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15 de septembre de 2021 Twitter Faceboock

Primaires EELV
50 nuances de capitalisme vert : qui sont les candidats à la primaire écolo ?
Seb Nanzhel

Les cinq candidats à la primaire des écolos ont pris part la semaine dernière à plusieurs débats pour la sélection du candidat qui les représentera aux élections présidentielles de 2022. Ils ont détaillé leurs visions et leurs programmes mettant en avant des divergences d’orientations fortes qui restent sans surprise dans le cadre d’un capitalisme vert.

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Crédits photo : AFP

Depuis deux semaines, la primaire écolo bat son plein. Renforcés par l’été catastrophique, la sortie du nouveau rapport du GIEC, mais également leurs percées aux élections municipales et européennes, le résultat de celle-ci est suivi alors qu’elle devrait faire émerger un candidat supplémentaire au centre-gauche.

Pour ce qui est des points communs, l’ensemble des candidats à la primaire se présentent comme des écologistes « responsables », prêts à gouverner. Ils martèlent ainsi tous la possibilité d’accéder à la présidence dans un contexte de forte politisation autour de l’écologie et de division à gauche comme à droite.

Les débats de la semaine dernière ont cependant permis de faire émerger les divergences d’orientations des 5 candidats de la primaire, des plus néo-libéraux (Jadot et Governatori) à ceux qui tentent de dessiner une critique timide du capitalisme (Rousseau et Piolle) en passant par les plus réactionnaires (Batho et Governatori). Ainsi, quels sont les projets que les pré-candidats proposent pour verdir le capitalisme en 2022 ? [1]

Jadot et Governatori : la croissance verte au service du patronat

Député européen, fervent défenseur du « capitalisme européen » auprès du MEDEF et partisan de la croissance verte, Yannick Jadot affirme être « aux côtés de celles et de ceux qui dans les fermes, dans les centres de recherche, dans les entreprises, dans les services publics, dans les associations, sont en train d’inventer, d’innover ». Doté d’une confiance inébranlable dans les entreprises et dans le développement de technologies moins polluantes, le candidat affirme sa compatibilité avec le néolibéralisme en martelant « [qu’] il va falloir faire des efforts », comme un gage et une promesse au patronat que la transition écologique ne se fera pas à leurs frais mais à ceux des travailleurs.

« Ecologiste centriste » et coprésident de Cap Ecologie, Jean-Marc Governatori considère la gauche comme un « boulet » que porterait l’écologie. Le candidat le plus folklorique de la primaire affirme que sa politique d’accompagnement des entreprises, elle aussi totalement compatible avec le patronat, pourrait permettre l’accès au plein emploi grâce au développement de « l’économie circulaire », la rénovation énergétique, l’activité paysanne et les énergies renouvelables. Un argument totalement démagogique qui nie la nature structurelle du chômage dans la production capitaliste.

Les deux pré-candidats, présents à la manif des policiers du 19 mai aux côtés de l’extrême droite et des syndicats de flics, insistent pour un renforcement de la police. Governatori critique l’insuffisance de la politique sécuritaire de Macron et appuie sur la nécessité de « la certitude de la peine » et de sa rapidité. Jadot, quant à lui, désigne la « qualité des services de police, de gendarmerie » comme un « grand sujet de la campagne 2022 ».

Ces deux candidats représentent ainsi l’aile néolibérale et la plus pro patronale de la primaire. Ils affirment avec tout le sérieux du monde que face à la catastrophe climatique, il faudrait s’allier à ceux qui nous ont conduit à la situation catastrophique actuelle par leur seule soif de profits pour leur permettre d’en réaliser encore plus grâce à une hypothétique transition écologique.

Delphine Batho : décroissance et fémonationalisme

L’ancienne ministre de l’écologie sous Hollande et présidente de Génération Ecologie Delphine Batho a trouvé la position qui lui permet de se différencier de ses concurrents : la décroissance. « L’obsession de la croissance économique est ce qui est opposé depuis des décennies à toute décision pour le climat, pour le vivant, pour la santé ». Sa solution : Remplacer le PIB comme « boussole » des dépenses publiques par une multitudes de critères comme « la pleine santé, la lutte contre la pauvreté, le niveau d’éducation, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la régénération de la biodiversité … ».

Une vision qui rejoint l’écologie des petits gestes lorsque la pré-candidate fait l’éloge du « choix des circuits cours, […] de l’alimentation bio, […] de la vélorution ». La manière dont elle compte faire passer la pilule de la « décroissance » au patronat est totalement absente de son discours, de même que la contradiction entre « décroissance » et capitalisme. L’arnaque commence à se faire sentir à plein nez lorsqu’elle appelle entre autres les « chefs d’entreprises » à venir conduire la campagne avec elle si elle est investie.

Totalement adaptée au climat réactionnaire actuel, la « candidate 100% laïque », comme se définit, est particulièrement à l’aise pour débiter un argumentaire pseudo féministe à des fins racistes. Son discours fémonationaliste s’articule sans surprise autour du voile et du « totalitarisme islamiste ». Étrangement, Delphine Batho est moins prompte à réagir quand Sandrine Rousseau exprime l’injure pour toutes les victimes de violences sexistes et sexuelles que représente la nomination de Darmanin, accusé de viol, au ministère de l’intérieur. Se présentant sous le vernis de la décroissance, Delphine Batho semble finalement tout aussi adaptée au patronat que ses concurrents Jadot ou Governatori.

Eric Piolle : tentative d’union

Eric Piolle, maire de Grenoble élu notamment grâce au soutien de la France Insoumise, axe sa stratégie sur la construction d’un axe large d’écologistes et de la gauche. Son programme prévoit la création de 1 million et demi d’emplois tout en baissant les émissions de gaz à effet de serre grâce à une reconversion dans les transports, l’alimentation et la production. Le pré-candidat tente de se consolider sur la gauche en annonçant vouloir s’attaquer aux « profits accumulés dans quelques mains » pour financer cette reconversion grâce notamment à un « ISF climatique ». Il maquille ainsi derrière un écran social le fait que sa transition écologique est totalement aux mains des entreprises, aidées par l’Etat.

Celui qui a administré les politiques d’austérité de l’Etat dans sa mairie de Grenoble tout en augmentant les effectifs de police (Jadot expliquait fièrement en 2020 « [qu’] Il y a la même proportion de policiers municipaux à Grenoble, la ville d’Eric Piolle, qu’à Tourcoing, celle de Gérald Darmanin. » et envoyé la police réprimer des femmes se baignant en burkini dans la piscine municipale montre également une très forte adaptation aux logiques libérales quand il s’adresse directement aux électeurs déçus par Macron et revendique son expérience dans le privé.

Sandrine Rousseau : écoféminisme policier et « encadrement » du capitalisme

Secrétaire nationale adjointe d’EELV, économiste et vice-présidente de l’Université de Lille, Sandrine Rousseau se démarque dans cette primaire par son discours sur les oppressions. Se réclamant de l’écoféminisme et capitalisant sur les luttes récentes contre le racisme et les violences sexistes et sexuelles, Sandrine Rousseau tient les positions les plus progressistes (ou les moins réactionnaires, c’est selon) de cette primaire, n’hésitant pas à s’attaquer à Darmanin ou au contrôle au faciès et refusant de s’enfermer dans des débats stériles sur la laïcité. Ses belles envolées se heurtent toutefois au mur de son programme qui prévoit contre les violences policières la mise en place d’un « maillage très fin » de police et donc … l’augmentation du nombre de policiers. Une mesure en désaccord total avec le discours écoféministe et de combat contre les oppressions qu’elle essaie de porter, quand on constate le rôle de la police dans le maintien des oppressions et dominations de genre ainsi que son caractère raciste et xénophobe

Plus généralement, la stratégie écologique de Sandrine Rousseau consiste en un « encadrement » du capitalisme, par l’augmentation du prix du CO2 et des réformes fiscales. Cette stratégie a le mérite de pointer la source de la crise climatique mais est totalement dérisoire face aux enjeux. De plus, cet « encadrement » suppose une totale indépendance de l’Etat vis-à-vis des capitalistes, hypothèse pour le moins discutable quand on constate les cadeaux faits par l’Etat au secteur privé, notamment lors de la crise sanitaire. Pas sûr que Total, capable d’entraîner l’Etat français dans la militarisation du Mozambique pour protéger ses 20 milliards d’euros d’investissements dans la région, se laissera « encadrer » par ce dernier.

Quand elle ose présenter son « revenu d’existence » de 850 euros par mois comme une mesure sociale, on comprend pourquoi le syndicat Solidaires Etudiant.e.s lui reprochait son « mépris » dans sa gestion de la crise sanitaire en tant que vice-présidente de l’Université de Lille. Alors que la crise climatique nécessite des solutions radicales incluant d’arracher aux capitalistes les moyens de production pour mettre en place une production planifiée en fonction des besoins et des rythmes naturels, Sandrine Rousseau ne propose qu’une politique superficielle et idéaliste d’encadrement du capital, que ses mesures limitées ne permettraient même pas de réaliser.

50 nuances de capitalisme vert

Ces primaires écolos montrent ainsi des divergences entre candidats, entre des projets très adaptés au patronat (Yannick Jadot et Jean-Marc Governatori), des projets jouant la subversion mais en dernière instance n’affichant aucun moyen ni aucune volonté de peser sur les entreprises (Eric Piolle et Delphine Batho) et enfin une volonté timide et illusoire d’encadrer le capitalisme (Sandrine Rousseau).

En plus de ces divergences, ce sont les contradictions internes des programmes et des discours de chaque pré-candidat qui sautent aux yeux. Comment réduire les pollutions à l’échelle mondiale en confiant les rênes aux entreprises qui considèrent la nature comme une source virtuellement inépuisable de ressources et comme une immense déchetterie ? Comment affirmer la gravité de la situation puis proposer une solution aussi insignifiante que celle de l’augmentation du prix du carbone ? Plus que jamais, il est indispensable d’affirmer la nature nécessairement anticapitaliste et révolutionnaire de toute politique écologique conséquente, ainsi que son caractère internationaliste et anti-impérialiste.

Notes

[1] Sauf mention du contraire, toutes les citations sont extraites du débat de la primaire du dimanche 5 septembre

 
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