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La Izquierda Diario
27 de décembre de 2021 Twitter Faceboock

Nucléaire
Fuite radioactive à la centrale de Tricastin : « on fait du nucléaire low-cost, ça impacte la sûreté »
Jyhane Kedaz

Le 21 décembre, EDF révélait une fuite de tritium, une matière radioactive dans les eaux souterraines de sa centrale de Tricastin dans la Drôme. Si la fuite a été circonscrite, ce nouvel incident montre les limites de la capacité des entreprises exploitantes à assurer la sécurité des installations nucléaires en raison de leur logique de profit.

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Dans un communiqué publié le 21 décembre, EDF révèle qu’une fuite de tritium, matière radioactive, a été détectée fin novembre dans les eaux souterraines de sa centrale de Tricastin dans la Drôme. Rejeté lors de la production d’électricité par les réacteurs nucléaires, le tritium est recueilli avec d’autres matières radioactives dans des réservoirs d’entreposage d’effluents liquides.

A l’origine de l’incident, l’une des cuves servant à récolter les effluents aurait débordé le 25 novembre dernier, selon les explications d’EDF, provoquant la fuite de 900 litres de liquides radioactifs, dont du tritium, atteignant plusieurs jours plus tard « les eaux souterraines de la nappe géotechnique interne » de la centrale. Un contrôle effectué le 12 décembre aurait ainsi révélé la présence de 28 900 becquerels par litre, une unité de mesure de la radioactivité, dans les eaux souterraines internes à la centrale, alors même que l’organisation mondiale de la santé estime le seuil critique à 10 000 bq/litre lorsque le tritium se retrouve dans l’eau potable.

Si cette quantité serait redescendue « autour de 11 000 Bq/l » ces derniers jours selon EDF, cette concentration reste cependant extrêmement élevée. Comme le fait remarquer Médiapart, la Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité (Criirad) estime que la quantité normale de tritium dans des eaux souterraines non contaminées devrait être de 1 eà 2 Bq/L seulement.

Doutes quant à l’étanchéité de la fuite

EDF affirme que la fuite a rapidement été circonscrite, et que les eaux souterraines dans lesquelles le tritium s’est écoulé « sont séparées de la nappe phréatique » extérieure à la centrale grâce à l’enceinte géotechnique du site, à savoir un mur en béton de plus d’une dizaine de mètres de profondeur qui sépare la nappe souterraine interne du site des nappes phréatiques extérieures.
Un diagnostic validé par l’Agence de Sureté Nucléaire (ASN) dans un rapport du 23 décembre considérant qu’ « aucune contamination de la nappe phréatique à l’extérieur du site n’a été mis en évidence ». Il n’y aurait donc, selon EDF aucune conséquence pour la consommation d’eau potable ni « les besoins agricoles ou d’élevage ».

Malgré tout, le doute plane quant à la possibilité que les liquides contaminés de la centrale, l’une des plus vieilles de France, se retrouve dans l’environnement. Interrogé par Médiapart, Bruno Chareyon, directeur du laboratoire de la Criirad estime que les atomes d’hydrogène sur lesquels est présent le tritium est « particulièrement mobile » et qu’il est « susceptible de diffuser à travers des murs de 60 cm de béton ». L’ingénieur spécialisé en physique nucléaire affirme que « l’enceinte géotechnique ne peut donc être considérée comme étanche au tritium ».

Une multiplication d’incident ces dernières années

Cet incident n’est pas le premier. En novembre 2019, une fuite de tuyauterie au niveau d’un réservoir d’effluent avait provoqué une fuite de tritium : une information qu’EDF n’a communiqué qu’onze mois plus tard au public ! Une autre fuite est également survenue en 2013 s’écoulant vers la nappe phréatique sous la centrale.

En 2018, un cadre avait également dénoncé dans une enquête révélée par Mediapart qu’EDF avait tenté de maquiller une inondation en « écoulement » auprès de l’Agence de Sûreté Nucléaire, amoindrissant l’incident. Celui-ci explique avoir été par la suite mis au placard par la direction, et a déposé plainte en octobre pour des infractions à la réglementation relative aux installations nucléaires, au Code de l’environnement et au droit du travail, ainsi que pour mise en danger de la vie d’autrui et harcèlement.

Comme le pointe Mediapart dans son article du 26 décembre, l’autorité de sûreté n’a pas mis en évidence d’anomalie en 2018 dans les eaux souterraines du site, alors que le site d’informations « avait découvert qu’en août 2018, à la suite d’une fuite qui avait duré 24 heures dans la centrale du Tricastin, des effluents étaient sortis de la zone contrôlée vers l’extérieur. ». On peut ainsi s’interroger sur la complaisance de ces autorités de contrôle envers le nucléaire, un des secteurs stratégiques du capitalisme français, représentant 80% de la production d’électricité.

Une dégradation des conditions de travail et de sûreté

Interrogé par Révolution Permanente sur la cause de ces incidents à répétition, Gilles Raynaud, président de l’association « Ma Zone Contrôlée », syndicaliste Sud Energies et lui-même travailleur du nucléaire pointe le cercle vicieux lié à la sous-traitance : « 90% des activités du nucléaire sont confiées à la sous-traitance, un environnement pervers dans lequel les salariés sont mis en concurrence, soumis au dumping social. Les conventions collectives ne correspondent pas aux activités réalisées. On fait en réalité du nucléaire low-cost, ce qui a évidemment une répercussion sur la sûreté des installations mais également sur celles des agents. On travaille avec des matériaux cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques et les maladies professionnelles ne sont pas systématiquement reconnues. En réalité, les industriels devraient payer de leur poche les risques qu’ils font courir à la population et aux salariés et on devrait au moins avoir dans la sous-traitance le droit aux mêmes conventions collectives que chez les donneurs d’ordre ».

Alors qu’EDF a récemment obtenu le droit d’allonger la durée de vie du site de Tricastin de 40 à 50 ans, l’exploitant se veut discret quant à cette polémique. « La centrale de Tricastin concentre plusieurs inquiétudes » explique Gilles Raynaud, « elle se trouve sur une zone sismique, il existe une inquiétude concernant la durée de vie du matériel notamment la fragilité de la cuve du réacteur. Rajoutez à cela des travailleurs précaires et vous augmentez la crainte de nouveaux incidents. »

Face aux dangers occasionnés par la logique de profit des entreprises qui exploitent les installations nucléaires, cette nouvelle fuite rappelle l’urgence d’un contrôle ouvrier et de la population sur des industries aussi stratégiques que le nucléaire.

 
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