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29 de octobre de 2021 Twitter Faceboock

interview
« On ne vit plus, on survit » : Véronique, en grève depuis 48 jours à Bergams
Alexis Taïeb

En grève depuis 48 jours contre un APC (accord de performance collective) imposé par leur direction en mai dernier, les salariés de Bergams ne baissent pas en détermination. Véronique, opératrice en poste depuis de longues années, nous a accordé une interview.

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Crédits photo : AFP

Nous avons interviewé Veronique, salariée et gréviste à Bergams, entreprise agroalimentaire. En grève depuis 48 jours, ils se battent contre un APC (Accord de Performance Collective) que leur a imposé la direction en mai dernier, soi-disant pour répondre aux pertes provoquées par la baisse de commande durant la crise du COVID-19. Pourtant, les cadences ont augmenté et il semblerait que l’APC soit en réalité définitif. Alors même que les grévistes ne demandaient que le simple retours à leurs conditions de travail original, dorénavant, la direction menace tout simplement de liquider judiciairement l’entreprise, autrement dit, la fermeture et le licenciement de tous les salariés de l’entreprise.

Révolution permanente : Peux-tu te présenter ?

Véronique : Je travaille en tant qu’opératrice dans l’équipe du soir, je suis chargée d’« envoyer » le pain. Je suis en grève depuis 48 jours pour protester contre un APC que la direction nous a imposé, soi-disant pour sauver l’emploi.

RP : Comment la direction a justifié l’APC ?

Vérinique : A cause de la crise du COVID, la direction nous a dit qu’on avait perdu la plupart de nos gros clients : Orly, Starbucks, Monoprix, etc. autrement dit, que l’entreprise recevait très peu de commandes. Donc nous, en tant que salariés, on s’est dit que c’était vrai et que, si on n’acceptait pas cet accord, on allait perdre notre emploi. D’autant plus qu’aux alentours, on voyait les autres sociétés qui coulaient une-part-une dû au manque d’activité. Concernant l’APC, ils l’ont fait voter par référendum, directement aux grévistes, il est passé avec 56 % de voix. Beaucoup des salariés avaient peur, et la direction le savait et n’y est pas pour rien. C’est-à-dire qu’elle appelait, directement chez eux certains salariés pour leur mettre la pression afin qu’ils votent à tout prix l’APC, leur faisant comprendre qu’autrement, ils perdraient leur job et l’entreprise fermerait. La direction leur demandait même de faire pression sur leurs collègues pour qu’ils fassent de même. Clairement, c’était du lavage de cerveaux. Dans le même genre, pendant les pauses repas, des membres de la direction venaient discuter avec les salariés pour les convaincre de signer l’accord, il leur répétait que, s’il ne signait pas l’APC, l’entreprise allait devoir fermer, et qu’après ça serait le chômage, et ça, tous les jours !

Pour revenir un peu en arrière, au début, quand ils nous ont présenté l’APC, il était convenu qu’il durerait 2 ans, seulement, 15 jours après la signature, le nombre de commandes est remontée à son niveau normal. Donc, suite à cela, on a demandé à la direction de revoir certains points de l’APC, et, il y a 1 mois environ, ils nous annonçaient que c’était à vie. Plus récemment encore, durant l’une des réunions qu’ont eu les délégués avec la direction, elle leur a annoncé que nous étions un essai ! Pour expliquer, notre groupe appartient au géant Norac, en clair, on est des cobayes. Cet accord, ils vont sûrement le faire passer sur Daunat, La Boulangère, etc.

RP : Quelles sont les conséquences de cet accord sur vos conditions de travail ?

Véronique : en tant qu’opératrice, je suis passé de 1770 à 1570 euros, j’ai perdu plus de 300 euros. On a également perdu nos primes de nuit, nous, on travaillait de 15 h à 22 h 45, donc on avait 95 euros de primes de nuit, elles aussi, ils nous les ont enlevé. En fin de compte, on a perdu tous nos acquis.

RP : Tes conditions de travail, se sont-elles beaucoup dégradées depuis ton arrivée dans l’entreprise ?

Véronique : Oui, moi, je suis arrivée en 2001 dans le groupe, à l’époque, je travaillais de nuit et je gagnais de 1800 à près de 2000 euros nets. Arrivé en 2017, la direction a dit que l’équipe de nuit n’était plus rentable, alors ils ont modifié nos horaires pour qu’on travaille de 15 h à 22 h 45. Donc il nous restait plus que 90 euros de primes de nuit, soit une perte de 400 euros par rapport à avant. Le dimanche également, on avait une prime de 25 euros, donc 100 par mois, à cela s’ajoutait les jours fériés qui étaient payés à 150 %, plus une journée à récupérer. Depuis l’APC, on n’a plus rien. Il nous reste que notre salaire brut et le 13e mois qui sera recalculé sur notre nouveau salaire. En fin de compte, en tant qu’opératrice, je perds 350 euros par mois. Pour certaines collègues, les pertes montent même jusqu’à 1000 euros. On peut mentionner aussi l’augmentation des cadences.

RP : On a cru comprendre qu’aujourd’hui la direction vous menace de liquidation judiciaire ?

Véronique : Oui, en fait, pour expliquer, on a été manifester à Rennes devant les bureaux du groupe Norac, là-bas, les syndicats ont rencontré Bruno Caron, principal actionnaire et détenteur du groupe, ce dernier leur a dit qu’il ne comptait rien nous lâcher et que Bergams se dirigeait vers la liquidation judiciaire. Donc, concrètement, il nous menace de complètement fermer la boîte. Le 29 octobre, il y a un CSE exceptionnel avec les délégués pour annoncer le dépôt de bilan. Le 4 novembre, le dossier devrait être déposé devant le juge.

RP : Comment se déroule la grève ?

Véronique : Quasiment toute la production est en grève, je dirais à 90 %, le piquet est tenu jour et nuit. Au début, on ne pensait pas faire grève aussi longtemps, à la base, nous voulions juste conserver nos acquis, on ne demandait même pas d’augmentation de salaire. Aujourd’hui, on a la rage contre la direction. On ne comprend pas tout ce mépris, ils préfèrent fermer que de lâcher des miettes. On en vient à se demander si tout ça n’était pas déjà prévu, notamment parce qu’à la fin de l’année, on arrivera à la fin des 5 années de zone franche, peut-être qu’ils ont prévu de rouvrir après sous un autre nom.

RP : Quelque chose à ajouter ?

Véronique : On demande juste que cet APC soit supprimé, on veut juste pouvoir travailler dignement, avec ces 350 euros de moins, je ne vis plus, je survis. Tous les mois, je suis un peu plus à découvert, surtout qu’on habite en banlieue parisienne, ici, les loyers sont chers, combiné à la hausse du prix de l’essence, de la nourriture, des produits du quotidien, etc, on s’en sort plus. Il n’y a que nos salaires qui diminuent en fin de compte. Nous, on demande que ce retrait, s’ils acceptaient, tout le monde retourneraient travailler.

 
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