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La Izquierda Diario
20 de avril de 2022 Twitter Faceboock

Pour une troisième voie par en bas !
La jeunesse à l’avant-garde du refus du tandem Le Pen - Macron
Irène Karalis

Cette semaine, à la Sorbonne et dans les lycées, les jeunes ont dénoncé le choix réactionnaire qui leur était imposé. Alors que la pression au front républicain s’accentue à l’approche du second tour, les éléments de mobilisation dans la jeunesse montrent qu’une troisième voie par en bas est possible.

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Crédits photo : Yxelle

Alors que le second tour des élections présidentielles approche, et que tous les sondages donnent Emmanuel Macron gagnant, les mobilisations à la Sorbonne et dans les lycées refusant ce deuxième tour réactionnaire viennent perturber la mascarade électorale.

Vers un retour du mouvement étudiant et lycéen ?

Mercredi dernier, une Assemblée Générale a réuni plus de 500 étudiants à la Sorbonne malgré le refus de l’administration de leur accorder un amphithéâtre. Sur fond de « Siamo tutti antifascisti » et de « ni Macron, ni Le Pen », les étudiants ont décidé d’occuper l’établissement. Le lendemain, plusieurs centaines d’étudiants étaient à nouveau réunis devant la Sorbonne pour décider des suites du mouvement. Le soir même, plus de 600 personnes étaient rassemblées Place du Panthéon pour faire converger la lutte des étudiants réfugiés d’Ukraine qui exigent une inscription dans les universités françaises avec la mobilisation contre les résultats des élections. Une belle démonstration de force pour cette jeunesse dégoûtée par les élections et désireuse de se battre contre le gouvernement et l’extrême-droite.

Rapidement, des Assemblées Générales ont fleuri dans le reste des universités parisiennes, à Paris 8, à Paris 7, à Paris 4 ou encore à Nanterre. Un peu partout dans le pays également, à Toulouse, à Rennes et à Bordeaux, des étudiants se sont rassemblés pour discuter des élections et commencer à s’organiser et ce mardi, les lycéens ont décidé d’entrer dans la danse. Au lycée Lamartine à Paris, Victor et Louna expliquent : « on a répondu à l’appel de la Sorbonne. On est là contre ce deuxième tour qui nous est imposé, avec d’un côté l’extrême-droite et de l’autre le néolibéral qui attaque nos droits. On ne peut pas voter mais on se bat pour notre avenir ! »

Chez les lycéens aussi, l’inquiétude de voir l’extrême-droite arriver au pouvoir est très forte : « la jeunesse emmerde le front national ! » scandaient les lycéens de Lavoisier, quand ceux de Balzac arboraient une banderole « pas de fachos dans nos quartiers, pas de quartiers pour les fachos ». Mais c’est également une opposition au gouvernement Macron qui s’exprime, à celui qui a fait passer « la Loi Sécurité Globale » et d’autres mesures réactionnaires comme le rappelle Louna.

Si ces Assemblées Générales et blocages ne traduisent pas de mouvement massif, ces derniers coïncidant avec les partiels et examens en tout genre, elles montrent la volonté d’un secteur de la jeunesse de s’organiser, et ce en revenant aux méthodes traditionnelles du mouvement étudiant et lycéen : Assemblées Générales, blocages, comités de mobilisation, rassemblements,… Alors que depuis 2018 et la mobilisation contre Parcoursup, ces méthodes semblaient avoir disparu, les élections présidentielles pourraient bien avoir réveillé le mouvement étudiant et lycéen.

Fermetures administratives et répression policière : le gouvernement plus fébrile que jamais

Alors que le mouvement venait à peine de commencer, la dynamique de mobilisation naissante a clairement paru inquiéter les différentes présidences d’université et le gouvernement. Le jour de l’occupation de la Sorbonne, la présidence de Paris 1 a immédiatement basculé les cours en distanciel et fermé le campus de Tolbiac, suivie de près par les présidences de Paris 3, Paris 4, Paris 6 et Nanterre. Ce mardi, c’était au tour de la présidence de Paris 8 de fermer le campus alors que devait s’y tenir une Assemblée générale d’étudiants mobilisés et d’étudiants réfugiés d’Ukraine. Une à une, les présidences d’universités ont fermé les centres, s’appuyant sur la crise du Covid pour basculer les cours en distanciel et ainsi tuer la mobilisation dans l’œuf en empêchant les étudiants de se réunir pour s’organiser.

De son côté, le gouvernement ne s’est pas privé d’envoyer la police pour déloger l’occupation de la Sorbonne et réprimer les étudiants mobilisés. Jeudi dernier, alors que ces derniers s’apprêtaient à tenir une Assemblée Générale, après avoir tenté de les nasser, les CRS ont commencé à gazer les étudiants et les ont violemment repoussés sur les trottoirs. Lors du rassemblement organisé en soutien aux étudiants réfugiés, le gouvernement a envoyé la BRAV-M et les voltigeurs nasser, gazer et matraquer les manifestants.

Une répression si rapide témoigne de la fébrilité du gouvernement. Christophe Barbier, directeur de rédaction de L’Express et chroniqueur sur BFM TV, expliquait ainsi sur France 5 : « c’est un phénomène très important pour moi, peut-être le plus important. On assiste à un brouillon de ce qui peut nous attendre à la rentrée universitaire, c’est-à-dire une radicalité de cette jeunesse. » De fait, les mobilisations à la Sorbonne, dans les lycées et dans les universités font preuve d’une radicalité inédite : en contestant les résultats mêmes de l’élection la plus importante sous la Vème République, leur caractère est profondément subversif et politique.

En envoyant la police pour gazer et matraquer les étudiants tout en continuant à se présenter comme le rempart à l’extrême-droite, le gouvernement montre qu’il a conscience de sa fragilité. Quelle que soit l’issue de l’élection, le futur président ou la future présidente aura été élu.e pour faire barrage à son adversaire et le prochain gouvernement ne bénéficiera pas d’une paix sociale bien longue. Et s’il est fort probable que Macron remporte le second tour sans difficultés, il reste un des présidents les plus détestés de la Vème République. Dans ce contexte, la réponse du gouvernement aux mobilisations ne peut que présager des suites pour le prochain quinquennat : mépris et répression seront le lot de la jeunesse pour cinq ans de plus.

Face à Le Pen et Macron, se battre pour une troisième voie

Dans tous les lycées, à la Sorbonne et dans les autres universités, la mobilisation a exprimé une lassitude face à la mascarade électorale. Alors que les élections de cette année signent un mauvais remake de 2017, le fameux « front républicain » fait sa réapparition, ce dernier consistant à se ranger derrière Macron en accusant toute voix dissonante de faire le jeu de l’extrême-droite.

Et alors que le spectre d’une abstention d’autant plus forte au second tour plane sur les deux candidats finalistes qui devront gouverner avec un socle électoral faible, la pression à voter pour le moindre mal se fait plus forte. De façon tout à fait légitime, des jeunes qui scandent leur colère face au dilemme Macron-Le Pen pourraient se sentir contraints d’aller aux urnes pour faire barrage à l’extrême droite. Plus que jamais, la responsabilité de Macron dans la montée de celle-ci doit être soulignée : c’est bien Macron et son gouvernement qui ont déroulé le tapis à l’extrême-droite en banalisant ses idées à travers des lois réactionnaires et racistes comme la Loi Sécurité Globale, la Loi Séparatisme, ou la dissolution de nombreuses organisations en défense des musulmans.

Car au-delà de la question immédiate du vote, ce que cette partie de la jeunesse exprime, c’est un ras-le-bol global. Louna, lycéenne, dénonce un second tour qui « leur vole leur avenir » et Victor, lycéen à Louis-Le-Grand, rappelle : « Le rapport du GIEC nous a rappelé qu’il y avait urgence climatique et sociale. Ni Macron, ni Le Pen ne portent ces revendications. Ce blocus c’est pour mettre la pression et répondre à l’urgence. » Devant le lycée historique du 5ème arrondissement, les élèves chantaient d’ailleurs en chœur : « anti-anticapitaliste ».

À l’image des derniers mouvements sociaux, la mobilisation actuelle est le signe d’une jeunesse qui ne se retrouve pas dans les perspectives qu’on lui propose et refuse un avenir fait de misère, de crises sanitaires et de chômage, mais aussi de crise écologique, de racisme, de sexisme et de LGBTIphobies. Cette nouvelle génération, qui s’est battue contre les violences sexistes et sexuelles et contre le racisme d’État, mérite mieux qu’un « choix » entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Pour transformer cette colère en perspectives, il s’agit de commencer à la structurer dès maintenant pour la transformer en forces vives qui soient prêtes à lutter dès le prochain quinquennat, et ce quelle que soit l’issue de l’élection.

En ce sens, la colère exprimée face à ce second tour réactionnaire devrait se traduire lors des élections par une abstention active, qui exprime clairement un rejet de la fausse alternative qui nous est proposée. Penser que Macron pourrait empêcher l’extrême-droite d’avancer est illusoire, et ce dernier nous a bien prouvé ces cinq dernières années qu’il était au contraire au service de la banalisation de leurs idées. Si la peur de l’extrême-droite est parfaitement compréhensible, il s’agit de la combattre dans la rue et par la construction d’une troisième voie, et non en légitimant Macron pour cinq nouvelles années qui s’apparenteront à du sursis avant d’être plongé à nouveau dans le même schéma par la classe politique.

Dans cette optique, la lutte pour l’inscription et la régularisation de tous les étudiants réfugiés venus d’Ukraine mais plus largement de tous les étudiants étrangers entamée à l’université Paris 8 depuis trois semaines est un premier pas dans la construction d’une réponse au gouvernement, à l’extrême-droite et aux idées racistes et réactionnaires. Très concrètement, dans la jeunesse, la régularisation de tous les sans-papiers, le retrait de la hausse des frais d’inscription et l’ouverture des universités aux enfants des classes populaires et à tous les étudiants étrangers sont tout autant de revendications qui vont dans le sens de construire une troisième voie qui refuse le projet antisocial, raciste et réactionnaire des classes dominantes.

Enfin, la colère d’une partie de la jeunesse fait écho avec celle des classes populaires et de toute une partie du monde du travail qui se sont mobilisées ces dernières années. Des Gilets jaunes aux grévistes de la RATP et de la SNCF en 2019, les classes populaires et les travailleurs ont montré à différentes reprises leur refus de payer la crise. Alors que le prochain quinquennat, quelle que soit son issue, s’annonce plus antisocial, raciste et répressif que jamais, une convergence entre la jeunesse et les travailleurs pourrait permettre d’envisager une autre voie.

 
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