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11 de mai de 2021 Twitter Faceboock

Françafrique
Tchad : Macron et son ambassadeur au secours de la junte militaire contre le mouvement populaire
Hélène Angelou

Depuis la mort d’Idriss Déby, Macron, premier soutien de la junte militaire, s’active pour stabiliser le pays, véritable pilier de la politique militaire française dans la région. Face à la mobilisation, l’État français manie répression et cooptation pour dégager une issue politique au régime.

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La mort du président dictateur Idriss Déby, tué au cours d’opérations militaires contre le FACT (groupe rebelle armé), a porté un coup dur à la politique française au Sahel et aux intérêts impérialistes français dans la région. Le Tchad en effet joue un rôle central dans la politique de contrôle militaire du Sahel par la France. Avec l’opération Barkhane (depuis 2014), le Tchad est à la fois le centre de l’intervention française, à travers la base aérienne française de Kossei à N’Djamena, et la principale force combattante de l’intervention G5 Sahel (Mali, Burkina Faso, Mauritanie, Niger et Tchad) pilotée par la France. D’où un soutien sans faille au dictateur Déby depuis le coup d’État de 1990, maintenu au pouvoir grâce à ses appuis français.

L’État français, premier soutien du Conseil militaire de transition

Sa mort est donc un facteur de déstabilisation de l’hégémonie militaire française au Sahel et le gouvernement français s’active à trouver une solution politique pour stabiliser le pays et garantir ainsi ses intérêts.

Macron lui-même s’est ainsi empressé d’assister aux funérailles de Déby et de soutenir la junte militaire dirigée par le fils du dictateur, Mahamat Idriss Déby, dans la droite lignée du soutien, au besoin militaire comme en 2008 ou 2019, à la dictature de Déby. C’est au nom du Conseil Militaire de Transition que Mahamat Déby dirige aujourd’hui le Tchad, renforçant les attaques contre les maigres droit démocratiques : dissolution de l’assemblée nationale et du gouvernement, promesse d’organiser des élections d’ici 18 mois, le tout en violant la Constitution.

Depuis, d’importantes contestations secouent le Tchad : l’Est du pays reste marqué par les luttes entre des milices rebelles et l’armée tchadienne, et surtout d’importantes manifestations ont eu lieu, notamment à N’Djamena, la capitale. Ces mobilisations s’inscrivent dans une dynamique de mobilisation populaire et ouvrière ouverte à l’occasion du sixième mandat brigué par Idriss Déby et font aujourd’hui l’objet d’une répression sanglante. Le 8 mai, de nouvelles manifestations ont eu lieu à l’appel de Wakit Tama, principale coordination d’opposition à la junte, à nouveau durement réprimées.

Cette situation a obligé Macron à adopter dans son discours une timide ouverture : « Quelques jours après avoir adoubé publiquement le chef [de la junte] Mahamat Idriss Déby, Emmanuel Macron s’est fendu d’un communiqué pour condamner "avec la plus grande fermeté" la répression de manifestations par le nouveau régime […], assur[ant] également qu’il était favorable à une "transition pacifique, démocratique et inclusive" et non "un plan de succession" », précise Médiapart.

Mais pour autant, la France s’active pour trouver une issue politique à la crise et assurer une transition capable de stabiliser le pays et maintenir la domination française. Dans les faits, son soutien à la junte ne faiblit pas et la répression des mobilisations est un pilier de cette politique. La France en effet finance et arme la répression du Conseil Militaire de Transition, tout comme elle finançait et armait la répression d’Idriss Déby en son temps.
En même temps, l’Etat français cherche par la voie de son ambassadeur à coopter certaines franges de l’opposition dans l’objectif de les pousser à soutenir le régime de « transition » et ainsi stabiliser la situation.

L’opposition reçue à l’ambassade française : entre répression et transition négociée, les vieux ressorts de la Françafrique

Dans son article « Tchad : l’ambassade de France s’active en coulisses pour calmer les contestataires », Médiapart révèle les négociations entamées par l’ambassade française avec ces secteurs de l’opposition.

Plusieurs leaders de l’opposition, notamment incarnée par des associations de la société civile, racontent ainsi le rôle prépondérant joué par la France : reçus à l’ambassade, ils se sont vus invités à rejoindre les institutions et se ranger aux côtés du Conseil Militaire de Transition et à cesser l’organisation de manifestations. Une opération d’intimidation de l’opposition qui révèle les coulisses de la Françafrique et le rôle politique de premier plan de la France dans l’instauration de cette junte militaire.

Mahamat Zene Cherif, porte-parole du forum des organisations de la société civile du Tchad (Foscit) raconte ainsi à Médiapart son entrevue avec le conseiller de l’ambassade chargé des affaires intérieures :
« Suite au revirement de Macron, nous avions beaucoup d’espoir. Le conseiller nous a fait savoir que les manifestations n’aboutiraient à rien et que nous ferions mieux d’aller siéger dans les nouvelles instances. Qu’au lieu de faire des manifs on ferait mieux d’accompagner le CMT [conseil militaire de transition – ndlr]. On était très déçus, parce que, pour nous, la France était un modèle de démocratie ».

Mahamat Nour Ibedou, fondateur de la Convention tchadienne de défense des Droits de l’Homme, abonde dans le même sens après sa rencontre avec l’ambassadeur lui-même : « Ils voulaient me parler des manifestations au cours desquelles des militants avaient brûlé des drapeaux français et avaient dit préférer un partenariat avec les Russes. J’ai compris que cela inquiétait l’ambassadeur, qui n’a pas été très diplomate avec moi. Il voulait que je dise à mes camarades de la coordination d’arrêter les manifestations pour un temps. ».

Si la dénonciation de la junte militaire et le refus de s’associer au Conseil Militaire de Transition reste une ligne rouge pour l’opposition, une frange non négligeable souhaite obtenir de la France la garantie d’une transition aux mains d’un civil et le respect de la constitution, pourtant établie par Idriss Déby lors de sa prise de pouvoir, qui prévoit en cas de de vacance du pouvoir une transition dirigée par le président de l’assemblée nationale dans l’objectif de préparer de nouvelles élections dans un délai de trois mois. Pourtant, même dirigé par un civil, le pouvoir resterait aux mains de l’armée et du clan Déby, et sous la domination de l’impérialisme français. C’est sur cette contradiction que s’appuie la France pour chercher à négocier une sortie de crise en la faveur d’un maintien des bases de la dictature de Déby.

Dans la rue toutefois, la revendication des droits démocratiques pour lesquels se sont mobilisées les classes populaires tchadiennes, combinée à la dénonciation de la cherté de la vie, s’est articulée à une dénonciation de l’impérialisme français. En ce sens, une transition démocratique au service des classes populaires ne peut se faire que par la mobilisation et la grève, par les classes populaires elles-mêmes, loin de toute négociation avec l’impérialisme français.

 
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