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La Izquierda Diario
20 de août de 2020 Twitter Faceboock

Pédophilie et patriarcat
Encensé par Hidalgo et le préfet Lallement, Christophe Girard accusé de viol
Camille Lupo

Déjà mis en cause pour complicité dans l’affaire Matzneff, Girard lui-même fait à présent l’objet d’accusations de pédophilie et d’agressions sexuelles à répétition, révélées par le New York Times. Manoeuvres de discréditation des opposants politiques, retrait de façade : la vague de contestation contre les violences sexuelles semble commencer à faire trembler l’élite politique française.

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Crédits photos : LIONEL BONAVENTURE / AFP

En février dernier, Adèle Haenel se levait et partait de la cérémonie des Oscars célébrant le film de Roman Polanski. La dénonciation publique de Polanski et les révélations d’Adèle Haenel sur les agressions sexuelles perpétrées par Christophe Ruggia ont ouvert une crise au sein du cinéma française, et ont montré à quel point le mouvement contre les violences sexistes et sexuelles amorcé par la vague #MeToo était capable d’atteindre et de bousculer les plus hautes sphères de la bourgeoisie. Après l’élite culturelle française, c’est maintenant l’élite politique que le mouvement contre les violences patriarcales fait trembler.

Le parquet de Paris a ouvert au début de cette semaine une enquête préliminaire pour « viol par personne ayant autorité » concernant Christophe Girard. À présent ex-adjoint à la culture pour la mairie de Paris et élu municipal (PS), il avait démissionné en juillet après sa mise en cause dans l’affaire Matzneff. Alors accusé d’avoir soutenu financièrement et matériellement l’auteur au travers de la fondation Yves Saint Laurent (dont il était le président) pendant qu’il abusait de Vanessa Springora, il a démissionné après une manifestation féministe remettant en cause le soutien de la mairie de Paris à Girard et qualifiant l’Hôtel de Ville de « Pédoland ».

“Retrait” factice de Girard pour tenter d’endiguer la crise de la majorité PS à la ville de Paris

Après Matzneff, c’est maintenant Girard lui-même qui est accusé de violences sexuelles et de pédophilie. Le New York Times a publié ce 16 août le témoignage d’Aniss Hmaïd, un homme d’aujourd’hui 46 ans qui accuse l’ex-adjoint de l’avoir agressé sexuellement plus d’une vingtaine de fois, et ce depuis ses 15 ans. « Par souci de sérénité et du bon fonctionnement de la majorité au sein du Conseil de Paris, j’ai proposé à Anne Hidalgo et à Rémi Féraud, président du groupe Paris en commun [structure de campagne de la maire de Paris], ma mise en retrait le temps de l’enquête préliminaire et pour mieux me défendre », exprime Girard, cité par Le Monde.

Après l’ouverture de l’enquête et bien qu’il démente les faits, l’élu municipal a été « mis en retrait » : une manoeuvre pour tenter de l’éloigner juste assez pour que son cas ne fasse tâche d’huile chez le Parti Socialiste dans une période de négociation avec Europe Ecologie - Les Verts autour de la potentielle candidature d’Anne Hidalgo pour 2022, mais qui n’a rien d’une remise en question de l’impunité dont bénéficie l’élite bourgeoise pour les crimes sexuels. Preuve en est : Girard, malgré ce « retrait » de façade, conserve son poste d’élu au Conseil municipal et au conseil du 18ème, ainsi que, sans surprise, ses indemnités financières.

Le prétexte d’une prétendue “cancel culture” allant trop loin pour mieux sauvegarder les institutions bourgeoises

Cité dans le New York Times, Girard a mis sa chute sur le compte de « nouveaux McCarthyismes ». Sur sa démission d’adjoint à la culture, l’élu se défend : « Je n’ai pas démissionné sous la pression. J’ai fait le choix que ce serait très compliqué et invivable étant un bon connaisseur des États-Unis et du mouvement que l’on appelle “cancel culture”… la mise au pilori, la lapidation des personnes publiques… ». Anne Hidalgo l’avait alors soutenu, protestant que son « ami » était la « victime d’un déversement de haine et de violence inacceptable ».

Derrière l’utilisation du terme anglo-saxon de « cancel culture » se cache une rhétorique droitière qui n’a elle rien de nouveau : qualifier ceux qui remettent en question les dérives de la bourgeoisie (et les piliers de son régime) de censeurs, de moralistes… Des accusations qui sont abattues sur Alice Coffin, l’élue EELV qui s’est élevée contre l’hommage rendu à Girard par Lallement et le Conseil de Paris. D’abord écartée de la majoritée au Conseil par Hidalgo puis menacée et ciblée par une vague de harcèlement misogyne et lesbophobe par l’extrême-droite sur les réseaux sociaux, elle a dû être placée sous protection policière.

Dans une tribune de soutien à Girard dans Libération, Perrine Simon-Nahum (directrice de recherches au CNRS) conclut en opposant « l’intérêt général » dont doivent être porteuses les « institutions démocratiques », et les accusations dites « morales » envers Girard. Une chose est bien claire : ce que les accusations contre Girard remettent en cause, et ce que la bourgeoisie cherche à sauvegarder, ce sont les institutions d’un système capitaliste et patriarcal.

L’argument de la « cancel culture » utilisé place ceux qui brisent l’omerta sur les abus sexuels dans le camp d’une minorité qui agirait de manière morale et non politique contre les intérêts d’une majorité. Selon le témoignage d’Aniss Hmaïd, les abus de Girard prennent pourtant leur source de manière flagrante dans la position de pouvoir de Girard qui a tout de politique : un ascendant au niveau de l’âge de Girard sur Hmaïd, mais aussi une relation de pouvoir basée sur la classe et la race.

Girard a en effet employé le jeune Hmaïd comme domestique dans sa résidence d’été en Tunisie, avant de faire miroiter devant le jeune garçon les prestiges, la richesse et l’influence de l’élite culturelle française. Prétendant lui ouvrir « une porte vers le succès », Girard a usé de l’influence que lui conférait sa classe et son statut de président de la fondation Yves Saint Laurent pour abuser de Hmaïd. On retrouve aussi dans le témoignage de Hmaïd une forme de tourisme sexuel (déjà plébiscité par Matzneff dans son essais Les moins de 16 ans) hérité du colonialisme, où de riches français se rendent dans les anciennes colonies pour abuser sexuellement de jeunes hommes et femmes en toute impunité. “C’est du racisme, c’est de l’abus sexuel, une forme d’abus culturel, de colonialisme” témoigne en ce sens Aniss Hmaïd au New York Times.

Prétendre que les oppositions à Girard sont le fruit d’une « cancel culture » moraliste permet également de dépolitiser le débat autour des abus sexistes et sexuels, que la bourgeoisie a de plus en plus de mal à endiguer. « Ils font de nous des réactionnaires et des puritain·e·s, mais ce n’est pas le souffle de liberté insufflé dans les années 1970 que nous critiquons, mais le fait que cette révolution n’a pas été totale, qu’elle a eu un aspect conservateur, que, pour partie, le pouvoir a été attribué aux mêmes personnes », déclarait ainsi Adèle Haenel après les Césars. Nelly Garnier déclare elle aussi dans le Parisien qu’il y a « une connivence mondaine qui considère que violer des enfants dans les HLM des cités ouvrières, c’est de la pédophilie, mais le faire dans les chambres d’hôtel de Saint-Germain-des-Prés ou les villas de Los Angeles, c’est artistique. » Ce qui est en cause, de la crise du cinéma français autour des affaires Ruggia ou Polanski jusqu’à l’affaire Girard, c’est la remise en cause profonde sur les institutions capitalistes et patriarcales qu’exerce le mouvement contre les violences sexistes et sexuelles.

La judiciarisation comme réponse de la bourgeoisie

Alors qu’Anne Hidalgo se déclare « satisfaite » de l’ouverture de l’enquête sur Girard, il n’est pas possible de faire confiance aux institutions judiciaires ou policières dont le représentant, le préfet Lallement, ovationnait Girard il y a peu. Après la tentative de dépolitisation des oppositions à Girard, il s’agit pour la bourgeoisie de re-légitimer les institutions judiciaires et policières, et surtout d’individualiser à quelques accusés la responsabilité des oppressions pour répondre aux mouvements contre les violences sexistes et sexuelles sur le terrain de ses institutions.

À l’heure des mouvements contre les violences policières, et du traitement judiciaire des victimes de ces violences (à l’image de l’acharnement contre la famille Traoré), il n’est plus possible de se « satisfaire » d’une réponse judiciaire et policière, et de remettre entre les mains d’un État et d’un gouvernement qui promeut un ministre accusé de viol la vie des victimes de violences sexistes et sexuelles.

Les éclats contre Darmanin et Girard, après la vague #MeToo et sa remise en cause des élites du cinéma français, pourraient marquer le renouveau d’un mouvement féministe en France, et font la démonstration du pouvoir d’un mouvement féministe qui, à la lumière des mouvements contre les violences policière, dénonce l’État bourgeois comme complice et responsable des violences sexistes et sexuelles.

 
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