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La Izquierda Diario
1er de octobre de 2021 Twitter Faceboock

Témoignage
« Encore une fois, ils massacrent le service public ». Pascal, gréviste à Transdev

« Comment voulez-vous qu’on fasse du bon travail ? […] Après, c’est la maladie, automatiquement, le dos, les genoux, puis la dépression... ». Nous avons interviewé Pascal, conducteur de bus chez Transdev et en grève depuis le 6 septembre. Il nous raconte les conséquences de l’ouverture à la concurrence pour les usagers et pour les travailleurs.

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RP : Bonjour, est ce que tu peux te présenter ?

Je m’appelle Pascal, ça fait 30 ans que je suis conducteur de bus, j’ai commencé en 1991 après avoir fait 10 ans de chaudronnerie. Je me suis retrouvé dans ce métier parce qu’il fallait que je sois dehors ; l’usine, j’en pouvais plus. J’étais quelqu’un de très timide en fin de compte, et ce métier a complètement changé ma vie. J’adorais ce métier, mais maintenant, ça se complique de plus en plus. On voit très bien qu’il y a eu de sacrées dégradations depuis une dizaine d’années. Un jeune m’aurait demandé il y a 10 ans si je lui recommandais ce métier, je lui aurais dit oui ! Mais là, maintenant, je lui dirai qu’il faut partir. Ça ne peut pas durer comme ça.

Personnellement, dans un an et demi je serai à la retraite, mais je veux me battre pour l’avenir, pour la jeunesse.

RP : Tu es un enfant de la région ?

Je suis né sur Argenteuil oui, j’ai toujours travaillé dans le coin. À l’époque, j’avais été muté au dépôt de Montesson Chatou, j’y ai travaillé 14 ans. Là-bas d’ailleurs, la convention était différente, on avait des coupures d’au moins 45 minutes, pourtant on y faisait aussi de l’urbain. Et ici, on a plus aucune coupure. On se retrouve avec des conditions de travail impossible, c’est bien pour ça qu’on est en grève, on ne peut pas faire autrement. Les jeunes ne pourront pas travailler toute leur vie comme ça, ce n’est pas pensable.

RP : Cela fait combien de temps que tu travailles à Transdev ?

Ça fait 30 ans que j’y travaille. Avant, ça s’appelait Veolia, Connex, la CGEA, j’ai changé je ne sais pas combien de fois en fin de compte, jusqu’à Transdev. Sur ma fiche de paye, c’est marqué 30 ans et 4 mois d’ancienneté. Et j’ai vu du début jusqu’à la fin les conditions de travail se dégrader. Je me rappelle, dans les années 2000, c’était la qualité de service qui comptait. Ils avaient (la direction) tout un discours la dessus, à l’époque, j’avais même été détaché en qualité de service. J’étais à mi-temps d’une part pour conduire les bus, et de l’autre, je m’occupais des conditions des usagers et aussi de celles des conducteurs. Avec le bureau d’étude, on essayait de travailler les temps de parcours pour les optimiser afin d’alléger les journées de travail des collègues, on allait même en mairie voir les services techniques de la ville. C’était motivant, il y avait un plaisir. A l’époque, le conducteur savait pourquoi à telle heure il devait partir, pourquoi il avait ici 3 minutes de pause, 5 là-bas. Tout était expliqué, tout le monde travaillait dans une harmonie.

Aujourd’hui tout s’est cassé la gueule. Quand on aime son travail, on le fait bien. Aujourd’hui, c’est impossible pour nous… Et c’est déplorable pour les usagers également.

RP : Tu en penses quoi des appels d’offres et de l’ouverture à la concurrence ?

Encore une fois, ils massacrent le service public. Je comprends pas ce qu’ils veulent, mais, dans tout les cas, ce n’est pas comme ça qu’on fait de la qualité de service. Les usagers vont en ressentir les conséquences. C’est dommage, nous on est là parce qu’on aime ce métier, et on aime aussi les gens. Mais là, ils sont entrain de tout casser, c’est comme si on transportait du bétail. Et pour nous aussi, c’est pareil, avec les nouveaux accords, on n’a même plus de pause pour aller aux toilettes. On est obligé de se retenir toute la journée. A la fin, on n’en peut plus, et donc on est super énervé au moindre bémol.

RP : Tu peux nous en dire plus sur les conséquences qu’auront ces accords sur vos conditions de travail ?

Oui, tout d’abord, la fatigue qui s’accumule. On a des collègues qui pètent les plombs. Moi, personnellement, j’essaye de faire 2 heures de sport tous les jours pour pouvoir justement encaisser le coup. Maintenant, on est assis toute la journée, on n’a même pas le temps de descendre souffler 2 minutes. Certains services se retrouvent à conduire non-stop, ça peut aller jusqu’à 145 km en ville en une seule journée de travail. Alors qu’avant les services ne devaient pas dépasser les 100 km, ça, c’est nouveau depuis le mois d’août. Comment voulez-vous qu’on fasse du bon travail ?

Après, c’est la maladie, automatiquement, le dos, les genoux, puis la dépression...

RP : C’est ta première grève ?

Alors non, moi, j’en ai fait des grèves ! Après oui, ça fait 15 ans qu’on n’avait pas été en grève. Moi quand je suis arrivé, tout le monde était en grève, il y a 15 ans (rire). Chez les collègues ici par contre, il y a beaucoup de jeunes qui ne connaissaient pas, on est un peu là pour montrer l’exemple (rire). Mais les jeunes, ils sont très déterminés. En fin de compte, c’est qu’une question de santé, tous ces gars, ils aiment leur métier. On ne peut pas leur faire ça.

Beaucoup viennent à peine de commencer ce métier. Il faut leur faire comprendre qu’on ne peut pas laisser passer des choses aussi grosses, sinon après, c’est foutu. Eux ne pourront jamais faire des carrières de 30 ans comme moi.

RP : On a l’impression qu’il règne une très forte solidarité entre les grévistes. Tu peux nous en dire plus ?

Oui, c’est vrai, mais il faut voir qu’avant on ne se connaissait pas trop à cause de tout leur système de badge pour automatiser le service. On se voit très peu d’habitude. La grève, c’est l’occasion de se rencontrer vraiment, d’apprendre à se connaître. Autrement, on ne peut pas, on commence jamais à la même heure, on voit toujours les mêmes têtes, qu’on ne connaît même pas vraiment au final.

RP : Vous serez de la partie le 5 octobre ?

Oui, bien sûr, on va poser notre jour de grève ! On ira sous le Conseil Général d’île de France à Saint-Ouen, au 2 rue Simone Veil ! Il faut qu’on créé une jonction avec les autres dépôts, autrement, on va se faire manger un par un. Il faut qu’on soit tous solidaires. Tous les dépôts qui ont leur appel d’offre un peu plus tard vont tous se faire manger de la même manière. C’est maintenant qu’il faut se battre !

RP : Un mot pour la fin ?

Oui, encore une fois, il faut se battre ! En 1936, si nos grands-pères avaient dit « on y peut rien », aujourd’hui on aurait rien du tout. C’est pour ça qu’on se bat aussi, pour la jeunesse. C’était un beau métier quand même, il ne faut pas qu’on laisse passer ! Pour la sécurité, pour les usagers, pour tout le monde !

 
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