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La Izquierda Diario
10 de mars de 2021 Twitter Faceboock

Casse sociale
« Dialogue social » ? FO, CFTC, CFE-CGC valident le PSE chez Airbus, une trahison pour les travailleurs !
Pepe Balanyà

Le plan social historique annoncé fin juin 2020 par Airbus impliquait 15.000 suppressions d’emploi à échelle internationale, dont 5000 en France et 3500 sur les sites aux alentours de Toulouse. Apres la casse sociale qui a secoué le secteur, donneurs d’ordre et sous-traitants compris, Airbus tente de se refaire une image.

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Crédit photo : REMY GABALDA / AFP - Mobilisation des salariés d’Airbus le 8 juillet 2020 contre les licenciements et les suppressions de postes

Retour sur un PSE historique : quand les délègues syndicaux deviennent les meilleurs conseillers du patronat

Le 30 juin, Airbus confirmait la mise en place du plus grand plan de suppression de postes jamais réalisé par l’avionneur. Sans compter le personnel intérimaire, qui a perdu son travail du jour au lendemain, ce plan impliquait 15.000 suppressions d’emploi à échelle internationale, dont 5000 en France et 3500 sur les sites aux alentours de Toulouse. Et cela dans un secteur arrosé par 15 milliards du plan de relance et où, malgré les risques sanitaires, les ateliers n’ont pas fermé pendant le confinement. Dans le sillage du gouvernement et du reste du grand patronat, l’avionneur s’est ainsi mis en marche pour faire payer la crise aux travailleurs.

Le 8 juillet suite aux annonces de ce carnage à l’emploi, plus de 7000 salariés rejoignaient l’appel à manifester et à débrayer lancé par les syndicats FO, CFE-CGC, CFTC et auquel la CGT avait aussi appelé à participer. Malgré une journée de mobilisation particulièrement suivie et la démonstration de ce secteur du monde du travail en l’espace d’une heure et demie de manif, les équipes syndicales majoritaires ont décidé de s’arrêter là, histoire de ne pas fâcher la direction tout en faisant semblant d’aller dans le sens de la colère des travailleurs.

Après cette mise en scène, les délégués syndicaux ont enterré toute possibilité de construire un rapport de forces pour imposer 0 suppressions d’emplois et se sont renfermés dans les cadres du « dialogue sociale » avec la direction du groupe pour négocier le rythme, les modalités et l’ampleur de la casse sociale. En mettant en avant les « départs volontaires » ou encore les « mesures de retraite anticipée » contre les « licenciements secs », les délégués syndicaux on fait semblant de négocier le moindre mal dans le seul profit du patronat. En effet, deux mois plus tard, le 12 octobre, FO, CFE-CGC et CFTC signaient le plan de suppressions d’emploi et un accord sur l’activité partiel de longue durée (APLD). A l’époque Jean-François Knepper, délégué central FO ainsi que les medias et le personnel politique comme Elisabeth Borne se félicitaient de cet « excellent accord » qui devait exclure tout « licenciement sec » mais donner feu vert à des milliers des suppressions d’emploi.

Ce 4 mars, la direction d’Airbus a confirmé ce scénario. Dans une déclaration transmise à l’AFP la direction du groupe expliquait : « Grâce à l’efficacité de toutes les mesures sociales déployées jusqu’à présent, Airbus ne voit pas la nécessité de procéder à des licenciements forcés en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, en attendant le déploiement réussi des mesures de mobilité interne en cours ». Un jour avant, lors d’un comité d’entreprise européen le groupe avait « confirmé aux partenaires sociaux que son plan d’adaptation au Covid-19 serait formellement conclu au plus tard à l’été 2021 ». Le groupe a aussi précisé qu’il « continuera d’évaluer au cours des prochaines semaines les dernières mesures à mettre en œuvre ».

Dans le cadre de l’accord actuel, sur les presque 5000 emplois visés, l’APLD aurait permis de garder temporairement 1500 salariés au prix d’une baisse du salaire et sans garantie de ne pas être licenciés plus tard. D’un autre côté, le programme de recherche qui vise à développer notamment l’avion à hydrogène, devrait occuper environ 600 salariés. Parmi les 2100 suppressions d’emploi qui restent pour atteindre les objectifs du patronat, les 60% seraient des départs en retraite (400) ou pré-retraite. Le 40% restant seraient concernerait des mesures différents comme des congés sans solde, des congés sabbatiques, etc.

Bien qu’on ne les appelle pas « licenciements contraints » , les différentes modalités des soi-disant « départs volontaires » amènent au même endroit : chômage et précarité pour ceux qui partent et surcharge du travail pour ceux qui restent. Le principal bénéficiaire de cette opération de « dialogue sociale », on le voit rapidement, est en effet le patronat d’Airbus : il fait payer la crise aux salariés (malgré des décennies de bénéfices milliardaires) tout en sauvant son image et en passant celle du patronat du secteur et de certaines équipes syndicales, si nécessaires à la direction pour accompagner la casse sociale.

Apres la première vague de licenciements, redorer l’image du patronat et du dialogue sociale

Comme l’expliquait éloquemment Florent Veletchy, délégué syndicale centrale CFTC « C’était important pour nous, syndicalistes, de montrer qu’on ne licencie pas chez Airbus. C’est un message pour toute la filière. D’autres entreprises, notamment les sous-traitants, regardent ce qui se passe chez nous, et toutes n’ont d’ailleurs pas été aussi soucieuses avec leurs salariés ». Jean Luc Moudenc, maire de Toulouse, a aussi salué dans un tweet « cette décision issue d’un dialogue sociale constructif ». La Dépêche, de son côté recevait les nouvelles d’Airbus avec un titre pompeux : « Airbus ne va pas licencier de personnel en France malgré la crise du Covid ». Cette opération médiatique pour redorer l’image du patronat du secteur et du dialogue sociale vient combler une inquiétude.

La première vague d’attaques patronales dans le secteur aéronautique a été d’une ampleur inouïe, plus de 13.000 postes ont été concernés par des PSE. Et cela sans parler des intérimaires, les licenciements collectifs hors-PSE ou encore les baisses de salaire et les licenciements associés aux accords de performance collective (APC). Cette vague d’attaques est allée de pair avec une certaine usure d’un des principaux outils du patronat pour canaliser la colère des salariés et imposer ses intérêts : le dialogue social.

Pour ne citer que quelques exemples, les salariés ayant subi des APC comme ceux de Derichebourg ou DSI, ou qui ont fait face à une PSE comme AAA, ont averti du danger d’épuiser le temps qui devrait être consacré à la construction du rapport de forces, dans la table de négociations. Les attaques patronales ont aussi montré au grand jour le rôle de certains bureaucrates syndicaux plus soucieux de faire passer les plans du patronat que de défendre les intérêts des travailleurs. C’est le cas de FO Derichebourg ou encore le scandale du délégué CGC-CFE chez AAA. Les attaques contre les travailleurs ne sont pas non plus restées sans réponse. A Derichebourg, Cauquil, Latelec ou Toray, ce sont autant de luttes qui ont exprimés avec des différents degrés la volonté de dépasser la stratégie de « négocier le poids des chaines » défendu par les équipes syndicales pro-patronales.

Au moment où le patronat, la bureaucratie syndicale, les medias et la classe politique essayent de réhabiliter le « dialogue sociale » qui a accompagné et accompagne cette casse sociale historique, il est important de rappeler et revendiquer les expériences récentes qui ont permis d’envisager une méthode de lutte capable de construire un vrai rapport de forces pour défendre l’emploi. C’est le cas des luttes des salariés de Derichebourg de Toray ou de Grandpuits qui elles aussi, à des degrés différents, ont montré l’importance de l’unité entre les travailleurs syndiqués et non-syndiqués, de construire des assemblés de salariés où décider des suites de la mobilisation, de refuser de « négocier le poids des chaines », de lutter par la grève et de se coordonner avec les autres boites pour imposer 0 suppressions d’emploi et 0 baisse de salaire.

 
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