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La Izquierda Diario
1er de novembre de 2021 Twitter Faceboock

Privatisation de l’université
À Paris 8, une thèse financée par Bolloré, bienfaiteur de Zemmour et patron de la Françafrique
Le Poing Levé Paris 8

A l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, une convention de recherche avec le groupe Bolloré a été renouvelée par le Conseil d’Administration le 22 octobre. Un type de financement de plus en plus fréquent et qui met en péril l’indépendance des chercheurs au profit des intérêts privés de grands patrons comme Bolloré qui, pendant qu’il exploite le continent africain, contribue à la montée des idées réactionnaires en France à travers la médiatisation de Zemmour.

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Au conseil d’administration de Paris 8 ce vendredi, les élu.e.s étudiant.e.s, militant.es du Poing Levé et de Révolution Permanente ont appris l’existence d’une convention de recherche initiée par un partenariat entre l’institut français de géopolitique domicilié à Paris 8 et la société Bolloré transport & logistic corporate. Ce genre de partenariat s’inscrit dans le cadre des « conventions industrielles de la formation par la recherche » (CIFRE), des partenariats entre l’État, une entreprise et une université pour financer une thèse. Les CIFRE visent à « subventionner toute entreprise de droit français qui embauche un doctorant pour le placer au cœur d’une collaboration de recherche avec un laboratoire public ». L’État verse ainsi 14 000 euros par an à une entreprise qui décide de financer une thèse… En ce qui concerne la CIFRE renouvelée le vendredi 21 octobre au CA de Paris 8, il s’agit donc du financement privé d’une thèse par un grand groupe impérialiste français qui va être en retour subventionné par l’Etat pour ce financement.

Pourquoi le financement d’une thèse par Bolloré dans une université publique pose-t-il problème ?

Dans le cas présent, la thèse est financée par une filiale appartenant au groupe Bolloré, un représentant phare de l’impérialisme français en Afrique. La société Bolloré Transports y possède notamment plusieurs concessions de lignes de chemins de fer. La multinationale gère l’acheminement de tout ce qui transite dans certains pays comme au Cameroun. Comme nous l’écrivions dans un précédent article : « Vincent Bolloré, entrepreneur breton, a conquis en quelques années un quasi-monopole sur les transports et la logistique dans de nombreux pays du continent africain, tout particulièrement dans l’Ouest, du Sahel jusque sur les côtes angolaises. A partir du milieu des années 1990, il a profité des vagues de privatisation et de la déstabilisation des États par des conflits militaires pour tisser sa toile qui le rend désormais quasi-incontournable de l’acheminement des ressources, des produits finis, des machines vers les lieux d’exportation... ».

La thèse en question a pour objet le travail de recherche suivant : « Ce travail de recherches professionnalisant s’inscrit dans les missions quotidiennes de la direction sûreté du groupe Bolloré, à savoir : assurer la sécurité des effectifs humains et matériels de l’entreprise, ses infrastructures, ainsi qu’anticiper les crises et mutations géopolitiques pouvant avoir des impacts sur ses activités économiques » comme indiqué sur le site de l’institut français de géopolitique domicilié à Paris 8. On ne pourra faire plus clair. Le travail de recherche financé vise explicitement à aider à garantir les intérêts matériels et économiques de la grande multinationale. Et ce notamment dans un contexte où le groupe Bolloré Transport est empêtré dans de nombreux scandales de corruption sur le continent africain, notamment au Togo où Vincent Bolloré lui-même avait plaidé coupable, et où les phénomènes de colère sociale se multiplient, visant parfois directement l’impérialisme français, comme ce fût le cas au Sénégal où les mobilisations avaient visé de grands groupes français comme Total ou Auchan. Nul doute qu’un grand groupe comme Bolloré transport s’inquiète de ces remises en cause de l’impérialisme français en Afrique et cherche des solutions pour garantir ses intérêts sur le continent.

Dans un tel contexte, on comprend donc vite à quoi servira ce projet de recherche et ce que signifie « assurer la sécurité des effectifs matériels de l’entreprises […] ainsi qu’anticiper les crises et mutations géopolitiques pouvant avoir des impacts sur ses activités économiques ».

Derrière la Françafrique et Bolloré : l’offensive idéologique réactionnaire

En étant un fervent représentant de la France-Afrique, Vincent Bolloré est également un acteur de premier plan de l’actuelle offensive idéologique réactionnaire et de la droitisation du champ médiatique et politique en France. A la tête d’un empire médiatique mondial, il est notamment le patron de CNews, la chaîne de télévision à la ligne éditoriale ouvertement d’extrême-droite qui martèle les thématiques sécuritaires, racistes et islamophobes à longueur de journée. C’est d’ailleurs Bolloré qui a fait d’un certain Éric Zemmour l’un des chroniqueurs star de CNews avant qu’il ne se lance en campagne pour la présidentielle. Produit médiatique de l’agenda politique du milliardaire, l’actuel candidat d’extrême-droite continue d’être régulièrement invité sur CNews, et bénéficie de véritables tribunes sur les autres chaînes appartenant au milliardaire. Sur la chaîne C8 par exemple, dans l’émission à forte audience qu’est Touche Pas à Mon Post, Zemmour cumule plus de 40 % du temps d’antenne de l’émission parmi les candidats à l’élection présidentielle. Bolloré offre donc consciemment depuis plusieurs années un important espace médiatique à Zemmour pour y étaler son discours profondément xénophobe, raciste, misogyne et réactionnaire.

Cette politique médiatique consciente de Bolloré n’est pas anodine ni ne représente un « délire » du milliardaire. Elle est bien le corollaire idéologique des intérêts économiques de Bolloré en Afrique puisque pour ce dernier, il est vital de légitimer son activité économique.

Difficile dans ces conditions de ne pas voir à quel point l’intrusion de groupes privés comme celui de Bolloré dans le monde de la recherche est une menace pour son indépendance et pour le contenu qu’elle produit. Nul doute encore que les financements attribués par des groupes comme celui de Bolloré favoriseront les projets de recherche qui vont dans le sens de leurs intérêts économiques et stratégiques, comme c’est le cas du financement de la thèse récemment renouvelée à Paris 8.

Casse de l’université et financements privés : le gouvernement, un complice direct des Bolloré & co

Le financement de cette thèse par un groupe privé est profondément inacceptable. Ce faisant, la présidence de l’Université Paris 8 cautionne le financement d’un projet de recherche en son sein par un groupe qui exploite des populations entières en Afrique et qui, en finançant cette thèse, cherche juste à satisfaire ses intérêts.

Cette ingérence d’une entreprise privée au sein de l’université est en réalité le symptôme d’un manque de moyens criant de l’enseignement supérieur et de la recherche. En effet, vidée de ses financement publics, l’université publique est de plus en plus contrainte de se tourner vers le privé pour financer ses activités de recherche. Ce manque de moyens s’accompagne dans le même temps d’une précarisation grandissante des enseignant.e.s chercheurs avec la multiplication de contrats pourris comme les vacations, mais également la précarisation des étudiant.e.s.

La loi LPR, mise en place par le gouvernement et la ministre Frédérique Vidal, vient accélérer cette situation, menaçant toujours plus l’indépendance des chercheurs et en mettant les universités en concurrence. Cette loi va en effet multiplier le dispositif des Cifres. Frédérique Vidal se félicitait d’ailleurs->https://www.aefinfo.fr/depeche/648301-nous-allons-passer-de-1-400-theses-cifre-par-an-en-2017-a-2-150-en-2027-grace-a-la-lpr-frederique-vidal-a-lanrt] en mars dernier de « passer de 1400 thèses Cifre par an en 2017 à 2150 en 2027 ».

Cette politique consciente du gouvernement va de pair avec une offensive contre la recherche « critique » et les universitaires qui osent visibiliser, par leurs recherches, les ressorts des systèmes d’oppression et du système d’exploitation, avec notamment la croisade des Vidal et Blanquer contre « l’islamo-gauchisme qui gangrène l’université ». En bref, pendant que le gouvernement s’attaque à toutes celles et ceux qui osent mettre en lumière le racisme ou le patriarcat comme des oppressions systémiques, il ouvre grand la porte de l’université au développement des idées pro-capitalistes, racistes, islamophobes, xénophobes et patriarcales tout en favorisant une recherche au service des patrons.

Pour lutter contre l’influence croissante des grands groupes impérialistes dans nos universités, qui font monter les idées de l’extrême-droite et mènent une politique impérialiste et néocoloniale sur le continent africain, il est urgent de se battre pour une université antiraciste où les idées réactionnaires n’ont pas leur place. Et d’exiger le retrait de la loi LPR, l’investissement de moyens massifs pour l’université et affirmer que les patrons n’ont pas leur place dans les instances de l’enseignement supérieur et la recherche, qui doit être au service de la majorité et dont le fonctionnement doit reposer sur les étudiant.e.s, les enseignant.e.s chercheurs et le personnel qui font tourner l’université chaque jour.

 
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