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La Izquierda Diario
31 de mars de 2020 Twitter Faceboock

Coronavirus et écologie
Moins de pollution avec le Covid-19 : l’illustration de l’hérésie écologique du capitalisme
Julian Vadis
Rozenn Kevel

Ces dernières semaines, un engouement est né pour vanter les « biens faits écologiques de la crise du Coronavirus ». De quoi redorer le blason des thèses décroissantes, mais qui affichent aussi leurs limites.

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Depuis début janvier 2020, on peut constater une forte baisse des émissions de CO2 (dioxyde de carbone). Les excès d’émissions de gaz à effet de serre, notamment du CO2, dans l’air sont la principale cause du réchauffement planétaire. Pour cause, d’après une étude récente, les émissions de gaz carbonique étaient d’environ 400 millions de tonnes en 2019 de la mi-février à début mars. Au mois de février 2020, on note forte baisse avec des émissions de 300 millions de tonnes. Cette chute a d’abord commencé en Chine, premier émetteur mondiale de C02 et plus précisément à Wuhan, l’épicentre de l’épidémie du Coronavirus et tend à se généraliser à l’échelle planétaire. Et ce, car plusieurs pays, dont la France, ont décidé de mettre en place un confinement plus ou moins total de la population afin d’éviter la propagation du virus amenant logiquement à une baisse provisoire de la production et des déplacements et donc à une baisse de la pollution qu’ils engendrent.

Face à cette situation, plusieurs internautes et médias ont diffusé des images fortes d’« avant/après ». Pour exemple, les canaux de Venise débarrassés du trafic nautique et d’un tourisme dense, redevenus clairs et vivants avec le retour des poissons.

Ou encore, ces photos satellite de la NASA qui témoignent de la chute de 25 % des émissions de CO2 entre janvier et février 2020, selon une estimation de l’organisme CRECA (Centre for Research on Energy and Clean Air), due , d’une part, aux besoins réduits des industries fonctionnant grâce aux centrales à charbon, extrêmement polluantes. Et d’autre part, par l’effondrement du nombre de vols domestiques. En janvier, les vols domestiques chinois ont baissé de 70 % par rapport à décembre. A noter que l’aviation représente environ 2% des émissions mondiales de CO2.

La décroissance : une solution ?

La décroissance est un concept à la fois politique, économique et social, né dans les années 1970 selon lequel il faudrait abaisser le taux de croissance des pays et donc mettre en place un ralentissement de la production, notamment par le biais de la limitation de la consommation individuelle, jusqu’à arriver à une décroissance. Selon cette théorie, le processus d’industrialisation a trois conséquences négatives : le dysfonctionnement de l’économie (chômage de masse, précarité...), l’aliénation au travail et la pollution due à la production. Aujourd’hui, la crise sanitaire du Coronavirus pourrait engendrer une crise économique encore plus désastreuse que la crise financière de 2008-2009. En effet, la croissance mondiale va être durement touchée par la pandémie avec une perte d’au moins 0,5 point selon l’OCDE. Celle-ci fait ainsi passer sa prévision de croissance mondiale de 2,9 à 2,4% pour 2020. La période actuelle nous permet donc de voir qu’elles sont les réelles conséquences de la baisse de croissance et même d’un risque de dépression, c’est à dire de voir le PIB a échelle mondiale passé en négatif. 

C’est ici que, paradoxalement, les thèses vantant les bienfaits de la décroissance se heurtent à ses limites. Objectivement, le coronavirus a réduit les échanges et les productions polluantes, mais ce sont les classes populaires, les travailleurs, les jeunes et les femmes qui en font les frais. Par le chômage, par la promesse de politiques austéritaires pour combler le manque à gagner pour le grand patronat, par l’obligation de mettre sa vie en danger pour continuer à faire tourner la machine, en particulier dans les usines non-essentielles. Ces dernières semaines de pandémie le démontrent aisément.

Tout d’abord, on assiste à une gestion sociale désastreuse. En effet, les travailleurs et les travailleuses, les précaires, et notamment les femmes et les jeunes sont en première ligne face au virus et à ses conséquences financières. Ces contrats précaires sont ceux qui ont connu dès le début de lépidémie en France de nombreux licenciements, principalement les contrats les plus précaires, en prévision d’une possible baisse de l’économie. Ce sont donc des milliers de personnes qui, du jour au lendemain, ce sont retrouvés sans aucuns revenus, sans rien pour pouvoir vivre. Ceux qui bénéficient de mesures de chômage partiel se retrouvent avec un salaire grêvé de 16% et qui ne permet pas de cotiser pour la retraite. Aux États-Unis, en une semaine ce sont près de 4 millions de personnes qui se sont retrouvées au chômage ! Les capitalistes feront toujours en sorte de servir leurs propres intérêts, ils se donneront toujours les moyens de maintenir leurs profits quitte à licencier en masse, fermer des sites ou encore sous-traiter. Dans la course aux profits ni l’impact social, ni l’empreinte écologique n’est une préoccupation pour les capitalistes. En d’autres termes, ce qui importe, c’est de faire payer la crise sanitaire, économique et écologique aux classes populaires.

Face à la crise sanitaire et écologique, la décroissance n’est pas une stratégie conséquente : il faut arracher les moyens de productions des mains de la bourgeoisie !

Dans un monde où l’État et les entreprises sont main dans la main et à l’heure où les usines et commerces non-essentiels sont appelés à fermés pour éviter la propagation du Coronavirus, seules les grandes industries ou celles qui les servent, même dans les secteurs non-essentiels, peuvent continuent de tourner. Pourquoi ça ? Ce sont pourtant celles-ci qui polluent le plus. Alors pourquoi une usine de sous-traitance aéronautique réunissant plusieurs dizaines d’ouvriers dans un même entrepôt pourrait fonctionner normalement alors même que les conditions de vols sont de plus en plus restreintes et que pour garder leurs horaires de programmation les avions tournent à vide, déversant au passage plusieurs centaines de kilos de CO2 ? Au même moment où les restaurateurs se voient dans l’obligation de cesser leur activité du jour au lendemain ayant pour conséquence un gaspillage alimentaire énorme. C’est là toute l’hypocrisie et l’irrationalité du gouvernement.

Dans ce contexte de pandémie, qui engendre cet effet de décroissance objective, les plus pénalisées ne seront pas les multinationales, mais bien les petites entreprises endettées et les travailleurs, bien loin de toutes considérations écologiques. Au delà de secteurs comme l’aéronautique ou l’industrie automobile dans lesquels se mène actuellement une bataille d’ampleur par les ouvriers eux-mêmes pour faire fermer ou reconvertir les usines qui sont en mesure de le faire et qui, jusqu’à présent, ne sont pas essentielles, il y a les industries d’achats domestiques, notamment de la mode, qui continuent de fonctionner grâce aux achats en ligne et pour lesquels des dizaines de travailleurs sont entassés dans des entrepôts sans protections sanitaires. Et pourtant l’industrie de la mode, et notamment du luxe exploite des ouvriers dans les pays les plus pauvres, torture des animaux, pollue les eaux (70 % des cours d’eau en Chine sont pollués à cause de l’industrie textile) et par la même occasion notre santé, pousse à la surconsommation (nous achetons environ 20 kilos de vêtements neufs chaque année et chaque article contribue à hauteur de 20 fois son poids en gaz à effet de serre). De plus, la crise financière de 2008-2009 avait été suivie d’un fort rebond des émissions de CO2 à cause des mesures de relance de l’économie des gouvernements.

Il y a néanmoins une baisse objective des achats domestiques comme conséquence de la crise sanitaire et économique, face à ce constat les boîtes craignent pour leurs profits. En témoignent, les campagnes d’entreprises de « social washing » de ces dernières semaines ayant pour objectif de se faire une bonne image face à l’opinion publique. Pour exemple, la marque de cosmétique internationale HelloBody a lancé il y a quelques jours une campagne de ce genre pour une durée de 13 jours et s’arrêtant avant la fin du confinement annoncé en France. On peut donc retrouver sur le site de la marque : « 1euro par commande est reversé au secours populaire français ». L’idée n’est donc absolument pas de soutenir cette association mais bien de maintenir au maximum son cotas de commandes pendant cette pandémie. Ces initiatives ne sont que du « Capitalisme vert », elles sont présentes que s’adapter à la demande, tout comme l’augmentation des produits alimentaires biologiques depuis plusieurs années dans les grandes surfaces, ou alors les campagnes de prêt-à-porter, comme par exemple la multinationale phare de prêt-à-poter H&M avec sa gamme de vêtements « plus respectueuse de l’environnement » :« be concious ». Les entreprises n’ont aucun intérêt à baisser leur production ou à se pénaliser en diminuant drastiquement leur impact écologique.

Ainsi, la question n’est donc pas celle de la production dans l’abstrait, mais celle de sa gestion directe. C’est pourquoi les thèses décroissantes se heurtent aujourd’hui à ses contradictions : penser la production sans remettre en cause le système au sein de laquelle elle s’exerce ne permet pas de penser, sur le long terme, une politique globale, écologique, sociale et politique, à même de faire face à la crise sanitaire que nous vivons aujourd’hui d’une part, et les enjeux climatiques d’autre part.

Ainsi, la lutte écologique ne peut-être qu’anticapitaliste et révolutionnaire, c’est à dire par la récupération des moyens de production par les travailleurs eux-mêmes, pour une planification économique selon les besoins des populations et non pas pour satisfaire l’accumulation de profits au seul bénéfice des grands capitalistes.

 
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