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La Izquierda Diario
19 de août de 2020 Twitter Faceboock

Ouverture à la concurrence
SNCF : les premiers cas de privatisation dans le Grand-Est sur fond de menace de licenciements
Correspondant-e cheminot-e

Le 14 juillet dernier, Macron annonçait son intention de relancer le ferroviaire, après l’avoir détruit en 2018 à travers le très controversé nouveau pacte ferroviaire, ouvrant les portes d’une privatisation qui n’est plus rampante mais totalement assumée. La région Grand-Est, en tant qu’autorité organisatrice des transports et toujours à la pointe de la soumission, sera la première à ouvrir des lignes (Bruche-Piemont-Vosges et Nancy-Contrexeville) à cette fameuse concurrence. La Direction SNCF en a dévoilé les contours le 12 aout dans un courrier adressé, comme l’exige la loi, à l’ensemble des cheminots du Grand-Est susceptibles d’être transférés contre leur gré dans le nouvel opérateur qui sera choisi par la Région.

Link: https://www.revolutionpermanente.fr/SNCF-les-premiers-cas-de-privatisation-dans-le-Grand-Est-sur-fond-de-menace-de-licenciements

La communication, tant politique qu’interne SNCF, a toujours été que la mise en concurrence ne concernerait que l’exploitation des circulations. Or nous apprenons, dans les deux jolies brochures en papier glacé que la Direction a envoyé aux cheminots, que les deux lots ouverts comportent également l’entretien du matériel (trains, engins) mais aussi l’ensemble des infrastructures (rails). C’est donc sous couvert d’une dérogation à la loi imposant la séparation des activités que le gérant de l’infrastructure et l’exploitant ferroviaire doivent finalement n’être qu’une seule et même entité pour être sélectionné par la région. Autrement dit, après des années à découper l’entreprise publique en morceau pour lui permettre de « faire face à la concurrence », le moment venu aucun des services actuels de la SNCF ne peut plus répondre à l’appel d’offre. Par exemple TER mobilité n’a pas les compétences nécessaires en ce qui concerne l’entretien du matériel ou des infrastructures. Il ne peut donc postuler... Les cheminots et les usagers qui ont souffert de réformes incongrues, coûteuses et désastreuses d’un point de vue social apprécieront l’ironie.

Un transfert de personnel inévitable pour plus de 200 agents de la région

Donc malgré une propagande mensongère de leur direction se voulant rassurante en parlant de la candidature prometteuse du groupe SNCF, les cheminots doivent comprendre que puisque l’entreprise ne peut même pas postuler, elle est en train de créer une nouvelle entité juridique, composées de partenaires privés... autrement dit une filiale de droit privé (comparable à Keolys ou Sferis dont on connaît les conditions sociales catastrophiques). Pour l’ensemble des agents concernés ce sera un transfert dans une nouvelle entreprise, y compris en cas de victoire de la filiale montée par la cellule RAO (Réponse Appel d’Offre) de TER Grand-Est. Le décret n°2019-696 du 2 juillet 2019 relatif à l’information, l’accompagnement et le transfert des salariés en cas de changement d’attributaire d’un contrat de service public de transport ferroviaire de voyageurs s’appliquera.

L’application d’un décret sur les transferts obligatoires violent et anxiogène

Que ce soit Transdev, RATPdev, la filiale SNCF ou tout autre opérateur, celui qui remportera l’appel d’offre (pour 22 ans de concession) recevra de la SNCF 39 agents pour Nancy-Contrexeville (en service dès 2024) et 189 pour Bruche-Piémont-Vosges (en service dès 2025).

En cas de manque de volontaires, les agents au-delà de 50% de taux d’affectation à la charge de travail concerné (donc un agent qui bosse plus de la moitié du temps sur une des deux lignes) verra son contrat de travail automatiquement transféré. Si l’agent n’est pas d’accord, c’est le nouvel entrant qui le licenciera. Pour le moment peu d’agents sont concernés par ce cas (le plus extrême), mais des réorganisations sont prévues d’ici là : création de Direction de ligne, regroupement des journées de services dans des roulements dédiés, augmentation du nombre de trains et ouvertures de nouveaux tronçons. Si le nombre de transférés ne peut désormais plus bouger (c’est la loi) le taux d’affectation de certains agents va grimper en flèche et avec lui les « chances » d’être transféré d’office.

Toujours en cas de manque de volontaires, parmi ceux qui n’atteignent pas le taux d’affectation de 50%, seront contraints de changer d’entreprise : ceux qui participent le plus à la charge, ceux avec le moins d’ancienneté, ceux qui habitent le plus prêt du bassin d’emploi, ceux avec le moins de charge familiale. En cas de refus de l’agent, contrairement à la règle des 50%, l’entreprise devra lui proposer un poste sur l’ensemble du territoire national (!), mais en cas de refus d’une mutation à l’autre bout du pays (par exemple), là aussi, c’est la porte !

Évidemment l’éventualité que la « SNCF », au travers de sa toute nouvelle filiale créée pour l’occasion, emporte le marché n’y changera rien. La loi c’est la loi et les dirigeants de la SNCF ne compte absolument pas aller au-delà pour protéger ses cheminots. Elle en aurait pourtant le droit.

Si l’entreprise a trop de volontaires elle les sélectionnera suivant les mêmes critères.

Vous avez certainement tous reçu une lettre vous avisant de la mise en appel d'offre des lignes Bruche-Piémont-Vosges et...

Publiée par SUD Rail Strasbourg sur Mercredi 12 août 2020

Des conditions de travail sacrifiées pour augmenter les marges de profit

Dans le même ordre d’idée, pourquoi le nouveau concessionnaire s’embêterait-il à proposer des conditions d’emploi de niveau au moins équivalent à ce qui se pratique à la SNCF aujourd’hui (ce qui n’est déjà pas la panacée, celles et ceux qui bossent en 3/8 ou en horaires décalées vous le diront) ? Avec ce transfert de personnel obligatoire, la porte est ouverte à l’abaissement juteux des protections et limites de la réglementation du travail puisque l’accord d’entreprise SNCF, quoi qu’il arrive, ne s’appliquera plus sur ces lignes. Il en ira de même pour le déroulement de carrière ou encore les facilités de circulation. Mais le plus dur pour celles et ceux qui seront transférés sans en avoir le choix sera certainement de parcourir indéfiniment la même ligne, jour après jour, sans espoir d’évolution pour le restant de leurs carrières.

Pour se faire une idée, il suffit de regarder les conditions de travail dans les filiales privées de la SNCF elle-même, comme Sféris (dans le ferroviaire) ou Géodis (dans le routier) pour constater les dérives des gains de productivité sur les postes de dépense les plus coûteux, en matière de prévention des risques professionnels notamment. Sans parler de déroulement de carrière, de reclassement, de “dialogue social” et il faut oublier la prévention de l’environnement...

Des premières expériences qui se généraliseront bientôt partout

Nous voyons ici les conséquences directes du nouveau pacte ferroviaire. Et bientôt nous pourrons constater partout les mêmes mécanismes perdants-perdants pour l’ancienne entreprise publique et pour les cheminots. Et même les usagers les plus enthousiasmés par l’idée de la concurrence peuvent constater qu’ils ne profiteront jamais d’un choix d’opérateurs tel qu’ils pouvaient peut-être se l’imaginer. Puisqu’une fois la ligne assignée à une compagnie, ils se retrouveront coincés avec pour 22 ans. 22 ans à subir des décisions basées sur les profits plutôt que sur la sécurité des circulations, le service public, l’équilibre du territoire et l’écologie.

En résumé, l’entreprise « concessionnaire » du marché n’ira pas au-delà du cahier des charges en relevant le niveau de confort des voyageurs ou en offrant des circulations supplémentaires non prévues au plan de transport. Non, elle tirera les frais d’exploitation vers le bas, au maximum possible pour dégager du bénéfice, créant ainsi les conditions d’incidents plus nombreux, d’un personnel plus rare, moins payé et moins formé, d’une baisse de la sécurité...

C’est contre tout cela que les cheminots se sont battus en 2018. Aujourd’hui que ce texte de loi destructeur et insensé s’inscrit dans nos réalités, cette lutte prend un tournant plus local. Mais ce serait une erreur de penser que seuls les quelques transférés qui subiront directement les conséquences de la libéralisation des transports de voyageurs doivent défendre seuls leur intérêts. C’est l’affaire de tous d’exiger, par la grève, les manifestations, les blocages et la solidarité un chemin de fer qui réponde aux exigences écologiques et sociales d’un transport de masse propre et sur.

 
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