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La Izquierda Diario
22 de mai de 2020 Twitter Faceboock

Où sont les tests ?
Tests Covid19 et conflits d’intérêts. Quand les profits des labos passent avant la santé publique
Mahdi Adi

La liste des tests sérologiques recommandés a été publiée par le gouvernement ce jeudi. On y trouve des tests produits par Roche, BioMérieux, ou NGBiotech, des entreprises dont Mediapart dévoilait les liens financiers avec l’Institut Pasteur chargée d’évaluer l’efficacité des tests et le comité Care chargé de conseiller le gouvernement en la matière. « L’ombre des conflits d’intérêts » expliquerait le retard pris sur la question du dépistage, alors que l’épidémie a fait plus de 28.289 morts en France.

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Le gouvernement a publié ce jeudi la liste des tests sérologiques de type ELISA et TDR recommandés par la Haute Autorité de la Santé (HAS), qui détectent la présence ou non d’anticorps chez le patient, et permettent donc de savoir s’il a été infecté par le Covid-19 ou non. Selon l’HAS, ces tests ont un intérêts « en complément d’un test virologique, pour confirmer ou infirmer un résultat, ou au 7e ou 14e jour après l’apparition de symptômes pour les patients non encore testés » rapporte La Voix du Nord, ainsi que pour tester les soignants et les salariés obligés de travailler sans pouvoir respecter les mesures de distanciation sociales. Si les entreprises n’ont pas besoin que leurs tests soient « homologués » pour pouvoir les commercialiser, la recommandation de la Haute Autorité de la Santé qui juge de leur efficacité jusque là remise en question, et qui s’est dite favorable à leur remboursement par la sécurité sociale, permet aux laboratoires de profiter de réseau de distribution à large échelle ainsi que d’un marché juteux.

Problème : parmi les tests recommandés par la HAS, on trouve notamment ceux produits par l’entreprise pharmaceutique Roche, le laboratoire française BioMérieux, ou encore l’entreprise NG Biotech. Or un article publiée par Mediapart révèle que l’Institut Pasteur, chargée d’évaluer les tests pour le compte du Centre National de Référence (CNR) sur lequel se fondent les recommandations de la Haute Autorité de la Santé, est financée par Roche à hauteur de 4,5 millions d’euros pour un contrat de recherche qui court sur la période allant du 1er janvier 2019 au 31 mars 2020, ainsi que par BioMérieux.

Un conflit d’intérêt dénoncé par un certain nombre de scientifique, à l’instar d’un dirigeant de laboratoire suisse cité dans le même article, qui raconte que lorsqu’il a voulu faire évaluer son test sérologique – qui bénéficiait déjà du marquage de la Communauté Européenne (CE) – par le CNR pour pouvoir le commercialiser à large échelle en France, il s’est « retrouvé face à un mur » et a dû attendre plusieurs semaines avant de recevoir les informations au sujet des démarches à suivre. Avant d’ajouter « Pour l’instant, l’accès du marché français est bloqué. Le problème, c’est que, vu la demande, dans deux semaines il sera sans doute trop tard et on ne pourra plus fournir la France » et d’interroger : « Pasteur développe ses propres tests sérologiques : comment peuvent-ils, en même temps, évaluer les autres qui sont, de fait, leurs concurrents ? »

Et pour cause, ce responsable de laboratoire n’est pas le seul à pointer du doigt l’Institut Pasteur. Marie-Claude Potier, directrice de recherche au CNRS, qui a développé avec son équipe un test de dépistage salivaire au Covid-19, regrette « un processus d’évaluation des tests très peu performant et qui continue de peser lourd dans le retard français sur le sujet », toujours selon Mediapart à qui elle décrit le CNR comme « un organisme complètement dépassé, croulant sous les demandes d’évaluations et ne pouvant les réaliser qu’au compte-gouttes ». En effet, depuis le début de la pandémie, le gouvernement s’est illustré par sa gestion catastrophique de la crise sanitaire, d’abord à l’image du discours sur les masques et du scandale d’État sur les stocks, ainsi que sur les tests de dépistage qui sont encore aujourd’hui loin d’être mis en œuvre massivement. Force est de constater que nous sommes encore très loin des 700.000 tests promis par Édouard Philippe en vue du 11 mai dernier, faute de stocks de tests dans les laboratoires et surtout d’une comptabilité erratique du nombre de tests réalisés.

A ce titre l’Institut Pasteur n’est pas le seul en cause. L’enquête de Mediapart révèle encore que parmi le comité Care (Comité d’Analyse, de Recherche, et d’Expertise) lancé par Emmanuel Macron le 24 mars dernier pour conseiller le gouvernement en matière de traitement et de tests, « plusieurs chercheurs sont directement intéressés au développement de certains tests ». Ainsi en serait-il de Christophe Junot, qui se trouve être le supérieur hiérarchique de l’équipe du Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA) qui a développé avec NG Biotech son test sérologique. Mediapart précise d’ailleurs que « La PME spécialisée dans le diagnostic a obtenu un million d’euros dans le cadre de l’appel à projets de la Direction générale de l’armement, qui a mis sur la table au début de la crise sanitaire dix millions pour tout projet de « solutions innovantes pour lutter contre le Covid-19 ». Son projet a été le premier sélectionné par l’Agence de l’innovation de défense, parmi les 800 propositions reçues entre le 15 et le 30 mars. » La petite entreprise bretonne compte ainsi passer de 34 à plus de 180 salariés pour produire trois à quatre millions de tests hebdomadaires, et s’est doté « d’un centre de fabrication ». Des faveurs de la part de l’État qui ne semble pas fortuite au regard des difficultés dont témoignent d’autres chercheurs pour trouver des financement, et tendent à mettre en évidence des conflits d’intérêts impliquant un des membres du Care.

De même, le cas du chercheur Franck Molina, également membre du Care a attiré l’attention des journalistes de Mediapart. Car « le consortium public-privé réunissant le laboratoire Sys2Diag (une alliance entre son laboratoire du CNRS et Alcediag, une filiale du groupe Alcen), la société de biotechnologie SkillCel, la société Vogo et le CHU de Montpellier » pour lequel Franck Molina a travaillé, a développé un test salivaire nommé EasyCov. Or, « étrange » coïncidence, « le laboratoire de Montpellier a rapidement attiré l’attetion des pouvoirs publics », la Région Occitanie ayant versé la coquette somme de 236.839€ pour ce projet, tandis que Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, s’est déplacée en personne pour soutenir les afficher son soutien. D’autant plus « étrange » que Franck Molina est rémunéré 12.000€ par an par le laboratoire Alcen en qualité de consultant dans le cadre du projet EasyCov, auxquels il faut ajouter 12.000€ par an par sa filiale Alcediag comme mentionnée dans sa déclaration publique d’intérêt mise en ligne suite au premier scandale sur des conflits d’intérêts impliquant des membres du Care dévoilé par Mediapart, ainsi que les 33.333€ d’actions qu’il détient dans la société SkillCel, elle aussi membre du consortium. Si le principal intéressé se défend en affirmant qu’une « procédure de déport est systématiquement mise en œuvre lorsque l’un [des membres du comité] est proche d’un dossier. Si cela est jugé nécessaire, alors le dossier peut même être analysé hors du comité Care », cela n’empêche pas Mediapart de poser « une fois de plus, la question du conflit d’intérêt ».

Ainsi ce nouveau scandale vient confirmer qu’il n’y a aucune confiance à avoir dans le gouvernement pour gérer la crise sanitaire. Alors que l’épidémie a fait plus de 28.289 morts en France, les entreprises pharmaceutiques restent guidées par la course au profit, cherchant à s’arroger des privilèges bureaucratiques pour faire du profit au détriment de la lutte contre le Covid. Dans cette situation, pour mettre en place des tests massifs et empêcher le patronat de marchander avec notre santé, il s’agit d’imposer la nationalisation sous contrôle des travailleurs et des usagers de l’industrie pharmaceutique et de la recherche. Une perspective qu’il ne sera possible de mener à terme que par la lutte, à l’instar de la combativité des soignants mobilisés contre la casse de l’hôpital public, des ouvriers qui refusent de reprendre le travail sans garanties sanitaires dans l’industrie comme à Renault Sandouville, et des travailleurs qui refusent aux plans du gouvernement et du patronat pour faire payer la crise aux classes populaires.

 
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