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30 de juillet de 2020 Twitter Faceboock

Portrait d’une combattante
Mort de Gisèle Halimi, figure du féminisme et de l’anticolonialisme
Inès Rossi

Gisèle Halimi, avocate franco-tunisienne et figure du féminisme et de l’anticolonialisme, s’est éteinte mardi, à 93 ans. Retour sur un parcours engagé.

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Crédits photos : Jean-Claude Delmas/AFP

Gisèle Halimi naît Zeiza Taïeb en 1927, en Tunisie, dans une famille juive traditionnelle qui espérait un garçon. Très jeune, Gisèle défie les normes établies. À 10 ans, elle fait une grève de la faim quand on veut lui interdire d’apprendre à lire. À 13 ans, elle récidive, et entame une grève de la faim et refuse d’accomplir les tâches ménagères de ses frères. Ses parents cèdent au bout de trois jours. “Aujourd’hui j’ai gagné mon premier petit bout de liberté” écrit-elle dans son journal intime de l’époque.

À 15 ans, elle refuse un mariage arrangé et quitte la Tunisie pour Paris, où elle étudie le droit et la philosophie. En 1949, elle entre au barreau de Tunis, et s’illustre dans la défense de syndicalistes et des indépendantistes tunisiens. Infatigable, après l’indépendance de la Tunisie en 1954, elle repart exercer en France, où elle poursuit ses engagements anticolonialistes.

Car en 1954, la guerre pour l’indépendance de l’Algérie éclate. Gisèle Halimi va alors défendre de nombreux militants nationalistes algériens, du FLN ou du MNA. Elle dénonce l’usage de la torture par les militaires français, ce qui lui vaudra une arrestation et une brève détention.

En 1960, elle défend Djamila Boupacha, militante du FLN accusée d’avoir posé une bombe dans un café d’Alger. Après plus d’un mois de détention clandestine, durant laquelle elle est torturée et violée à répétition par des militaires français, Djamila Boupacha avoue avoir planifié un attentat. Son avocate adopte alors une stratégie de sensibilisation à grande échelle, dans la presse et en s’appuyant sur de nombreuses personnalités de l’époque. Pour médiatiser cette affaire et la question des tortures subies par les militants indépendantistes algériens, Gisèle Halimi demande donc à Simone de Beauvoir de rédiger une tribune dans Le Monde, « Pour Djamila Boupacha ». Le journal sera saisi en Algérie. Djamila Boupacha sera condamnée à mort, puis amnistiée dans le cadre des accords d’Évian.

En 1971, Gisèle Halimi est la seule avocate signataire du Manifeste des 343. Aux côtés de centaines de femmes, elle assume avoir eu recours à un avortement, chose passable de prison à l’époque. En effet, l’avortement était illégal à l’époque en France, forçant des centaines de milliers de femmes à avoir recours à des avortements clandestins chaque année, avec des risques sanitaires non négligeables pour toutes celles qui n’avaient pas les moyens de se payer une IVG dans des conditions sanitaires correctes. Un an plus tard, elle défend une jeune fille ayant avorté suite à un viol, lors du retentissant “procès de Bobigny”, obtenant sa relaxe, et du sursis pour sa mère qui l’avait aidé dans ses démarches.

Ce verdict fut une étape déterminante dans la lutte pour le droit des femmes à disposer de leurs corps, trois ans avant la loi Veil, qui dépénalise l’avortement en France. Elle poursuit son combat sans relâche pour les droits des femmes, en se battant pour la définition du viol comme un crime, considéré comme un délit en droit français jusqu’en 1980.

Après une période clairement militante au moment des mouvements d’indépendance, elle aura suivi par la suite le phénomène d’institutionnalisation progressif des luttes féministes des années 1960. Gisèle Halimi reste l’une des principale figure féministe réformiste de la deuxième partie du 20ème siècle. Proche de François Mitterrand, elle soutient sa candidature en 1981, et, bien que vite désillusionnée, elle est candidate PS aux élections législatives. Siégeant à l’Assemblée nationale jusqu’en septembre 1984, elle incarne de fait une caution de gauche de la Mitterandie.

Plus tard, Gisèle Halimi défendra l’interdiction du port du voile à l’école, allant jusqu’à quitter SOS Racisme suite à l’affaire des collégiennes voilées de Creil en 89, à qui elle reproche une approche “identitaire”. L’affaire des collégiennes voilées de Creil marque malheureusement une étape décisive dans l’obsession française de l’islam. Trente ans après, les interprétations bornées de la laïcité et les fixations réactionnaires sur les pratiques des musulmans (ou supposés musulmans) n’ont pas beaucoup évolué...

Mais tout ceci ne saurait bien évidemment faire oublier le parcours engagé qui a été le sien, liant féminisme, anticolonialisme et anti-impérialisme. “L’injustice m’est physiquement intolérable [...] Toute ma vie peut se résumer à ça. Tout a commencé par l’Arabe qu’on méprise, puis le juif, puis le colonisé, puis la femme” déclarait-elle en 1988.

 
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