille et un programme qui vise à casser l’isolement des luttes pour les salaires et cherche à les coordonner. Il s’agit dès lors de rompre avec la stratégie perdante des directions syndicales, et en premier lieu en mettant les structures syndicales à disposition de ces grèves, pour alimenter les caisses de grève et construire le rapport de force nécessaire. La coordination des secteurs et des grèves doit se faire par l’appui à l’auto-organisation afin que les travailleurs soient maîtres de leurs luttes. La première étape est de refuser les illusions du dialogue social qu’agite le gouvernement afin de désarmer et faire taire le mouvement ouvrier. Un chemin que les directions syndicales sont loin d’emprunter.

 
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