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La Izquierda Diario
7 de septembre de 2020 Twitter Faceboock

« J’ai évité la voiture mais il a foncé dans les trois autres », une colleuse féministe témoigne suite à leur agression
Rachel Beneze

Nous avons interviewé une membre du groupe de collages féministes de Montpellier, qui a été victime d’une agression et d’une menace de viol pendant un collage. Elle nous raconte les faits : « Moi j’ai évité la voiture mais il a foncé dans les trois autres. Le choc était super violent, elles ont des hématomes immenses. »

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Crédits photos : © FTV / C.Fabre

Nous avons interviewé Justine* (*le nom a été modifié), une membre du groupe de collages féministes de Montpellier, qui a été victime d’une agression et d’une menace de viol pendant un collage.

Révolution permanente Montpellier : Est-ce que vous pourriez vous présenter vous et votre collectif ?

Justine* : Le collectif de collages féministes de Montpellier c’est un collectif autogéré qui est composé déjà de militants et militantes mais pas seulement, car c’est accessible à tout le monde. C’est en non-mixité choisie donc sans mecs cis-genre (personne qui est assignée à son sexe de naissance). On colle donc des slogans féministes ou de lutte en général, on est donc inclusifs des personnes trans, LGBT, non-binaires, racisées, handicapées etc. Le collectif a été créé il y a un an à peu près, on va fêter le premier anniversaire. Tout ce genre d’informations est disponible sur instagram, il y a des communiqués, des infos etc.

RP Montpellier : Vous avez été récemment été victimes d’une agression par un automobiliste, est-ce que vous pensez pouvoir rapporter les faits pour l’interview ?

Justine : On était en train de coller sur un pont, le pont de Lapeyronie à côté du CHU. Un homme s’est arrêté en voiture sur les voies qui vont en dessous du pont. Au début on n’a pas vraiment calculé, on était en train de coller c’était assez compliqué, puis il a commencé à nous dire des choses un peu bizarres comme « je m’appelle Satan, j’ai violé la femme de dieu, je vais venir vous violer », des trucs comme ça. Et là du coup le ton monte un peu, on lui a dit de partir et en fait il commence à nous menacer tout de suite de venir nous voir de nous rejoindre, il nous a dit « j’arrive, j’arrive vous allez voir » et il est parti. Nous ne l’avons pas vu tourner pour venir vers nous donc on pensait qu’il était définitivement parti parce que ça nous arrive régulièrement d’être menacées ou insultées comme ça dans la rue donc on n’a pas forcément arrêté de coller ; parce qu’on ne s’arrête pas de coller à chaque fois qu’un homme nous dit ça, surtout qu’il était seul et assez loin on pensait pas vraiment qu’il allait revenir.

Mais dix minutes après qu’il se soit arrêté en voiture, il a pris le sens interdit, il a pris le pont à contresens et il a accéléré il a foncé dans les jambes de mes trois amies. On était à ce moment-là debout sur le pont et c’était une chance en fait. Parce que quelques minutes avant, deux d’entre nous étaient par terre à plat ventre en train de coller sur le pont et deux autres étaient penchées de l’autre côté de la barrière ; s’il était arrivé à ce moment-là, effectivement, il y aurait forcément eu des mortes. On a eu beaucoup de chance qu’il arrive un petit peu plus tard quand on était toutes les quatre debout. Moi j’ai évité la voiture mais il a foncé dans les trois autres, il s’est arrêté puis il a fait marche arrière et il est parti. Le choc était super violent, elles ont des hématomes immenses.

RP Montpellier : Vous aviez déjà fait face à des hostilités pendant vos collages ?

Justine : Ça dépend vraiment des sessions, ça nous arrive aussi d’avoir des sessions très positives où la grande majorité des personnes nous félicite, nous dit « bravo », « bon courage » où parfois tout simplement nous pose des questions sur le vocabulaire qui est utilisé, sur la signification d’un slogan ou sur ce que c’est les collages féministes.

Malheureusement il n’y a pas que ça, il y a aussi énormément d’individus qui peuvent se montrer agressifs verbalement mais aussi physiquement envers les personnes et envers le matériel aussi. On se fait régulièrement jeter les seaux de colle, arracher les feuilles, attraper le balai, on nous pousse et on nous insulte. Il y a aussi énormément de projectiles, je sais que toutes les colleuses ont déjà eu de l’eau qui leur ont été lancée dessus, parfois de la nourriture. Il y en a qui lancent de l’urine, d’autres des bouteilles en verre, on est menacées avec des armes par destination, des trucs qu’on utilise contre nous et le plus souvent alors qu’on ne fait rien de spécial, on est juste en train de coller.

RP Montpellier : Dupond-Moretti et Darmanin ont été nommés Ministre de la justice et de l’Intérieur ; qu’est-ce que vous pensez que cela traduit de la part du gouvernement ?

Justine : Clairement, c’est insultant ; et surtout c’est inquiétant. Moi ça me fait peur parce que je pense à toutes mes amies qui ont été victimes de viol, d’agressions, de violences en général. De se rendre compte que ces hommes-là, on peut les mettre à des positions tellement hautes et par-là remettre complètement en question la parole des victimes et ignorer les victimes complètement. Je trouve ça lamentable, désolant et ça me fait peur.

Avec Révolution Permanente Montpellier, nous voulions vous apporter tout notre soutien face à cette agression et pour ce que vous faites en général. On a l’impression qu’entre autres, la nomination de Darmanin et ce genre d’agressions, ce sont des preuves que la lutte féministe est encore absolument nécessaire aujourd’hui et que cette lutte doit se mener y compris contre le gouvernement. Qu’est ce que vous en pensez ?

Justine : Totalement. On lutte contre plusieurs institutions parce que en fait quand on est victime de violences on doit se battre contre un État qui n’en a rien à faire, qui nous ignore, contre une police qui n’en à rien à faire non plus, qui ignore voire même nous met en danger et qui est parfois l’ennemi ou la cause des peurs. On est livrées à nous même et on doit s’organiser, alors on le fait, on s’organise, on fait des collages. Les collectifs de collages et tous les autres collectifs et organisations féministes font plein d’autres choses qu’on ne voit pas. Mais il y a aussi l’entraide, le soutien, la solidarité, la mise à disposition de logements pour les victimes, des conseillers et des centres de psychologie et médecins.

On le fait parce que on n’a pas le choix, on est obligées de le faire. Il n’y a personne d’autre pour le faire malheureusement, mais c’est pas notre job nous on est pas formées pour ça, et on a besoin de décisions radicales et de moyens pour les associations. Et le minimum serait que l’État ne nomme pas ministre de l’Intérieur des personnes qui sont sous le coup d’une enquête pour viol. Les femmes et les minorités de genre représentent la moitié de la population et on se fait quand même tuer, agresser, violer, il y a une totale impunité.

On a eu des réactions assez virulentes aussi sur les réseaux sociaux, d’hommes sexistes et de masculinistes qui viennent nous culpabiliser ou remettre en question ce qui s’est passé. Les premières réactions sur Twitter ont été des moqueries, des personnes qui nous traitaient de menteuses et qui rigolaient comme si on avait inventé cette histoire. Même après lorsqu’il y a eu les articles, on continue de nous faire culpabiliser en nous disant « mais pourquoi vous étiez seules », « pourquoi vous n’étiez pas accompagnées d’un homme », « pourquoi vous ne sortez pas avec des hommes pour vous protéger », « pourquoi vous avez de l’affichage sauvage parce que c’est interdit par la loi, c’est quelque chose d’interdit après vous vous plaignez quand les autres personnes font des trucs interdits ». On avait des réactions hyper violentes, des personnes qui envoyaient carrément des messages aux victimes pour leur dire « moi je n’y crois pas, tu es en train d’inventer ». Malheureusement c’est ce qui se passe très souvent.

 
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