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17 de décembre de 2021 Twitter Faceboock

Gauche de gouvernement
Primaire à « gauche » : derrière les tractations, un énième projet de replâtrage de la gauche néo-libérale
Paul Morao

Mercredi dernier, Anne Hidalgo tentait le tout pour le tout en proposant une primaire à gauche. Profitant de la dynamique ouverte par la primaire de la droite, l’initiative a mis la pression sur Yannick Jadot tandis que la « Primaire populaire » s’est saisie de l’opportunité pour faire valoir son projet d’« union de la gauche ». Plus récemment, c’est Christiane Taubira qui pourrait chercher à s’inscrire dans cette dynamique qui dessine une tentative de replâtrage de la gauche institutionnelle social-libérale.

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AFP

Primaire à gauche : la tentative de la dernière chance pour le PS

Mercredi dernier, Anne Hidalgo lançait au JT de TF1 un appel à une primaire de la gauche : « cette gauche fracturée, qui aujourd’hui désespère nos concitoyens, doit se retrouver et se rassembler pour gouverner. » Candidate d’un parti en décomposition, à la tête d’une campagne inexistante, la maire de Paris jouait ainsi le tout pour le tout, cherchant à se placer au-dessus de la mêlée en dépit de sa position dramatique dans les sondages. L’appel révélait évidemment une volonté d’Anne Hidalgo – qui aurait pris la décision d’elle-même – de conjurer l’impuissance de sa candidature, dont la dynamique s’inscrit dans la décomposition de ce qu’il reste du PS de François Hollande.

Si elle a pu compter sur le ralliement à l’idée de Arnaud Montebourg, à la recherche d’une voie de sortie face à l’échec de sa candidature, l’opération est d’abord et avant tout dirigée en direction d’EELV. L’organisation, à la peine dans les sondages bien que dans une moindre mesure, partage en effet 99% de l’orientation « centre-gauche » du PS, adaptée aux institutions en place et à une certaine orthodoxie néo-libérale. Surtout, tous deux ont intérêt à éviter un leadership de la France Insoumise sur la gauche en 2022.

Avec la Primaire Populaire, à laquelle s’est raccrochée Anne Hidalgo, celle-ci peut s’appuyer sur un projet pré-existant, qui se prétend au-dessus des batailles d’appareil, pour légitimer sa démarche et la leur. Fondé notamment par Samuel Grzybowski, « entrepreneur social », fondateur de Coexister, la Primaire Populaire se structure autour de jeunes cadres issus des grandes écoles et passés par les mouvements citoyens, les ONG et l’économie sociale et solidaire. Clément Pairot, responsable du pôle mobilisation, est par exemple diplômé de l’ESSEC, et ancien consultant pour un cabinet d’accompagnement des entreprises à la transition écologique. Bref, des urbains ultra-diplômés et « progressistes », dont le profil évoque les « déçus » du macronisme.

EELV sous pression

Si l’idée d’une primaire répond plus à un « instinct de survie » qu’à un profond désir d’unité, force est de constater que celui-ci a rencontré un écho, rencontrant une certaine aspiration à « l’unité » au sein d’une partie de ce que l’on peut appeler le « peuple de gauche ». Ce mardi, un sondage IPSOS affirmait que 73% des « sympathisants de gauche » étaient favorables à une primaire de la gauche. Alors que la gauche est donnée perdante dans une élection qui se jouera à droite, la perspective de limiter les dégâts en serrant les rangs semble tentante pour une partie des électeurs. De quoi générer une pression sur les appareils des partis de la gauche sociale-libérale qu’il s’agisse du PS, d’EELV.

Et pour cause, au sein d’EELV, l’idée d’une « union de la gauche », surtout avec le PS est plutôt partagée à la base. Rien d’étonnant tant la direction d’EELV a cherché depuis plus d’un an déjà à construire un tel rassemblement avec de multiples rencontres à la clé. Cette « union », celle de la gauche bourgeoise, répond aux enjeux des rapports de force électoraux et à des intérêts d’appareils qui, loin de chercher à répondre aux aspirations légitimes à l’unité de la base, cherchent une voie pour se positionner en pole position pour les futures recompositions à gauche après la présidentielle.

Une unité pourquoi faire ? Une tentative désespérée de replâtrer une gauche néo-libérale

Face à la montée de l’extrême-droite, et à la primaire de la droite, qui a ressuscitée Pécresse et l’espoir d’une recomposition de LR, la gauche institutionnelle se retrouve en effet totalement désunie, et écartelée. Dès lors, certains cherchent l’opportunité de se recomposer dans le champ de ruine qui caractérise la « gauche » aujourd’hui.

En ce sens, l’appel à une primaire a ouvert une perspective inattendue jusqu’ici (bien que récurrente) : le retour du spectre de Christiane Taubira. Cherchant à se positionner, dans la vague de la « primaire populaire », sa probable candidature sonne d’ores et déjà comme une épine dans le pied de Hidalgo qui se voyait en principale opposante à Jadot. Une candidature qui irrite aussi Sandrine Rousseau qui, après avoir critiqué Jadot pour s’être « recroquevillé », réserve un accueil très froid à l’hypothétique candidature. De fait, l’union est avant tout une question d’appareils que la figure de Taubira pourrait déranger, en suscitant l’intérêt d’une partie des sympathisants de gauche.

Si celle-ci pourrait chercher à profiter de l’aspiration à un politicien providentiel capable d’unir la gauche pour se placer et mettre en difficultés le duo PS – EELV, reste que sa candidature ne changerait pas en profondeur les coordonnées du projet d’union de la gauche promis ici. Les appels à l’unité ne sauraient en effet faire oublier que celle-ci se fera autour d’un programme néo-libéral « de gauche », comme le PS a su l’incarner historiquement, fait d’attaques contre les travailleurs, de lois sécuritaires et d’un soupçon de mesures symboliques.

Que ce soit Hidalgo, digne héritière du PS de Francois Hollande, qui a cassé le code du travail avec la loi El Khomri en 2016, ou Jadot, tenant du capitalisme vert, chacun défend clairement un capitalisme, teinté de « social », mais profondément néo-libéral. Et si Christiane Taubira peut être perçue comme plus « radicale », du fait notamment de son rattachement à des lois perçues comme progressistes (Loi Taubira, Mariage pour Tous) ou de sa rupture avec le hollandisme sur la « déchéance de nationalité », elle s’inscrit dans la droite lignée du PS, comme en témoigne son parcours marqué par l’opportunisme et l’allégeance aux institutions du régime.

Bref, si les mouvements à gauche préparent des recompositions ou l’unification d’un bloc pour la présidentielle, celui-ci s’inscrira dans la tradition directe de la gauche de gouvernement qui, depuis 1981, a multiplié les trahisons et mené les pires attaques contre le monde du travail. Alors que le projet de Jean-Luc Mélenchon, qui se drape de plus de radicalité, reste profondément marqué par le mitterrandisme et l’allégeance aux institutions, c’est d’une « gauche » révolutionnaire, loin de toute perspective de replâtrage des partis de gouvernement, que nous avons besoin. Un projet capable d’opposer à la voie institutionnelle une stratégie ancrée dans la lutte de classe et dotée d’un programme capable d’offrir une réelle issue aux aspirations des classes populaires et du monde du travail plus en général.

 
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