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7 de janvier de 2021 Twitter Faceboock

Crise sanitaire
Pénurie de vaccins en Allemagne : « les capacités de production mondiales ne suivent pas »
Pepe Balanyà

Les faiblesses dans les capacités de production du vaccin liées à la gestion capitaliste de la crise sanitaire font revoir à la baisse le nombre de doses pouvant être livrées lors de l’année 2021. La tension dans l’approvisionnement de vaccins risque de continuer à aggraver les tendances centrifuges au sein de l’UE.

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Crédits photo : AFP

La mise en œuvre de la campagne de vaccination, guidée par la concurrence économique entre puissances et les intérêts des laboratoires détenant les brevets du vaccin, a démenti les beaux discours sur la « distribution abordable et équitable du vaccin » prônés par les pays faisant partie du G20. La réalité de la gestion capitaliste de la crise sanitaire s’impose de plus en plus aux mensonges rassurants des différents gouvernements et s’exprime par des limites particulières dans chaque pays et des inégalités profondes dans l’accès au vaccin à l’échelle internationale. Rien que 82% de la production de Pfizer et 78% de la production de Moderna sont détenus par les premières puissances mondiales.

Mais cette gestion irrationnelle guidée par le profit a rattrapé même les pays qui se pensaient à l’abri après avoir accaparé une partie importante des doses du vaccin : c’est le cas de la Grande Bretagne, qui a accéléré son plan de vaccination au détriment de son efficacité ; le cas de la France, qui a pris du retard dans la mise en place de la logistique et où 30% des doses stockées pourraient être perdues ; et c’est le cas aussi de l’Allemagne qui, après des années d’austérité, manque de personnel qualifié pour administrer les doses et fait face dans le même temps à une pénurie de vaccins.

La concurrence internationale et les problèmes dans la production du vaccin

Comme l’expliquait Le Monde, « après avoir inoculé la première dose à 238 000 personnes, en priorité des soignants, les autorités allemandes marquent le pas, comme les Britanniques, qui en ont vacciné un million : les capacités de production mondiales ne suivent pas, a affirmé la commissaire européenne à la santé, Stella Kyriakides, face aux critiques qui montent en Allemagne. »

La logique du profit et de la propriété privée est en train d’accroître un problème qui commence à toucher ainsi également les pays impérialistes : les limites des capacités de production des laboratoires. En effet, le fait de ne pas partager les brevets avec les Etats périphériques et semi-coloniaux, tel que l’ont demandé l’Inde et l’Afrique du Sud, réduit les capacités de production de doses du vaccin, y compris ceux commandés par les Etats centraux.

Comme l’expliquait le New York Times dans un article récent : « certaines entreprises ont déjà révisé leurs projections en fonction de problèmes de production. Pfizer a d’abord déclaré qu’elle produirait 100 millions de doses d’ici la fin de l’année, pour ensuite réduire ce chiffre de moitié. Novavax a retardé les essais cliniques en partie parce qu’elle ne pouvait pas produire suffisamment de doses. Dans d’autres cas, les fabricants de vaccins ou leurs partenaires peuvent avoir promis plus de doses que ce qui peut être produit : 3,21 milliards de doses du vaccin d’AstraZeneca ont été promises, mais des accords de fabrication sont en place pour seulement 2,86 milliards, selon Airfinity. Johnson & Johnson a promis 1,3 milliards, mais n’a assuré la fabrication que pour 1,1 milliards ».

Etant donné que tout semble indiquer que les laboratoires ne pourront pas tenir leurs promesses de livraison pour l’année 2021, il est plus que probable que la concurrence entre les puissances impérialistes pour s’accaparer les doses du vaccin disponibles s’aggrave. Car au-delà de l’aspect sanitaire il y a un grand enjeu économique à immuniser la population : le pays qui recevra le plus de doses des vaccins pourra prétendre à relancer son économie au plus vite et ainsi gagner un avantage par rapport aux capitalistes des autres pays.

Dans ce sens il n’est pas étonnant que, sur la base de la contraction de la production, revienne sur la scène, d’une manière plus décomplexée, le « nationalisme du vaccin » qui était déjà présent dans le financement des laboratoires et la distribution des doses.

Le vernis unitaire du plan de vaccination européen mis en cause

Malgré la volonté de l’UE et de son tandem dirigeant Merkel-Macron d’afficher une démarche unitaire via le plan de vaccination dans une période marquée par le Brexit, le gouvernement allemand a dû faire face depuis le début à des pressions internes marquées par un « nationalisme du vaccin » décomplexé. Comme l’expliquait Le Monde, « l’Allemagne, dont l’opinion publique s’impatientait, car c’est une de ses entreprises, BioNTech, qui a coproduit le premier vaccin avec Pfizer, a dû demander à l’EMA [Agence européenne des médicaments] d’accélérer ».

Ces pressions et critiques à l’égard du gouvernement allemand semblent avoir gagné du terrain au moment où le plan de vaccination perd de la vitesse devant d’autres puissances comme les Etats-Unis, Israël ou la Grande-Bretagne : les centres de vaccination installés dans le pays manquent de personnel qualifié et de stocks de doses nécessaires pour suivre le rythme de vaccination des autres pays.

Comme le relève Le Point : « En ce début d’année, les critiques fusent de partout. Pour Bild [journal très populaire en Allemagne], c’est parce que la chancelière a délégué la responsabilité de l’approvisionnement en vaccins à l’Union Européenne qu’on en est arrivé là. « Celui qui se permet de critiquer l’impasse dans laquelle nous nous trouvons, note l’éditorialiste du journal, est accusé d’être un nationaliste du vaccin ». L’ironie, estiment les détracteurs d’Angela Merkel, c’est que le premier vaccin autorisé a été développé et produit par le laboratoire BioNTech à Mayence. Or, en grande partie destiné à l’exportation, il profite avant tout à d’autres pays à travers le monde entier »

Pour apaiser ces critiques internes qui deviennent « de plus en plus virulentes », « Markus Söder, ministre président de la Bavière et nouvelle star de la politique allemande, très apprécié en raison de sa poigne énergique durant la pandémie, a exigé ce week-end que l’on mette les bouchées doubles sur le vaccin qui devrait être « une priorité politique absolue ».. De son côté, le ministre de la Santé Jens Spahn (CDU) n’a pas pu rester au marge des pressions et a proposé « la création d’un autre centre de production BioNTech en Allemagne […]. Il songe même à garantir à toutes les personnes qui le souhaiteraient la possibilité de se faire vacciner dans le courant du second trimestre 2021. Jusqu’à présent la date avancée était l’été prochain. »

Ainsi, si la première phase de la campagne de vaccination relevait l’écart entre une poignée de pays impérialistes et le reste des pays de la périphérie capitaliste, les limites de la production associée à cet écart, vont accentuer la concurrence entre les pays riches et risquent de donner un nouveau souffle aux tendances centrifuges contre le vernis unitaire initial qui avait marqué le début de la campagne de vaccination européenne.

Contre la gestion capitaliste de la crise sanitaire : nationalisation sous contrôle ouvrier des laboratoires privés et partage des brevets

Même l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), qui est au service des intérêts des premières puissances mondiales, avait alerté du fait que le nationalisme et la concurrence entre pays risquait de prolonger la pandémie.

Tel qu’on le rappelait dans un autre article, « aujourd’hui la pandémie de Covid-19 montre encore une fois le caractère rétrograde du capitalisme. Les travailleurs, les classes populaires, la jeunesse qui se bat pour son futur ont intérêt à se mobiliser contre les gouvernements capitalistes et les grandes multinationales, à commencer par celles de l’industrie pharmaceutique (mais pas seulement), mettant en avant la nationalisation sous contrôle ouvrier de l’ensemble des corporations pharmaceutiques et des laboratoires privés ; exigeant le financement massif et le partage à l’échelle planétaire des résultats des recherches dans le cadre d’une collaboration globale pour répondre aux urgences sanitaires de toute la population. C’est la seule façon d’enlever le pouvoir de décision d’une petite minorité de privilégiés sur la vie de l’écrasante majorité de la population mondiale. »

 
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