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6 de juillet de 2021 Twitter Faceboock

féminisme impérialiste
« Génération égalité » : le sommet du féminisme néolibéral à l’international
Camille Lupo

Entre impérialisme et féminisme sécuritaire, le Forum Génération Égalité a réuni gouvernements et entreprises à l’international pour un coup de com’ adressé à la jeunesse.

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Crédit image : ONU femmes

Cette semaine s’est tenu le Forum Génération Égalité accueilli par la France, et dont le point phare a été une cérémonie d’ouverture au Carrousel du Louvre. Présenté comme « la COP des femmes », ce rassemblement organisé par l’ONU a rassemblé des membres du gouvernement de plus d’une cinquantaine de pays, des représentants du secteur privé comme la fondation Bill et Melinda Gates, mais aussi des entrepreneurs, etc, avec la volonté selon l’ONU de « responsabiliser tous les acteurs en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ».

Ces acteurs, ce sont par exemple « des entreprises [qui] mettent beaucoup d’argent sur la table au niveau mondial aussi, comme Kering ou l’Oréal que je remercie », a expliqué Marlène Schiappa dans une interview au JDD. Ce sont également les institutions de la police et de la justice, comme l’explique aussi Schiappa : « La police et la gendarmerie sont notre instrument le plus important contre les violences dont les femmes sont victimes ». En témoigne la grande annonce de Schiappa et de Phumzile Mlambo-Ngcuka, directrice exécutive d’ONU femmes : un réseau mondial des forces de l’ordre à l’initiative du Ministère de l’Intérieur français. Un organe qui se veut être le cadre d’échanges internationaux sur la formation de la police sur les violences conjugales, mais aussi de féminisation de la police « afin d’avoir une police mixte qui ressemble à la population ».

Après les mouvements #MeToo qui ont mis en question une partie de la bourgeoisie, le rôle de ce sommet est avant tout de redorer le blason des grandes entreprises et des gouvernements qui y participent. Un message dirigé en priorité vers la jeunesse, comme en témoigne le nom même du forum, et sur quoi revient Elizabeth Moreno dans une interview avec Le Parisien en insistant sur l’aspect « intergénérationnel » du forum et la présence de la jeunesse.

La « diplomatie féministe » au service de l’impérialisme à l’international

Marlène Schiappa explique ainsi au Journal du Dimanche le rôle de la France dans la dynamique internationale du forum : « Il a fallu attendre 2017 pour que la lutte contre les violences conjugales soit une priorité, le président de la République en a fait la grande cause de son quinquennat et nous avons organisé une mobilisation inédite, avec des mesures concrètes, avec le Grenelle des violences conjugales. [...] On se doit de faire plus, la France prend toute sa place de leader. »

C’est de cette manière que Macron s’est présenté durant le forum : comme un leader international sur la question des droits des femmes. Après être revenu sur les conséquences de la crise sanitaire et sociale du COVID 19 sur les femmes, Macron a ainsi poursuivi son inauguration sur le « vent mauvais » soufflé par des « forces réactionnaires, patriarcales », ciblant ainsi particulièrement la Pologne et le recul sur le droit à l’avortement et le retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul sur les violences faites aux femmes. L’occasion de se refaire la côte nationalement sur la fin de son mandat, mais aussi d’affirmer la place de la France sur l’échiquier international. Il s’agit d’une politique que la France manie déjà vis à vis de ses anciennes colonies : plus de deux tiers des interventions de l’Agence française de développement (qui intervient principalement dans des ex-colonies françaises) sont faites entre autres pour favoriser l’égalité hommes-femmes, selon le directeur général de l’AFD Rémy Rioux.

Du côté de l’impérialisme étatsunien, Kamala Harris a déclaré que « pour défendre la démocratie, nous devons lutter pour l’égalité hommes-femmes ». Dans son discours, la vice-présidente des Etats-Unis a fait échos au G7, où s’est rendu le président Biden plus tôt ce mois-ci, dans lequel les Etats-Unis ont utilisé les mêmes procédés pour asseoir leurs alliances européennes et leur position face à la Chine, leur premier concurrent sur le marché mondial.

Un nouveau coup de com’ de Macron

« L’heure est aux mesures factuelles. Stop à la parole ! » a déclaré Moreno au Parisien par rapport au forum Génération Égalité.

Mais au sein même des acteurs politiques présents, qui plébiscitent pourtant le forum, l’investissement de la France en termes de moyens fait débat. « On avait incité à le faire passer à 200 millions d’euros par an. Ce qui est annoncé est loin d’être suffisant » a déclaré à Libération Ludovica Anedda, chargée de l’égalité de genre chez CARE France. La campagne #StoptalkingStartfunding incitait également les États à allouer au moins 0,1 % du PIB à la lutte contre les violences faites aux femmes, soit 2 milliards pour la France.

Toujours selon Libération, l’État français a engagé 400 millions d’euros de manière exceptionnelle pour l’égalité homme-femme à l’occasion du forum. La majorité de ces fonds (soit 333 millions) seront consacrés au Partenariat mondial pour l’éducation, un organisme fondé et financé par les pays du cœur impérialiste pour financer des réformes de l’éducation dans les pays coloniaux ou semi-coloniaux. 100 millions de fonds supplémentaires seront également utilisés « pour l’achat et la distribution de contraceptifs dans les pays en développement, des mécanismes innovants d’accès au marché des contraceptifs et d’accès à l’avortement sûr et légal » selon le communiqué du forum.

Depuis le début de son mandat et la « grande cause du quinquennat » jusqu’au Grenelle des violences conjugales, le gouvernement Macron n’en est plus à son premier coup de com’ sur le thème du féminisme. Derrière les grands discours, il s’agit ici de [défendre avec une rhétorique féministe la politique impérialiste de l’État français. Comme nous l’écrivions déjà dans Révolution Permanente à propos de l’instrumentalisation des questions féministes : « Alors que le gouvernement ne fait que peu de cas de ces questions lorsqu’il s’agit de défendre ses intérêts économiques. Premier fournisseur d’armes de l’Égypte, ou encore de l’Arabie Saoudite, l’État français n’a ainsi aucun problème à faire affaire avec ces deux pays des plus réactionnaires par rapport aux droits des femmes, ou encore à couvrir les viols et les crimes sexuels de l’armée française à l’étranger. »

Le président a ouvert le forum avec cette déclaration : « Je revendique avec les dirigeants qui sont là d’être féministe, d’être féministe au nom du fait que le féminisme est un humanisme ». Il est fondamental pour le mouvement féministe d’opposer un discours clair et sans concessions en dénonçant l’instrumentalisation du combat pour les droits des femmes opéré par le gouvernement : ce féminisme sécuritaire, raciste qui défend l’impérialisme et les profits des grandes entreprises n’est pas le nôtre.

 
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