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La Izquierda Diario
20 de avril de 2020 Twitter Faceboock

Plan gouvernemental : Quelle confiance avoir en la stratégie de l’Exécutif ?
Olive Ruton

Le gouvernement tente de convaincre de son projet de déconfinement, s’affichant en maître de la « phase suivante » après sa gestion désastreuse de l’ouverture de la crise. Cependant, ce n’est qu’avec des « grands principes » qu’Édouard Philippe s’est présenté dimanche dernier aux téléspectateurs, très loin d’avoir un plan à la hauteur.

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Après plus d’un mois de confinement et alors qu’il y a quelques jours Emmanuel Macron annonçait dans une allocution la date du 11 mai comme ouverture du déconfinement en France, Édouard Philippe s’est une nouvelle fois essayé cet « exercice de clarté, de transparence, d’explication sur ce que nous vivons ». Ce dimanche 19 avril, accompagné du ministre de la Santé et des Solidarités, le premier Ministre a ainsi tenté d’exposer sinon le plan du gouvernement, au moins ses « contours », ses « grands principes », pour les prochaines semaines.

S’appuyant sur les données apportées par le docteur Salomon – directeur général de la santé - venu présenter la situation sanitaire, la « lente décrue épidémique » avec laquelle « l’espoir renaît », le déconfinement était cette fois encore au cœur du débat. Une situation de « décrue » dans laquelle le nombre de malades hospitalisés reste tout de même « très élevé », comme le rappelle le professeur, avec toujours plus de 7 000 malades en réanimation, 890 nouveaux patients dans les hôpitaux de samedi à dimanche, pour un virus qui a causé 19 718 décès en sept semaines sur le territoire français.

L’Exécutif change de ton : reconquête de la confiance populaire autour du projet de déconfinement

C’est ainsi sur la bonne – bien que relative - nouvelle du ralentissement de l’épidémie que s’ouvre la conférence de presse d’Édouard Philippe ce dimanche. Ce progrès, le premier ministre s’en félicite moins qu’il n’en félicite la population, saluant le « très grand civisme des Français, et la remarquable capacité de nos concitoyens à s’adapter à des conditions jamais vues ».

Si le précédent discours d’Emmanuel Macron lundi dernier avait surtout pour but d’allonger jusqu’au 11 mai la durée du confinement, avec les annonces d’Édouard Philippe c’est bien la discussion sur le déconfinement qui est enclenchée. En effet, ce ne seront pas seulement les écoles qui ré-ouvriront dans maintenant trois semaines, mais bien l’ensemble de la société qui sera déconfinée - « progressivement » - à partir de cette date. Olivier Véran va même jusqu’à annoncer la fin du confinement obligatoire – en faisant appel à la « responsabilisation individuelle » - des personnes les plus à risques : les personnes âgées, pour lesquelles un confinement jusqu’à la fin de l’année avait pu être évoqué.

Après une gestion de la crise largement décriée les premières semaines de l’arrivée de l’épidémie en France, c’est autour du projet de déconfinement que l’Exécutif cherche à présent à convaincre. La tactique est ainsi celle d’un changement de ton, d’un apparent changement de méthode : une tentative d’apparaître comme maître d’une situation sous-contrôle. Cette fois, c’est avec mesure et précautions qu’apparaît le gouvernement qui semble avoir tiré les bilans des contradictions, précipitations et nonchalance face à l’épidémie qui lui avaient coûté la confiance de la population pendant la première phase. Une nouvelle stratégie qui compte fermement sur son principal atout : la lassitude et la fatigue de la population, privée de sa « vie normale », au bout d’un mois de confinement, et à laquelle E.Philippe fait un appel du pied, promettant « un quotidien un peu différent, mais en retrouvant la liberté à laquelle nous sommes attachés ».

C’est ainsi que le Premier Ministre, secondé sur chaque question spécifique par son Ministre de la Santé, a annoncé dans une conférence de presse de deux heures, le nouveau plan, les nouvelles mesures, ou en tout cas les grands principes qui les guident, pour permettre un confinement dans à peine trois semaines « si et seulement si le confinement est respecté dans les semaines qui viennent. » Tests massifs pour toutes les personnes présentant des symptômes ou ayant été en contact avéré avec un cas de Covid-19, mise à disposition d’hôtels pour confiner strictement les malades positifs au virus, tout cela dans le but central de briser les chaînes de contamination, sont ainsi parmi les annonces clefs de ce dimanche.

Récession sans précédent qui s’annonce : la hâte d’un déconfinement sous pression du patronat

Un point sur lequel sont fermes les membres du gouvernement, les analystes, et le MEDEF, c’est sur l’ampleur de la crise économique qui s’annonce à la suite de la crise sanitaire, sous la forme d’une récession sans précédent depuis 1945. Avec la prévision d’une chute de la croissance de l’ordre de 8%, la pression économique est considérable sur le gouvernement à l’heure où il tente de programmer, au plus vite et le plus sûrement, le déconfinement.

La priorité ainsi donnée à l’économie prend la forme, bien avant le 11 mai, de reprises (là où la production s’était arrêtée…). Sans conditions sanitaires décentes, elle est parfois organisées par des accords de reprises entre patronat et organisations syndicales. Si, évoquant les difficultés du respect permanent de la distanciation sociale, Philippe a abordé le cas des transports en commun - où l’option du masque obligatoire pour compenser les risques qu’implique la densité humaine serait une des solutions envisagées - il a sans surprise été beaucoup plus vague sur les conditions de production. Alors que le respect des gestes barrières nécessiterait de réorganiser toute la production dans nombre d’entreprises (en termes de cadences, d’effectifs, etc.), cette réorganisation n’est en rien prise en charge par le gouvernement, qui va jusqu’à affirmer que ces mesures sont actuellement mises en place dans les productions qui continuent de tourner, ce qui est faux pour nombre d’entreprises, et constitue un geste minimal à visée commerciale pour d’autres.

Très critiqué sur la réouverture des écoles le 11 mai, le gouvernement tente sans succès de calmer le jeu

Suite à l’allocution de Macron, c’est certainement l’annonce de la réouverture des écoles le 11 mai qui avait le plus marqué les esprits, et suscité, bien au-delà de la surprise, contestation et révolte. On a ainsi vu naître le hashtag très relayé #SansMoiLe11Mai ou encore "On n’est pas la garderie du Medef" parmi les enseignants, chez qui la colère gronde depuis des mois et qui sont particulièrement mis à l’épreuve en ces temps de confinement où le maintien de la continuité pédagogique implique son lot de problèmes et énormément d’investissement de chaque professeur.

Bien qu’essayant de tempérer l’effet du discours du Président, en apportant des nuances à ces réouvertures d’établissements, c’est avec très peu de cartes en main le Premier ministre a tenté de calmer le jeu. Il a ainsi dû se contenter de préciser que toutes les écoles ne ré-ouvriraient pas forcément en même temps, et que de nombreux scénarii - parmi lesquels les cours en moitié de classe - étaient envisagés... De plus, la spécialiste chercheuse en infectiologie invitée à la conférence pour parler de l’avancée des recherches n’a en rien aidé le chef de l’Exécutif, en annonçant que le comportement du virus sur les enfants (en terme de facteurs de contamination notamment) faisaient partie des choses qu’« on ne sait pas », ne rassurant en rien sur les foyers de contamination énormes que pourraient représenter les écoles dès le 11 mai.

Des annonces de « principes » faites de paris et spéculations : aucune confiance dans le « plan » du gouvernement

Malgré la durée de cette conférence de presse, en clair, aucun plan précis n’est apporté. Une réalité à laquelle tant le premier ministre que, ce lundi matin, la porte parole du gouvernement, sont obligés de reconnaître. « Le plan n’est pas prêt », déclarait ce lundi matin Sibeth Ndiaye, reconnaissant l’ignorance depuis laquelle le gouvernement tente d’établir le dit plan : « je ne sais pas où nous en serons de l’évolution de l’épidémie, donc j’aurais tendance à appeler à un peu de patience et de prudence en la matière ». Une impréparation flagrante qui conduit, en 2020 et dans l’un des pays les plus riches de la planète, à l’obligation « d’apprendre à vivre avec le virus » pendant au moins un an. Tel est l’aveu du premier Ministre, étant donné que « nous n’auront pas de vaccin rapidement (…) rien avant 2021 ou peut-être un peu plus loin ».

C’est donc sur des paris, voire de la pure spéculation, que se fondent ces premières annonces – largement partielles. Il en est par exemple ainsi sur l’espoir de garder, une fois le déconfinement amorcé, un taux de contagion par malade (le fameux R0) inférieur ou égal à un. Un espoir qui ne s’appuie que sur les chiffres de certains scientifiques qui estiment ce taux à 0,6 au bout d’un mois de confinement, ainsi que sur le pari que les « gestes barrières » suffiront à maintenir ce taux aussi bas. Une donnée dont on peut se permettre de douter, étant établie sans tests massifs de la population et compte tenu de la prépondérance des formes asymptomatiques du virus. L’annonce de l’objectif de réalisation de 500 000 tests par semaine – sur toutes les personnes présentent des symptômes ou ayant été en contact avéré avec un malade - est en ce sens et pour la même raison une mesure également loin d’être suffisante et apte à briser les chaînes de contamination.

Le vide de ces annonces, l’inexistence du plan, n’est pas passé inaperçu chez les téléspectateurs ni même parmi les médias, faisant fleurir les titres à l’image de celui de l’Opinion qui parle de « premières pistes encore vagues » ou de la « conférence de presse sans presse et sans infos » du Huffpost, plus tranchant. Un contenu finalement bien résumé par Nicolas Poincaré ce lundi matin, en réponse à Jean-Jacques Bourdin lui demandant son analyse de la « philosophie » de l’Exécutif : « pas de détails, pas de dates, pas de chiffres ».

Crédit Photo / AFP

 
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