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27 de mars de 2021 Twitter Faceboock

Organisation ouvrière
Alabama. Le combat des travailleurs ouvre la voie à la création d’un syndicat Amazon
Ana Demianoiseau

Alors qu’Amazon n’a jamais toléré le moindre syndicat aux Etats-Unis, près de 5600 salariés d’un entrepôt de l’Alabama se battent pour créer un syndicat au sein de la multinationale.

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Crédit photo : Frederic J. Brown - AFP

C’est M. Richardson qui a lancé le débat de la création d’un syndicat contre l’empire de Jeff Bezos, accompagné de Joshua Brewer, un pasteur devenu président local du syndicat, ainsi que de Michael Foster, ouvrier d’une usine de poulets. Cette bataille contient des enjeux primordiaux pour la lutte des classes à échelle nationale et internationale. Amazon est le deuxième plus gros employeur privé des Etats-Unis. Comme le dit Stuart Appelbaum, président du syndicat RWDSU à New York « C’est la lutte sociale la plus importante depuis des décennies. Amazon transforme industrie après industrie et créera le modèle de travail du futur. L’enjeu porte sur la manière dont seront traités les salariés. Cette élection dépasse le centre de tri, l’Alabama et même Amazon ».

Les conditions de travail des salariés sont particulièrement difficiles, et se sont empirées depuis le début de la pandémie en raison de l’explosion de commandes sans augmentation ni du personnel ni des salaires. Les outils majeurs de cette exploitation sont notamment la pression psychologique à l’image du minutage des travailleurs. Celle-ci conduit à une cadence de travail effrénée et insoutenable. Les employés évoquent au journal Motherboard des menaces s’ils ne parviennent pas à livrer leurs 300 colis en dix heures. Certains sont donc obligés d’uriner dans une bouteille afin de tenir le rythme. D’après le média américain The Intercept, ce qu’Amazon tente de faire passer comme une rumeur serait « si répandu (…) que les responsables y font fréquemment référence lors de réunions ». Un problème identifié sans que rien ne soit entrepris pour en limiter les causes.

Si l’entreprise peut masquer, via un salaire de 15 euros de l’heure, des conditions de travail inhumaines, c’est en particulier grâce à la division des travailleurs : elle travaille avec des entreprises de sous-traitance et aux Etats-Unis, elle refuse et empêche radicalement toute formation de syndicats qui pourraient engager un bras de fer avec la multinationale. En septembre, le site d’Amazon États-Unis a publié une offre d’emploi qui indiquait recruter à Phoenix (Arizona) des « analystes en renseignements » pour surveiller les « menaces d’organisations syndicales » au sein du groupe. Sur la très longue fiche de poste originale, il est mentionné que les nouvelles recrues devront travailler avec la direction et les avocats du groupe, et les informer « sur des sujets sensibles et hautement confidentiels, y compris les menaces d’organisations syndicales au sein de l’entreprise ». Dans la même phrase, on lit aussi que les analystes ont pour mission de « traquer les financements et activités liées à des campagnes en interne et en externe envers Amazon ».

Plus généralement, les employés doivent recueillir des éléments pour le montage des actions en justice contre le groupe. Souvent interrogée sur le sujet, l’entreprise se défend : « Amazon respecte le droit de ses employés d’adhérer ou de ne pas adhérer à un syndicat. Amazon maintient une politique d’ouverture qui encourage les employés à faire part de leurs commentaires, questions et préoccupations directement à leur équipe de direction pour discussion et résolution ». Mais la stratégie du géant laisse peu de place au doute. Selon un représentant du syndicat SUD-Solidaires sur le site de Saran (Loiret) : « Les Américains qui ont porté des revendications se sont fait licencier. Nous essayons de les soutenir à distance, avec le droit français qui est différent. Mais Amazon considère les syndicats comme une partie négligeable et prend des décisions unilatérales à l’échelle mondiale, c’est logique qu’elle veuille les empêcher de s’exprimer ».

L’expérience de lutte chez Amazon Italie

On constate en effet avec l’exemple italien actuel que la création d’un syndicat est un outil politique plus que nécessaire afin de mener une grève surtout contre une entreprise de l’ampleur de celle de Bezos. Lundi 22 mars, 40.000 employés d’Amazon Italia conjointement avec les travailleurs qui ne sont pas directement employés par l’entreprise mais jouent un rôle essentiel dans la chaîne de production ont lancé un mouvement de grève nationale. Alessandro Peschi, magasinier et responsable syndical de la section de la CGIL représentée dans l’entrepôt situé à Passo Corese disait à Marianne : « Trois ans après avoir réussi à introduire les syndicats chez Amazon, le bilan est bon car de plus en plus d’employés sont syndiqués ou soutiennent les syndicats. Je crois que la politique d’Amazon, qui n’est pas basée sur la méritocratie, a joué un rôle important au niveau des adhésions. Les employés se sont rendu compte qu’ils pouvaient travailler tant qu’ils veulent sans rien obtenir en échange. Nous sommes des numéros ! ».

Des défis à relever

Le patronat qui divise la classe travailleuse afin de mieux l’exploiter n’a évidemment pas intérêt à ce qu’elle s’organise. Mais ce qu’on constate, c’est que les récentes mobilisations sociales et en particulier les mobilisations antiracistes, commencent à créer un nouveau vivier d’organisation. Les revendications en Alabama ont pris une dimension nationale et ont été soutenues par le syndicat des joueurs de football américain, ou encore par une manifestation du mouvement Black Lives Matter. En effet, les luttes sociales et économiques s’entrecroisent en particulier car les revendications antiracistes concernent une grande partie de la classe prolétaire.

Si la création de ce syndicat devient une réalité, ce sera un exemple pour tous les travailleurs du pays. Mais il est essentiel de souligner que le pouvoir syndical provient de l’action organisée et disruptive de la base, et que les bureaucrates syndicaux adoptent une position "intermédiaire" entre les patrons et les travailleurs, et l’acceptent comme leur tâche non seulement pour régler les contrats sans grève, mais aussi pour garantir une main-d’œuvre docile et obéissante. Les syndicats ne progressent que grâce à une organisation de la base déterminée à affronter les bureaucrates, à les pousser vers la gauche, à les obliger à adopter des positions plus militantes, défendre un contrôle accru du syndicat par la base et à mener une lutte militante contre les patrons. C’est une leçon qui va se jouer à Bessemer et au-delà.

Il y a des défis à relever, mais la lutte chez Amazon est cruciale pour les travailleurs nordaméricains. Solidarité avec la lutte syndicale chez Amazon !

 
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