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La Izquierda Diario
17 de décembre de 2021 Twitter Faceboock

Mouvement ouvrier
Grève à la SNCF : pour l’augmentation générale des salaires, il faut construire un mouvement d’ensemble !
Mahdi Adi

Sous pression du préavis CGT – SudRail, la SNCF a lâché une prime avant même le début de la grève. Les grands médias, eux, ont tout fait pour monter les usagers contre les cheminots. Le patronat et le gouvernement auraient-ils peur d’un mouvement d’ensemble pour les salaires contre la vie chère ?

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Crédits photo : O Phil des Contrastes / Manifestation cotnre la réforme des retraites le 17/12/2020

« La grève de trop » titre Les Echos, les usagers « pris en otage la veille des vacances » s’offusque Renaud Muselier (LR) sur BFM-TV, une « forme d’escalavage par rapport à des syndicats même pas représentatif » surenchérit Goldnadel sur CNEWS... Depuis lundi, les grands médias s’en donnent à cœur joie contre les cheminots qui s’apprêtaient à entrer en grève pour les salaires ce week-end, à l’appel de la CGT et de SudRail.

Et pour cause, ce préavis de grève arrive dans un contexte où les luttes revendicatives pour les augmentations de salaires face à la vie chère s’accumulent. A l’instar des grèves chez Décathlon, Auchan ou encore Leroy Merlin, l’effet boule de neige fait craindre au grand patronat et au gouvernement de nouvelles explosions sociales, alors que depuis plusieurs semaines l’inflation et l’augmentation des prix ravive l’esprit de la révolte des Gilets jaunes. Dans ce cadre, tout est bon pour ostraciser les cheminots, et opposer les travailleurs entre eux. Une stratégie qui tient bon tant que les organisations syndicales jouent le jeu de la négociation secteur par secteur.

« Cheminot-bashing », stratégie du pourrissement et attaques contre le droit de grève

A ceux qui, comme la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports, déplorent que « la grève prévue comme souvent lors des départs en vacances ne tient aucun compte des besoins des voyageurs, alors même que le Covid les a privés de leurs relations familiales et amicales habituelles », on rappellera toutefois que défendre l’accès des usagers au service public va de pair avec la défense des conditions de travail des salariés. « Si ça ne tenait qu’à nous [les cheminots], le train serait gratuit et accessible pour tous. D’ailleurs quand on parle de transition écologique, c’est aussi ça qui nous tient à cœur » répondait ainsi Anasse Kazib, cheminot et candidat à la présidentielle, sur FranceInfo.

Ensuite aux éditorialistes du Figaro qui répètent en boucle la même chanson sur le salaire moyen des cheminots qui s’élèverait à 3.295 euros par mois, on rétorquera que ce chiffre reflète surtout les écarts de salaires entre ouvriers et cadres dirigeants de l’entreprise, quand on sait que « sur 145.000 cheminots, il y a 50.000 smicards ». Enfin ceux qui vont jusqu’à vouloir interdire le droit de grève, comme l’avocat de Génération Identitaire et chroniqueur sur CNEWS Gilles-William Goldnadel, nous rappellent que l’extrême-droite est le pire ennemi des travailleurs.

Pour Xavier Bergail, élu SudRail, la direction de la SNCF est responsable du « cheminot-bashing ». « C’est parce que la boîte a choisi le pourrissement », explique ce conducteur de train à Paris Nord, pour « monter les usagers contre les cheminots ». Après huit ans sans augmentation de salaire, il affirme que les syndicats ont déposé une alarme sociale restée sans réponse de la part de la direction pendant plusieurs semaines jusqu’à mardi soir. « C’est seulement quand elle a vu que le mouvement allait être massif et qu’il faisait les gros titres parce que les gens n’allaient pas pouvoir partir en vacances, qu’elle a commencé à lâcher des petits trucs », continue le syndicaliste. Avant de lâcher : « le cheminot-bashing, ça fait un moment que nos patrons le cultivent ! Par exemple Alain Krakovitch, le directeur de la SNCF Voyages, gagne plus de 40.000€ par mois et nous traite de fous furieux et d’irresponsables quand on défend nos salaires ».
Il n’est donc pas étonnant que ces mêmes médias au service de la classe dominante, qui se font le relais du "cheminot-bashing" à longueur des journées pour monter les usagers contre les cheminots, oublient de parler des véritables conséquences de la mise en place de la réforme ferroviaire du gouvernement Macron, à savoir la fermeture de petites lignes, moins de personnels dans les gares et dans les trains. Pourtant, ce sont des problématiques qui pénalisent énormément les usagers, plus qu’une grève pour revendiquer des meilleures conditions de travail et de salaire pour les cheminots et contre la casse du service public ferroviaire.

Sous pression, la SNCF lâche une prime : « une démonstration que la force des travailleurs c’est la grève ! »

Sous pression des taux de grévistes prévus ce week-end, la SNCF à lâché du lest avant même le début de la grève en accordant une prime de 600€ pour les conducteurs de train et 300€ pour les contrôleurs sur l’axe TGV Sud-Est. Plus de 80% de grévistes étaient attendus ce week-end sur ce secteur qui dessert la Côte d’Azur, très impacté à la veille des départs en vacances. En échange de cette prime, la CGT et SudRail ont retiré d’un commun accord leur préavis de grève en revendiquant « la victoire sur une partie des revendications » tout en demandant « la tenue, dans les plus brefs délais, d’une réouverture de négociations salariales ». De son côté, l’UNSA s’était retirée du mouvement depuis mercredi, tandis que la CFDT n’y avait pas du tout participé.

« La SNCF paie cher pour gagner son bras de fer avec la CGT et éviter la grève » titre ainsi Le Figaro. Cependant la mesure ne répond toujours pas aux revendications des cheminots en termes de salaire fixe, cette prime n’étant même pas distribuée à l’ensemble des cheminots. Mais en l’accordant aux seules conducteurs et contrôleurs de l’axe Sud-Est, « la direction de la SNCF nous fait la meilleure démonstration que la force des travailleurs c’est la grève » commente Anasse Kazib, puisque « sans la grève elle n’aurait même pas concédé un verre d’eau ».

Sur les autres secteurs qui restent mobilisés – RER et Transilien en Île-de-France, ainsi que l’axe TGV Nord et l’axe TGV Atlantique – les taux de grévistes déclarés pour ce week-end restent importants. Sur les lignes B et D du RER, 90% de grévistes sont attendus, tandis qu’ils seront en moyenne entre 70 et 80% sur les autres lignes, « essentiellement chez les conducteurs de trains ». Une limite que Xavier Bergail confie vouloir dépasser pouf « élargir à tous les cheminots, mais ça c’est un long travail qui demande du temps pour pouvoir convaincre les collègues ». Mais en acceptant la négociation secteur par secteur que suggère la division de l’entreprise en plusieurs établissements et entités différentes, la stratégie des directions syndicales ne permet pas d’unifier les cheminots, et au-delà de la SNCF l’ensemble des travailleurs qui font face à la vie chère.

Face à la vie chère, il nous faut un plan de bataille pour imposer l’augmentation générale des salaires !

Malgré tout, depuis la rentrée les luttes pour les salaires et les conditions de travail se multiplient au sein même de la SNCF. A l’image de la lutte des agents en gare de Paris Nord qui a commencé au mois d’octobre, au sujet de laquelle Anthony Auguste délégué SudRail et agent d’accueil sur la ligne H rapportait : « avant ça il n’y avait pas de combativité, mais on a décidé de s’unir, syndiqués et non syndiqués, et la direction est la première étonnée ».

Au Technicentre Atlantique de Châtillon dans le Sud de Paris, où les cheminots sont entrés en grève fin novembre et ont obtenu 600€ de prime Covid, Clément Allochon, délégué SudRail pointe du doigt la division et l’éparpillement des luttes locales. Ce cheminot de 25 ans met en cause la stratégie des directions syndicales : « Elles n’arrivent même pas à se mettre d’accord pour une date, alors qu’il faudrait aller bien au-delà, construire la riposte, pour l’augmentation des salaires et contre les attaques de la direction et du gouvernement. La question des salaires est présente dans tous ces conflits locaux, mais ça ne marchera pas si on se résume à une multitude de conflits locaux. C’est pas compliqué de revendiquer ça en intersyndicale ! »

Les énormes taux de grévistes sur les différents axes et chez les conducteurs d’Île de France, montrent bien que la colère est là et qu’une partie importante de cheminots sont prêts à se battre pour le respect, la dignité et une véritable augmentation des salaires face à la vie chère. De nombreux cheminots et cheminotes commencent également à comprendre qu’il ne suffira pas de se battre en ordre dispersé, chacun dans son secteur, alors qu’il s’agit d’une problématique qui touche l’ensemble des salariés de la SNCF, et plus généralement l’ensemble du monde du travail, pénalisé aujourd’hui par l’inflation, après une période COVID où la plupart de travailleurs et travailleuses de ce pays ont continué de travailler pour faire tourner la société.

Face à la vie chère, les organisations syndicales doivent en effet prendre leurs responsabilités et mettre sur pied un plan de bataille afin de coordonner les différents secteurs en lutte, élargir le mouvement et construire le rapport de force à même d’obtenir la hausse générale des salaires. Comme le résume Anasse Kazib, « à la SNCF et ailleurs, la question des salaires doit être posée dans le pays ».

 
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