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24 de novembre de 2021 Twitter Faceboock

#Metoo Téléréalité
Violences sexuelles dans la téléréalité. Alix Desmoineaux lève le voile sur l’omerta des productions
Gabriella Manouchki

Suite au courageux témoignage de l’ex-candidate de téléréalité Alix Desmoineaux, le voile se lève sur le rôle profondément patriarcal joué par les boites de production télé qui maintiennent l’omerta quant aux violences sexistes et sexuelles encouragées dans le cadre de leurs émissions

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Violences sexistes et sexuelles dans le milieu de la téléréalité

À la veille de la mobilisation du 25 novembre contre les violences faites aux femmes et aux minorités de genre , l’ex-candidate de téléréalité et influenceuse Alix Desmoineaux lâche une bombe au micro de Melty, puis sur le plateau de TPMP : elle dit avoir été témoin d’une vidéo d’agression sexuelle sur mineure, perpétré par un candidat de téléréalité très populaire, et dénonce l’inaction des boites de production pourtant prévenues de la situation, qui continuent de le mettre en avant et de l’employer dans des émissions à grande audience. La gorge serrée, elle décrit les faits de viol sur mineure dont elle a été prise pour témoin, dans le cadre d’un cas de revenge porn entre deux candidats : « Un jour lors d’une conférence de presse, un candidat est venu me voir. Il était vraiment en embrouille avec cet autre candidat. Il m’a montré une vidéo d’agression sexuelle : sur la vidéo, il y a une jeune fille de 16 ans, le candidat en question qui essaye lui mettre son truc dans la bouche. Elle pleure, il la tient par les cheveux, elle se débat, il la jette sur le lit et lui dit « t’es pas marrante, je vais voir ta copine. ».

Sans dénoncer publiquement le nom du violeur, affirmant ne pas être en possession de la vidéo et risquant pouvoir être accusée de diffamation, elle affirme avoir ouvert une enquête judiciaire et rappelle que ce cas est loin d’être isolé, et qu’il est au contraire emblématique d’un climat profondément patriarcal et violent entretenu par les boites de production de téléréalité. « J’ai alerté les productions en dénonçant cette personne parce que c’est grave. J’ai eu la surprise de voir que ça n’a rien changé, bien au contraire. J’ai arrêté à cause de ce genre de choses. », raconte-t-elle. En témoignant, elle espère inciter les victimes et les autres témoins à relever la tête en dénonçant publiquement ces violences systémiques, qui montrent le vrai visage du monde de la téléréalité. « On a tous été lâches, parce qu’on aurait tous pu ouvrir notre gueule avant. Le fait est que moi j’ai décidé de plus la fermer. Les gens qui ont tendance à parler on a tendance à essayer de les faire taire, de les étouffer, ou d’essayer de les tourner au ridicule, parce que c’est une industrie d’argent. », explique-t-elle sur son compte Instagram au lendemain de son intervention sur TPMP.

Suite à ces révélations, tous les soupçons se sont naturellement tournés vers Ilan Castronovo, star des émissions de téléréalité qui s’impose dans toutes les plus grosses productions. Connu pour son machisme décomplexé, il a déjà été attaqué en justice par une autre candidate pour des faits présumés d’agression sexuelle.

La surenchère patriarcale dans le traitement médiatique de l’affaire

Ce dernier s’est empressé de se défendre sur ses réseaux sociaux, sans manquer de chercher à décrédibiliser la parole d’Alix et de ses soutiens en l’accusant de « chercher le buzz » pour booster la vente de son nouveau livre – dont le thème n’a aucun rapport avec cette affaire puisqu’il s’agit d’un guide de développement personnel. Un certain nombre de ses fans, ainsi que des personnalités connues du milieu comme l’influenceur Aqababe spécialisé dans le suivi de la téléréalité, défendent également cette interprétation réactionnaire des faits qui vise à décrédibiliser la parole des victimes afin de remettre en cause leur parole.

Dans la même logique, Cyril Hanouna a offert une tribune de choix à Ilian en l’invitant sur le plateau de TPMP au lendemain du passage d’Alix, lui donnant l’occasion de se défendre publiquement en amont des procédures judiciaires initiées par Alix. Dans un discours contradictoire, il a martelé l’idée qu’il n’existerait pas de vidéo dans laquelle on le verrait commettre des faits de viol sur mineure, laissant entendre que de telles vidéos ont pu être filmées mais que les « jeunes femmes » qui y figureraient seraient majeures et consentantes. Le candidat télé Sebydaddy, pointé par les internautes comme celui qui aurait montré cette vidéo à Alix pour « se venger » de son concurrent, est par la suite intervenu dans ce sens pour défendre Ilan.

On voit donc encore une fois à l’œuvre les mécanismes classiques de tout un système médiatique profondément patriarcal qui cherche à préserver ses intérêts économiques, en protégeant l’un des siens, en l’occurrence Ilan dont la participation polémique aux émissions de téléréalité génère d’importants profits pour les boites de production. Cela passe par une opération réactionnaire de décrédibilisation de la parole d’une lanceuse d’alerte et de ses soutiens, visant à faire taire les accusations et à décourager les potentielles victimes qui pourraient s’exprimer publiquement au risque d’exposer leur réputation et donc de compromettre leur carrière professionnelle dans le milieu de la télé.

Le nouveau #metoo dans le milieu de la téléréalité ?

Si cette affaire n’est pas encore terminée, elle a d’ores-et-déjà commencé à mettre en lumière les logiques profondément patriarcales du monde de la télé, et en particulier des émissions de téléréalité dont le principe même repose sur un concentré de violences banalisées et diffusées à large échelle dans la société, auprès d’un public majoritairement jeune.

En effet, dans la brèche ouverte par le témoignage d’Alix, une ancienne prétendante de Ilan dans les princes de l’amour, Lea, a annoncé avoir porté plainte contre lui pour des faits de tentative de viol et d’agression sexuelle. C’est aussi plusieurs cas de violences infligées aux candidat.e.s dans le cadre d’émissions télé refont surface. En 2019, dans un livre intitulé Treize semaines, l’ancienne participante au très célèbre programme Secret Story racontait par exemple le harcèlement moral dont elle a été victime durant le tournage, dans le plus grand silence de la production. Plus récemment, les téléspectateurs ont dénoncé le harcèlement moral manifestement infligé par les candidates Rania et Rawell à la candidate Angie, laissant entrevoir la violence des relations entre les différent.e.s candidat.e.s hors antenne et le rôle joué par la production dans l’alimentation de ce climat qui fait le buzz de ces émissions.

En effet, la logique même des téléréalités, par définition à mi-chemin entre la vie réelle et la fiction, repose sur l’amplification du pire de ce que peuvent être les relations humaines sous le capitalisme : la concurrence entres les candidat.e.s pour un gain financier, moteur du recrutement des participant.e.s, et donc des logiques d’oppression exacerbées entre ces derniers, le plus souvent autour des dynamiques de genre qui structurent l’intrigue de l’émission. À l’instar des Marseillais sur W9, la téléréalité donne le plus souvent à voir des hommes qui rabaissent constamment les femmes et s’organisent pour les manipuler sur le plan affectif et sexuel, pendant qu’il est attendu d’elles qu’elles se fassent la guerre pour obtenir leur attention. Plusieurs anciennes candidates ont raconté comment les « embrouilles » sont montées en épingle par la production en coulisse pour booster l’audience. Également invitée par TPMP dans le cadre de la polémique autour d’Ilian, l’ex-candidate des Princes de l’Amour Kellyn raconte par exemple : « On m’a demandé d’accélérer le pas avec mes prétendant. La production a plusieurs reprises m’a dit « rapproche toi d’Ilan ». J’ai appris que j’avais été éliminée parce que je ne voulais pas faire d’histoire avec les garçons » Elle n’est âgée que d’une vingtaine d’année au moment des faits.

Verrouillée par les contrats qui comprennent des clauses de silence pour les participant.e.s, la dénonciation publique des violences dans le monde de la téléréalité constitue la seule arme des victimes pour briser l’omerta et conscientiser le public sur le rôle néfaste joué par les boites de production qui n’ont que faire des conditions de travail des participant.e.s qu’elles emploient. « On vient taper sur les candidates télé qui vont dénoncer les choses une fois leur carrière télévision finie, mais pourquoi ? Quand t’es sous contrat et que t’es sous exclusivité et que c’est ton gagne-pain, tu craches pas dans la soupe. », rappelle Alix Desmoineaux.
De la même manière, l’ancienne prétendante d’Ilan dans les princes de l’amour explique le climat mysogine général dans ce genre d’émission, qui permet que des faits d’une telle violence soient perpétrés à la vue de tous, et soient alimentés par une production qui cautionne. Elle explique "Illan s’est rapproché de moi de dos, il n’arrêtait pas de se frotter à moi, et moi je me servais de la salade et je lui disais « mais tu peux arrêter ». Il me disait « oui viens me sucer, viens me sucer… » Il l’a répété au moins 20 fois et je n’arrêtais pas de lui dire non. Julien Guirado était là et en rigolait. Il disait « non mais c’est bon, va le sucer dans la chambre vite fait et comme ça il te garde. ». Après ça, alors que la direction devait exclure Ilan du tournage, elle est finalement revenue sur sa décision en expliquant à la victime que "s’il s’excuse c’est bon". A l’issue du tournage, David Warren l’aurait appelé pour lui dire "c’est toi qui a un problème avec Ilan ? Qu’est ce que tu veux, des placements de produit ? Des émissions ?" Sous-entendant que ce serait une manière pour elle de buzzer et d’obtenir de nouveaux contrats. Sa casteuse quant à elle lui expliquait que ce n’était pas la première ni la dernière à vivre ça, preuve que ce cas étaient bien connus de la production. "C’est le jeu, c’est normal de se faire agresser, ça arrive à tout le monde" voilà les propos, relatés par le magasine Starmag, auxquels cette femme a du se confronter alors qu’elle venait de dénoncer des faits d’une extrême violence et gravité.

Comme l’a dénoncé l’autrice et militante féministe Valérie Rey-Robert « Ces émissions sont légions à embaucher des hommes qui ont des comportements violents hors et pendant le tournage, encourageant le jeune public à penser qu’un homme se comporte comme ça ». C’est qu’en effet, ce type d’émission a pour but, en plus de générer des profits faramineux pour les sociétés de production, de véhiculer l’idéologie dominante. À savoir, inculquer aux nouvelles générations notamment des normes de genre particulièrement oppressives et violentes, ainsi que vanter les mérites d’un système capitaliste qui permettrait à n’importe qui de s’épanouir tout en profitant d’une vie luxueuse.

Dans le sillon tracé par les récents témoignages de ces anciennes participantes de téléréalité, on ne peut qu’espérer que les victimes et les témoins de ces violences prennent confiance dans leur force et relèvent la tête face aux boites de production qui font des profits faramineux en s’appuyant sur des schémas de relations oppressives, en les banalisant et en les diffusant dans la société. Plus largement, dans la continuité du mouvement #metoo qui s’étend à des secteurs du monde du travail de plus en plus divers et à différentes sphères sociales, du #metooinceste au #metoopolitique en passant par #balancetonbar, il s’agit aujourd’hui d’organiser sur nos lieux de travail et d’études la colère qui s’exprime pour commencer à s’affronter offensivement aux racines du système capitaliste patriarcal.

 
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