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La Izquierda Diario
21 de mai de 2021 Twitter Faceboock

L’impossible capitalisme vert
Le greenwashing de Djebbari : les biocarburants vont-ils rendre l’avion écolo ? 
Violette Renée

Dans la lignée du PDG d’airbus Jean-Baptiste Djebbari, ministre des transports, tente de repeindre en vert l’industrie aéronautique avec un avion à "l’huile de friture usagée". Un projet qui donne l’illusion d’une "neutralité carbone" pour relancer le trafic aérien

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Crédits photo : capture d’écran interview J.B. Djebbari

Mardi, Jean-Baptiste Djebbari a partagé un thread sur Twitter : « Faire voler un avion de Paris à Montréal avec un carburant à base d’huiles de cuisson usagées ? C’est un peu fou, et c’est ce qui va se passer aujourd’hui ». 

 

Un discours qui va dans le sens de la stratégie d’Airbus : Guillaume Faury, son PDG, fait tous les plateaux télé pour y défendre l’aviation civile, notamment auprès de la jeunesse qui a bien conscience de l’incompatibilité de ce mode de transport avec les enjeux environnementaux. 

Le seul problème pour lui ? Les biocarburants de première génération - seule génération a être produite de manière industrielle -. Effectivement, tous les avions livrés en 2019 par Airbus sont capables de voler avec 50% de biocarburants mais aucune compagnies aériennes n’utilisent cette fonction, comme le souligne Julie Kitcher, vice présidente exécutive d’Airbus pour l’AFP : « Les avions livrés en 2019 sont certifiés pour voler avec 50% de carburants d’aviation durables et devraient l’être au cours de la prochaine décennie pour pouvoir brûler uniquement des biocarburants ou carburants de synthèse. Or ceux-ci sont encore trop chers, donc pas rentables pour les compagnies aériennes  ». 

Que faire face à ce problème ? Récupérer les huiles de cuisson usagées, qui sont peu chères, ne permet même pas de satisfaire la demande actuelle pourtant encore très marginale. Cela, Djebbari le sait bien - même s’il souhaite faire la confusion entre huiles usagées et biocarburants de première génération qui sont, de loin, les plus disponibles et les plus utilisés. Pour faire voler des avions aux biofuels « tout l’enjeu, c’est d’en produire plus [de biocarburants de première génération], pour faire baisser leur prix  », et non pas récupérer les huiles dans les restaurants. « Nous travaillons pour en faire émerger une filière française  » poursuit-il. Voilà la solution apportée par Djebbari au problème de concurrence avec le kérosène. C’est Total qui doit se réjouir, lui qui va produire 400 000 tonnes par an de ces nouveaux carburants sur le site de Grandpuits, non sans greenwashing. 

Greenwashing : les biocarburants de 1ère génération émettent plus de CO2 que les carburants fossiles

Djebbari, Faury et Total se gardent bien de dire que les biocarburants de première génération (colza, céréales, soja, tournesol, palme…) émettent plus de CO2 que les carburants fossiles comme l’a démontré une étude de Transport et Environnement datant de 2016… Responsables de 90% de la demande en huile végétale, les biocarburants accroissent de façon exponentielle la déforestation, l’épandage de nombreux intrants (engrais, produits phytosanitaires, etc.) mais aussi s’accaparent des terres arables qui ne serviront plus à nourrir l’humanité comme l’explique un rapport Les amis de la Terre, Greenpace, ATTAC, la confédération paysanne et la CGT. En ce sens, le préfixe « bio » est une mascarade. «  Les émissions de gaz à effet de serre associés à la déforestation seraient de l’ordre de 11,5 milliards de tonnes équivalent CO2 - soit davantage que les émissions annuelles de la Chine  », comme le rappelle le rapport, avant de conclure « à l’horizon 2030, le secteur de l’aviation deviendrait le premier utilisateur de ces biocarburants, et serait donc responsables des émissions associées  ».

Bien essayé ! Après l’avion à hydrogène qui est loin d’être commercialisé et de connaître une production énergétique écologique, le patronat du secteur aérien, main dans la main avec le gouvernement, essaient de nouveaux arguments contre « l’avion bashing »…

Faury et Djebbari : l’image d’une convergence des intérêts

Le plan de relance directement versé aux grands industriels avait distribué 20 milliards d’euros aux entreprises dites « stratégiques » en avril dernier, dont Airbus et Air France, avec pour consignes non-contraignantes « d’intégrer des objectifs de responsabilité sociale, sociétale et environnementale dans leur stratégie, notamment en matière de lutte contre le changement climatique et de respect de l’Accord de Paris  », en plus du chômage partiel. Dans le même sens, en septembre dernier 1,5 milliard d’euros de plus ont été directement versés au géant Airbus pour la mise au point de « l’avion vert de demain ». La CGT Airbus, CGT Dassault Aviation, CGT Safran et CGT Thalès, dans un communiqué dénoncent les manigances financières entre l’État et les entreprises du secteur aéronautique : «  quand l’État met sur la table 1,5 milliard d’euros pour l’avion à hydrogène, les grands groupes, principaux bénéficiaires de cette manne, réduisent leurs investissements autofinancés dans la Recherche et le Développement (R&D)  », et cela de la même manière que le premier plan de relance. Pourtant l’on sait aujourd’hui que le carnet de commandes du géant va bien : «  Le résultat opérationnel de +1,7 Md€ montre que l’entreprise se porte bien avec un niveau de livraisons qui reste élevé (566 avions livrés, 9 A400M, 300 hélicoptères). A titre de comparaison, en 2015, Airbus livrait 635 avions et versait 1 Md€ de dividendes aux actionnaires » soulève un communiqué de la CGT, soit 10 années de production assurées. D’autant que ces plans qui devaient maintenir les emplois menacés par la crise ont en réalité permis au secteur des gains de productivité avec la suppressions de 8800 emplois non-intérimaires rien que pour le Grand-Sud-Ouest comme le montre la dernière étude de l’INSEE !

De même, alors qu’aucune loi ne brimait jusqu’alors l’industrie aéronautique (même pas une petite taxe sur le kérosène), joyaux européen qui gagne aujourd’hui la concurrence face au géant américain Boeing, la loi climat votée ce mois-ci interdit les vols qui trouvent une alternative par la route ou par le fer en moins de 2h30. Ceci au mépris des citoyens de la convention pour la climat ou des organisations écologistes qui demandaient au moins que cette loi s’appliquent si une alternative était possible en moins de 4h ! En réalité, cette interdiction, très conciliante avec les intérêts patronaux, permet de lutter contre « l’avion bashing » que Faury et Djebbari dénoncent tant et ceci alors que cette nouvelle disposition ne concerne que 5 lignes internes… c’est en fait un compromis très retable pour redorer son image dans les pays Occidentaux quant les perspectives de croissance d’après crise les plus intéressantes se trouveront en Asie de l’Est et au Moyen-Orient comme le révèle un rapport de la Banque Mondiale datant de 2019, avec des perspectives de 8 à 10%, contre 3 à 4% en Europe et aux USA. 

Sans une remise en cause des intérêts du grand patronat – qui priorisent toujours ses profits à l’écologie ou à l’emploi – et de l’État qui les soutient, la transition énergétique ne peut être sérieusement mise en oeuvre. Pour une reconversion de la production qui ne soit pas du greenwashing et des effets d’annonce, mais qui réponde réellement aux besoins sociaux et écologiques il faut aller vers la nationalisation sans rachat et sous contrôle ouvrier des secteurs stratégiques de l’économie comme celui des transports et de l’énergie. La réponse du syndicaliste CGT de la sous-traitance aéronautique à Toulouse, Gaëtan Gracia, va dans ce sens : 

 
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