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La Izquierda Diario
9 de mars de 2021 Twitter Faceboock

Greenwashing
Recyclage et bioplastique : une façade verte pour Total
Prune Fabre

Parmi les projets de reconversion prévus par Total pour la raffinerie de Grandpuits en Seine et Marne se trouve le développement d’une usine de bioplastique et d’une de recyclage de plastique. La multinationale invoque des arguments écologiques, mais la réalité est tout autre.

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Crédits photo : AFP/PIERRE ANDRIEU

Début 2020, Total sortait son plan « 0 carbone ». La multinationale maintient une stratégie de greenwashing, dont la dernière annonce a été le changement de nom du groupe en « TotalEnergies ». Derrière cette stratégie se cache surtout une volonté de continuer à minimiser les « coûts » et maximiser les profits. Le processus est en effet celui d’une délocalisation croissante de la production d’énergie dans des pays du Sud où les normes salariales et environnementales sont moins strictes, comme le projet du plus grand pipe-line chauffé de Total en Ouganda qui permettrait d’exploiter 1,4 milliard de barils de pétrole tout en détruisant toute une région. Dans un contexte où les cours du pétrole et des hydrocarbures ont chuté au cours de l’année 2020 notamment à cause de la crise sanitaire, maintenir les dividendes des actionnaires, notamment en cherchant de nouveaux débouchés, est une préoccupation des capitalistes de Total.

Pour la raffinerie de Grandpuits en Seine et Marne, Total prévoit notamment de reconvertir le site en usine de « bioplastiques » et biocarburants. Un projet qui doublerait le rendement de la raffinerie tout en supprimant 700 emplois : autant de bénéfices qui iront engraisser les actionnaires de la multinationale, auxquels l’entreprise a versé 1,8 milliard d’euros l’année dernière en pleine crise sanitaire et économique.

Au delà de ces conséquences sociales désastreuses, penchons-nous sur les implications écologiques de ces fameux bioplastiques ainsi que sur l’usine de recyclage de plastique qui pourrait également être prévue dans le projet de reconversion de Grandpuits.

Pour le bioplastique, l’entreprise prévoit de produire du PLA, un plastique produit à partir d’acide lactique obtenu à partir de sucre ou d’amidon et non pas de pétrole, soi-disant « biodégradable » et « recyclable ». Ce serait un plastique biosourcé, c’est-à-dire une production de plastiques issus de façon partielle ou totale de la biomasse (masse de matière vivante). Par ailleurs, actuellement, aucune norme ne dicte un minimum imposé pour qu’un plastique soit ainsi qualifié.

Le premier bioplastique technique date de 1947, la conception du PLA pour sa part date des années 1990.

De nombreux points négatifs sont à soulever quant à ce procédé.

Premièrement, la production de biomasse à destination de celle de plastique risque de concurrencer les productions alimentaires. En effet, pour la production de bioplastique il y a une nécessité de dédier des sols spécialisés à cet effet et non plus à la production alimentaire. Pourtant les terres fertiles sont de plus en plus rares dans le monde alors qu’elles sont plus que nécessaire. De plus, ces cultures sont également essentielles pour nombre de personnes ne pouvant pas se nourrir à leur faim. Pour donner des chiffres, en 2018, 359 millions de tonnes de plastique ont été produit selon la société Carbios et en 2011 d’après L’institut du Bioplastique et des biocomposites il fallait 300 000 hectares de terre pour produire les 1,2 million de tonnes de bioplastique produit cette année-là. Donc après calcul, si on souhaitait produire 359 millions de tonnes de bioplastique pour remplacer la consommation annuelle de plastique, il faudrait au moins 90 millions d’hectares de terres agraires. Ces cultures pourront également potentiellement être intensifiées par des pesticides et des engrais qui eux-mêmes dépendent du pétrole, l’utilisation d’OGM n’est pas non plus à exclure.

Deuxièmement l’efficacité du caractère biodégradable de ce plastique est à minorer en effet comme l’affirme cet article,« le plastique biodégradable, en compostage industriel : doit se dégrader en moins de 6 mois, grâce à des micro-organismes capables de digérer la matière à de très hautes températures. En compost domestique cela doit se dégrader à 90 % au bout d’1 an - à condition de ne pas saturer le compost de bioplastique. »

Alors que dans la nature, le plastique biodégradable se désagrège qu’en minimum deux ans et cela peut être encore plus long quand les déchets plastiques se retrouvent à la mer où les conditions ne sont pas réunies pour une bonne dégradation.

Troisièmement, comme évoqué par les Amis de la terre dans leur rapport de décryptage des plans de reconversion de Grandpuits, pour produire du bioplastique il faut : “Cultiver des betteraves à sucre en Europe du Nord, pour ensuite les transformer en acide lactique en Espagne, puis les transformer en ‘bioplastique’ à Grandpuits pour enfin exporter le PLA et avoir peu de chances qu’il soit finalement composté ou recyclé”. Le caractère biodégradable du plastique n’est, par conséquent, ni simple ni très efficace et bien loin de faire partie d’une économie circulaire, comme le prétend Total.

Enfin, la production de bioplastique, continue de valoriser des produits plastiques jetables à usage unique, il n’y a donc pas de planification sur le long terme, car même recyclé, la production d’un objet réclame de l’eau, des matières premières etc.

Le deuxième plan de reconversion concerne une usine de recyclage de plastique, qui elle aussi n’est pas une meilleure alternative. Total prévoit de construire la 1ère usine de recyclage chimique en France avec Plastic Energy (Total 60 %, Plastic Energy 40 %).

Cette unité pourra transformer des déchets plastiques par un procédé de pyrolyse qui consiste à faire fondre les plastiques pour obtenir un liquide appelé « Tacoil ». Ce « Tacoil » servira ensuite de matière première à la fabrication de polymères.

En réalité, le recyclage du plastique aide à vendre plus de pétrole et de gaz pour les entreprises développant cette technologie.

Le journal Libération a fait une enquête spécialisée sur la question du recyclage du plastique très parlante. Les journalistes ont relevé la phrase suivantes issue d’une présentation destinée aux investisseurs, datant de septembre 2019 : « Le recyclage offre des opportunités de croissance supplémentaires. » A première vue, Total en tant que producteur de pétrole devrait voir un risque financier en l’augmentation du recyclage. Pourtant, une diapositive dans cette présentation prouve le lien entre augmentation de la demande pour leurs produits pétrochimiques, et le développement rapide des technologies de recyclage. Cette causalité s’explique par le caractère dégradable du plastique au contact de la chaleur et de l’humidité et et la nécessité une fois dégradé d’injecter du plastique vierge (plastique peu cher, est issu partiellement du pétrole) pour qu’il ait des propriétés correctes. Développer des usines pour recycler du plastique permet donc à Total et aux autres producteurs de pétrole d’augmenter leurs ventes à travers le monde en comptant sur une demande croissante de plastique, pour produire toujours des hydrocarbures qui seront injectés dans les plastiques recyclés.

Ces deux projets de reconversion sont donc bien des façades, pour continuer à vendre des hydrocarbures d’une part, mais également justifier 700 suppressions de postes. La citation suivante de Pouyanné est une conclusion résumant l’hypocrisie du discours écologique de la multinationale au-delà de celui utilisé pour Grandpuits,« Mais les gens ne doivent pas oublier que le pétrole est une drôle d’activité dans laquelle, si vous n’investissez pas, vous avez un déclin naturel de 4 à 5% par an ». Le calcul est donc définitivement financier et ne se préoccupe que peu des enjeux environnementaux et sociaux ainsi que des nombreuses voix du monde scientifique qui estiment qu’il faudrait laisser dans le sol la moitié des énergies fossiles pour éviter le réchauffement climatique. Par ailleurs, la raffinerie de Grandpuits, grâce à sa localisation, ses infrastructures déjà existantes et le savoir-faire de ses salariés a tout pour devenir un pilier de la planification écologique. Mais pour cela, les intérêts privés doivent quitter ses murs, seule une transition écologique pensée et gérée par les travailleurs dans l’intérêt du territoire et de la population sera une solution à la hauteur de la crise écologique actuelle. Elle seule pourrait être une transition écologique viable qui ne se ferait pas au prix de la casse sociale.

 
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