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La Izquierda Diario
10 de décembre de 2021 Twitter Faceboock

Anasse Kazib 2022
Youcef Brakni : "Ici on construit un bloc de résistances pour l’avenir, un bloc révolutionnaire"

Youcef Brakni, une des principales figure du comité Adama et militant antiraciste et des quartiers populaires, intervenait au meeting d’Anasse Kazib à Paris 8. L’occasion de revenir sur l’histoire des liens entre le comité Vérité et Justice pour Adama et Révolution Permanente et sur la trahison de la gauche institutionnelle vis à vis des minorités et des opprimés.

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Je voudrais commencer par dire que c’est mon premier meeting pour une élection présidentielle. Je ne m’étais jamais engagé pour un candidat dans le cadre des présidentielles. J’avais déjà participé à des meetings en tant que spectateur, notamment quand j’étais jeune à un meeting de Besancenot, mais je n’avais jamais fait ce pas de participer à une campagne électorale et encore moins pour aller à la tribune. Anasse c’est un ami, c’est un frère mais je ne suis pas là pour ça. Si je suis ici ce soir et si je me suis engagé, c’est pour des raisons politiques.

Une des raisons à l’origine de mon engagement dans cette campagne, ce sont les les cinq années du mandat de Macron. Pendant ces cinq années avec Révolution Permanente et le Comité Adama, nous avons mené toutes les luttes ensemble. Dès le début, Révolution Permanente était dans le combat vérité et justice pour Adama, et ça ce n’est pas rien.

Laura, Marion, Daniela, tout le monde était là. Le premier meeting d’Assa Traoré, c’était à Tolbiac et il était organisé par Révolution Permanente. Cela a du sens politiquement parce que quand un jeune homme noir meurt entre les mains de la gendarmerie à l’époque, avant que le sujet des violences policières ne devienne ce qu’il est aujourd’hui, il n’y avait pas beaucoup d’organisations de gauche qui venaient à Beaumont-sur-Oise pour nous soutenir parce qu’il y avait toujours cette suspicion : mais qu’est-ce qu’il a fait ? Pourquoi ? Avait-t-il quelque chose à se reprocher ?

Depuis, il y a eu un travail militant, il y a des gens qui se sont réunis pour penser les choses, penser une stratégie, analyser ce qu’il se passe et faire le bilan du passé. On a appris de nos aînés, notamment du Mouvement de l’Immigration et des Banlieues (MIB) qui était là aussi dès le premier jour à Beaumont Sur Oise. Le MIB, c’est un mouvement des années 90 qui a fait un travail extraordinaire pour qu’aujourd’hui on puisse parler de violences policières.

Et donc, comme je le disais avec Révolution Permanente on a fait tous les mouvements emblématiques de l’ère Macron, tous les mouvements de résistance. Parce que pendant ce mandat il y a eu des résistances extraordinaires notamment grâce à une nouvelle génération de militants qui ont une grande capacité à faire des alliances inédites. Par exemple, on a pas hésité à aller au front, à participer à des mouvements, qui n’avaient pas forcément la côté au départ. Je parle notamment du mouvement des Gilets Jaunes, où dès le départ, malheureusement, on a pu voir dans ce qu’on appelle la « gauche » un mépris de ce mouvement.

A contrario le comité Adama a analysé les discours qui passaient à la télé, selon lesquels le le pauvre petit blanc dans sa campagne n’en pouvait plus des noirs et des arabes. Il y a notamment un mouvement, que je ne citerais pas pour ne par leur faire de la pub, qui a théorisé l’insécurité culturelle, traduite par l’idée que blancs se sentiraient mal parce qu’il y aurait trop de noirs et d’arabes en France. Sauf que pendant le mouvement des Gilets Jaunes, un mouvement principalement blanc, c’est vrai, les gens ne sont pas sortis pour mettre dehors les noirs et les arabes, il ne sont pas sortis pour faire des ratonnades comme il y a pu en avoir en France. Ils sont sortis parce qu’ils n’en pouvaient plus et qu’ils n’arrivaient pas à finir leurs fins de mois, et c’est ça la réalité. Je parle de ça aujourd’hui parce que nous nous avons fait ce pas, avec RP, avec les cheminots notamment à St Lazare et nous avons forcé la gauche, les médias à venir se déplacer et regarder ce mouvement et les alliances en train de se nouer.

A ce moment-là, on avait pas encore compris la force répressive et comment le bloc bourgeois était en train de mettre une stratégie en place pour contrer ces alliances. Souvenez-vous quelle a été la première discussion organisée par Emmanuel Macron pendant son grand débat : c’était sur l’immigration. Mais le problème des français ce sont les conditions matérielles d’existence concrètes. Ils ont mis en place une stratégie, et c’est très clairement dit dans de nombreux articles et analyses aujourd’hui. Dès le lendemain ils ont commencé à matraquer et casser la lutte commune de tous les exploités et les opprimés en France avec une répression extraordinaire avec des ordres clairs de matraquer, de mutiler, et en parallèle du développement d’un discours dans les médias, sur C-News etc. Et ça je pense que ça on ne l’a pas assez bien saisi.

Cette stratégie n’est pas nouvelle. C’est dans cette continuité que Zemmour a pu faire quelque chose d’hallucinant. Il a réussi en Seine-Saint-Denis dans le 93 à Villepinte à déplacer une masse considérable de personnes, avec une seule station de RER. Il a réussi à remplir Villepinte. Tout le monde a continué son meeting, Mélenchon par exemple, qui était fier de montrer son casting, venant des verts, du mouvement social, du mouvement syndical, mais sans se rendre compte qu’il y avait un meeting de malade, dans un fief soi-disant de gauche.

Pour comprendre Eric Zemmour, il faut se pencher sur le traitement médiatique et politique des musulmans en France. Anasse il le sait, parce qu’il en fait les frais. Moi aussi j’en fais les frais tout le temps. Causeur, ils viennent de sortir un article intitulé « Le drapeau vert (couleur de l’islam) flotte sur la Bagnolet ». Et ça, c’est Causeur, c’est Elisabeth Levy qui passe à la télé tout le temps. C’est incroyable !

La figure du musulman permet de mobiliser des fantasmes extraordinaires. Et pour mieux comprendre cette instrumentalisation, on ne peut pas faire l’économie de la question raciale. La question du musulman pour la comprendre on est obligés de remonter à l’époque coloniale. Si on ne comprend pas ça, on ne peut pas comprendre ce que fait Darmanin aujourd’hui contre le culte musulman, sa politique est une réplique exacte de ce qu’il se passait en Algérie. Il applique exactement les mêmes méthodes. Le musulman, est construit comme l’incarnation du mal absolu. Comme disait Edward Saïd « c’est l’occident qui a inventé l’orient pour pouvoir être l’occident ». S’il n’y a pas cette figure là, la figure de l’impérialisme, l’homme blanc occidental n’existe pas. Si on ne prend pas en compte cela ; il est impossible de comprendre le succès d’Eric Zemmour.

Depuis des années, des gens de la gauche disent « qu’on ne peut plus rien dire », que tout doit être politiquement correct. Et ça a porté ses fruits, il suffit de regarder le meeting de Zemmour à Villepinte. Nous avec le comité Adama, nous avons été critiqué sur des actions soi-disant bling bling. Mais nous étions obligés, pour mener la guerre culturelle, une guerre qui est en train d’être gagnée par la droite, les conservateurs, les réactionnaires. En France, au Royaume-Uni, en Hongrie, aux Etats-Unis. Ils ont gagné sur les renoncements de la gauche. Quand je lis que la gauche a abandonné les questions ouvrières pour ne parler plus que des minorités, c’est une blague. La gauche institutionnelle n’a jamais pris la défense des minorités. C’est un mythe. C’est ici qu’on parle de la question des minorités.

Et cette révolution conservatrice elle arrive à maturité aujourd’hui. De Macron à Zemmour, en passant par Pécresse et Marine Le Pen, c’est pas parce qu’il y a eu 3 mois de C-news. C’est tout ce qui a été dit pendant des années autour du politiquement correct. Tous ces mythes sont largement majoritaires. Je suis pessimiste, je pense qu’il est presque trop tard aujourd’hui.

Autre exemple de ce qu’est la gauche institutionnelle. Il y a eu un procès historique : le procès de Bagui Traoré. C’est aussi pour cela que je suis là ce soir, parce qu’il n’y a que RP qui a fait le déplacement à son procès qui a duré 3 semaines aux assises. Bagui c’est un jeune homme à qui on a volé les plus belles années de sa vie, de ses 25 à ses 30 ans, pour rien. Son seul tort, c’est d’avoir vu en dernier son frère, Adama Traoré allongé dans la cour de la gendarmerie. C’est son seul tort, il n’a rien fait d’autre, il était complètement innocent. Le président de la Cour d’Assises Marc Trévidic qui est connu pour sa rigueur a dit que ce n’était pas une enquête et que cela n’avait rien à faire dans une cour d’assise. Pourtant, Bagui Traoré a passé 5 ans en détention provisoire, où il n’avait pas de visites, où il ne voyait pas son fils grandir. Moi je m’attendais à ce que la salle soit remplie. Tout le monde aime regarder ça à la télé. Mais ça se passe en France, sous nos yeux. Et aucun journaliste, n’a contacté Bagui Traoré quand il est sorti de prison. Personne ne lui a demandé de raconter son histoire. Les seuls qui sont venus faire un direct, c’est Révolution Permanente, avec Anasse Kazib et toute la team.

Je veux finir sur une note d’espoir parce qu’’il y a de l’espoir et c’est pour ça que je suis là aujourd’hui. Moi je suis là pour faire rentrer les luttes dans cette élection présidentielle, pour faire rentrer les résistances et surtout parce qu’avec ces meetings et ces tournées, nous allons construire un bloc de résistances pour l’avenir, un bloc révolutionnaire.

La vidéo de l’intervention disponible ici

 
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