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La Izquierda Diario
25 de novembre de 2020 Twitter Faceboock

Violences policières
Révélations : 4 ans après, de nouveaux éléments dans l’affaire Théo incriminent les policiers
Konstantin Militch

Alors que la famille Luhaka se bat depuis bientôt quatre ans pour obtenir justice pour Théo, la Défenseure des droits, Claire Hédon, a publié mardi 24 novembre une enquête adressée au ministre de l’Intérieur qui réclame des « poursuites disciplinaires » contre les quatre fonctionnaires impliqués dans l’agression mais également à l’encontre de l’ancien commissaire divisionnaire d’Aulnay-sous-Bois.

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Crédits Photo : François Guillot. AFP

Une affaire emblématique des violences policières

Le 2 février 2017, Théo Luhaka, âgé de 22 ans subissait une interpellation par quatre policiers à Aulnay-sous-Bois dans la cité des 3000 pour s’être opposé à ces derniers qui voulaient gifler un jeune. L’interpellation avait été révélée au grand jour d’abord grâce à des vidéos de témoins puis un an après avec la diffusion le 29 janvier 2018 par Europe 1 d’images de vidéosurveillance où l’on voit plusieurs policiers interpeller violemment le jeune homme et l’un d’eux enfoncer une matraque télescopique dans son anus. Ses blessures lui avaient valu 60 jours d’ITT et se traduisent encore aujourd’hui par une prise en charge médicale à vie

Une semaine après les faits, l’IGPN avait déclaré qu’il ne s’agissait pas d’un viol, mais d’un « accident » et alors que des manifestations s’organisaient à Aulnay-sous-Bois, dans de nombreuses villes de France et dans les lycées, le gouvernement avait fait le choix de répondre par la répression en instaurant un couvre-feu pendant plusieurs jours et en condamnant deux jeunes à 6 mois de prison ferme pour « embuscade ».

Dans cette affaire, la police et leurs syndicats ont tout fait pour minimiser cette agression comme l’avaient montré les propos de Luc Poignant, délégué du syndicat Unité SGP Police qui s’était plaint de « l’impact psychologique » sur ses collègues qui, « pendant des mois et des mois, ont été traités de violeurs » mais également Grégory Goupil, secrétaire général adjoint du syndicat Alliance 93 qui avait affirmé que cette agression était un « acte accidentel ». Pourtant, Mediapart avait révélé un témoignage exclusif d’un policier d’Aulnay-sous-Bois qui avait confirmé que ces actes étaient récurrents chez les quatre policiers mis en examen : « Ils aiment se battre, casser des gens. C’étaient toujours les premiers à se ruer dans les cellules lorsqu’un gardé à vue pétait un plomb ou se rebellait. L’un d’eux, un brigadier, était particulièrement violent. Je l’ai vu avoir des gestes déplacés au poste, menacer des hommes menottés au banc : ‘‘Toi, on va t’éclater !” Et, à chaque fois que des jeunes se plaignaient, c’était cette équipe-là. » . Un témoignage qui fait écho aux "actes de torture" de la part de certains fonctionnaires de la BAC du commissariat du 19ème arrondissement dont deux membres sont impliqués dans la mort de Liu Shaoyao.

De nouveaux éléments révélés au grand jour

Au mois d’octobre, le parquet de Bobigny a requis le renvoi devant les assises de trois des quatre policiers pour « violences volontaires » en écartant la qualification de « viol aggravé » en remplaçant le motif par des « violences volontaires avec arme par personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné une mutilation ou une incapacité permanente partielle », estimant que « les éléments constitutifs du crime de viol n’étaient pas réunis » et un non-lieu pour le quatrième agent mis en examen.

Mais alors que l’information sur l’affaire allait être clôturée, Claire Hédon, la Défenseure des droits a publié, mardi 24 novembre, une décision adressée à Gérald Darmanin rassemblant un travail d’enquête de plus de trois ans se basant sur l’ensemble des rapports de l’IGPN, du dossier d’instruction mais également des documents inédits. A travers cette enquête, Claire Hédon souligne un grand nombre de « comportements contraires à la déontologie », à tous les niveaux de la hiérarchie et recommande des sanctions disciplinaires contre les agents indépendamment des poursuites judiciaires alors que trois des quatre fonctionnaires ont été réintégrés sans aucune sanction".

En effet, l’enquête dévoile qu’un groupe de sept personnes présent sur les lieux de l’interpellation dont une femme qui filmait se sont fait gazer et qu’une grenade lacrymogène a été jetée dans leur direction. Mais les violences ne s’arrêtent pas là : après avoir été emmené hors du champ de vision des caméras de la ville, les fonctionnaires de police ont pris les jambes du jeune homme pour le faire chuter sur le dos et ont continué à le gazer et le frapper au corps. Les quatre fonctionnaires ont ensuite tout fait pour cacher la scène aux passants : l’un deux jetant une grenade de désencerclement vers un homme isolé et un deuxième agent donnant un coup de pied à un autre individu pour lui barrer le chemin. Puis, alors qu’un troisième passant s’approchait de l’escalier du parvis, l’un des agents lui a tiré dessus au LBD pendant que ses collègues jetaient une grenade de désencerclement et une grenade lacrymogène alors qu’il prenait la fuite.

Lors de l’écriture du fichier de traitement relatif au suivi de l’usage des armes (TSUA) au commissariat, les policiers ont menti et avancé des faits contredits par la vidéo surveillance : puisque l’agent ayant utilisé le LBD n’avait pas l’habilitation pour le faire, c’est son collègue qui affirme avoir tiré car un homme lui aurait jeté des projectiles et un troisième fonctionnaire justifie son usage des grenades par le fait qu’une foule d’une trentaine de personnes aurait empêché les fonctionnaires de rejoindre leur véhicule.

La Défenseure des droits recommande également des sanctions disciplinaires contre l’ancien commissaire d’Aulnay car selon l’institution, ce dernier « n’a pas mis en œuvre tous les moyens dont il disposait afin d’éviter les échanges entre les quatre fonctionnaires mis en cause et depréserver les procédures administratives et judiciaires à venir ». Par ailleurs, les trois agents de la BAC qui sont intervenus sur les lieux de l’interpellation n’avaient pas l’habilitation nécessaire pour faire partie de cette unité spéciale.

Un procès attendu en 2021

Dans une vidéo publiée le 8 octobre, Théo affirme sa détermination à poursuivre le combat pour obtenir justice. Son frère Mickaël affirme : « Quand on parle de justice, on parle de justice dans son intégralité. La victoire sera obtenue quand le procès aura lieu et que la justice sera rendue. Par justice, on entend la justice totale. Quatre policiers sont impliqués, ces quatre policiers doivent être renvoyés aux assises et non pas trois ».

La famille a également dénoncé sur les réseaux sociaux la loi Sécurité Globale visant entre autres à empêcher la captation des interventions de la police : « Dans "l’affaire Théo" nous voyons que [...] bien que Théo soit déjà menotté, il est emmené dans un coin où les quatre policiers savaient qu’il n’y avait pas de caméras, et qu’est-ce qui nous a permis de voir ce qu’il s’y passait ? Qu’est-ce qui a clairement démontré la réelle volonté d’en finir et d’en découdre avec Théo ??? LES IMAGES AMATEURS d’un habitant qui filmait depuis son balcon. ».

Ce rebond dans l’affaire prouve une fois de plus l’importance des images révélant les violences policières dans un contexte où le gouvernement mène une offensive sécuritaire et anti-démocratique avec la loi Sécurité Globale visant à restreindre la diffusion d’images de violences policières en menaçant d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui les filmeraient, mais également la loi contre le séparatisme dont l’objectif est de renforcer le pouvoir du préfet et les moyens de répression à l’encontre des personnes musulmanes et des habitants des quartiers populaires. En ce sens, soutenir les familles de victimes de violences policières et les sans-papiers en première ligne face à la politique autoritaire du gouvernement est crucial. Les manifestations des journalistes et de la jeunesse doivent s’allier avec le mouvement anti-raciste et le mouvement ouvrier pour faire plier le gouvernement qui sert sur un plateau d’argent les armes légales pour réprimer notre classe.

 
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