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La Izquierda Diario
4 de mars de 2020 Twitter Faceboock

« Césars de la honte »
Jean Dujardin, Lambert Wilson, Fanny Ardant… Cette caste d’acteurs qui soutient Polanski
Gabriella Manouchki

Suite à la polémique qu’a généré la récompense du réalisateur-violeur et pédophile avéré Roman Polanski lors de la Cérémonie des Césars, les prises de positions en soutien au réalisateur se multiplient, révélant la pourriture d’une partie du milieu du cinéma français.

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Crédit photo : Bruno Bebert / Bestimage

L’irruption du politique dans une cérémonie bien rodée

Prenant place dans un contexte social particulier, marqué notamment par une recomposition du mouvement féministe contre les violences de genre, la Cérémonie des César n’aura jamais été si politique. Tout d’abord, l’humoriste Florence Foresti a ouvert la soirée avec un spectacle dénonçant le sexisme dans le milieu du cinéma français. Dans un discours, la comédienne Aïssa Maïga a ensuite adressé la question du racisme rampant au sein de cette institution. Mais la tension était à son comble lorsque Roman Polanski, accusé d’agressions sexuelles par 12 femmes et poursuivi aux États-Unis pour avoir violé une enfant, a remporté le prix de la « meilleure réalisation » pour son film J’accuse. L’actrice Adèle Haenel ainsi que d’autres femmes, dont Florence Foresti et Aïssa Maïga, ont quitté la salle pour dénoncer cette provocation.

« Vive Roman » ; « Qui sont ces gens ? Ils sont minuscules » : les prises de positions des amis de Polanski

En réaction, les défenseurs de Polanski ont tenu a faire entendre leur voix, avec des déclarations parfois très violentes à l’encontre d’Adèle Haenel et de ses soutiens. Parmi eux, on peut citer la publication de l’un des acteurs principaux du film de Polanski, le très populaire Jean Dujardin, sur son compte Instagram : « Je me casse, ça pue dans ce pays ». Il avait déjà fait part de son mépris pour la polémique avant la cérémonie à laquelle il a choisi de ne pas se rendre - comme le reste de l’équipe du film - en soutien à Polanski qui craignait un « lynchage public ».

L’actrice Fanny Ardant, elle aussi récompensée d’un César pour son rôle dans La Belle Époque, a déclaré lors d’un interview : « Quand j’aime quelqu’un, je l’aime passionnément. Et j’aime beaucoup Roman Polanski, donc je suis très heureuse pour lui. (...) Après, il faut comprendre que tout le monde n’est pas d’accord mais vive la liberté. Je suivrais quelqu’un jusqu’à la guillotine, je n’aime pas la condamnation. ». Carla Bruni a également défendu la position de son amie (« Moi, j’aime Fanny Ardant »), en brandissant l’ultime étendard de la « liberté de penser ».

Brigitte Bardot, qui n’en est pas à sa première prise de position réactionnaire, a posté sur Twitter le message suivant : « Heureusement que Polanski existe et sauve le cinéma de sa médiocrité. Je le juge sur son talent et non sur sa vie privée. Je regrette de n’avoir jamais tourné avec lui. Vive Roman. »

Parmi les prix qu’on pourrait remettre pour les prises de positions les plus abominables, celle de l’acteur Lambert Wilson est en bonne place. En effet, après la Cérémonie, il s’emporte au micro de France Info : « Je suis très en colère, c’est n’importe quoi : si on estime qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans le fait que Polanski ait des nominations, alors on ne vient pas. (…) On ne part pas au milieu de la cérémonie parce que Polanski reçoit un prix ! Qu’est-ce que ça veut dire ? C’est la règle du jeu. (…) Et en plus, qu’est-ce qu’on va retenir de la vie de ces gens par rapport à l’énormité du mythe de Polanski ? Qui sont ces gens ? Ils sont minuscules. (…) Cette espèce de politiquement correct, je trouve que c’est du terrorisme ».

Les soutiens à Polanski : une caste d’acteurs qui se serre les coudes

On voit comment le simple fait d’avoir osé quitter la salle en exprimant sa colère, en rupture avec la « règle du jeu » qui consacre la loi du silence et l’ambiance de façade de telles cérémonies, est insupportable au plus haut point pour ces défenseurs de l’ordre établi. Pire encore, le César du mépris revient à Wilson lorsqu’il exprime ouvertement sa vision de la situation : « ces gens » qui sont « minuscules » devraient purement et simplement s’incliner face « à l’énormité du mythe de Polanski », peu importe les violences que ce dernier a pu infliger au cours de sa carrière. Celles qui refusent de se soumettre sont ni plus ni moins que des « terroristes », puisqu’elles menacent ce statu quo qui profite à la caste dont il fait partie.

Polanski récompensé, c’est une victoire symbolique pour cette caste dominante du cinéma français. Le post Instagram de l’actrice Mathilde Seigner, belle-soeur de Polanski, a tout dit lors de la récompense de ce dernier : « Bravo ! Quand le suffrage du vote l’emporte sur la vox populi… ». Sous entendu : que la populace se taise !

En effet, au delà de leur amitié avec Polanski, ces acteurs qui le soutiennent partagent des intérêts communs à défendre ce grand ponte du cinéma français, puisque c’est sur lui que parient les investisseurs qui lui ont permis d’avoir un budget de 25 millions de dollars pour son dernier film, soit quatorze fois plus que celui du film Les Misérables. Autrement dit, Polanski pèse lourd dans le monde du cinéma et c’est bien pour cela qu’il profite d’une justice à deux vitesses avec le soutien de ses pairs. Les dominants, toujours prêts à utiliser le sexisme pour justifier la répression des classes populaires, sont aussi les premiers à défendre becs et ongles les violeurs d’élite pour protéger leurs intérêts.

Dans un article du Devoir, Rachel Chagnon, professeure de droit à l’UQAM et directrice de l’Institut de recherches et d’études féministes, juge que Virginie Despentes, dans sa tribune publiée dans Libération, en pointant que la différence se situe entre dominés et dominants, « a mis le doigt sur un enjeu capital : la France est un pays de classes. Le problème n’est pas tant qu’on ne punit pas les comportements sexuels… mais [que] ça dépend qui les commet. Ce qui est difficile, c’est de s’attaquer aux élites. Et Roman Polanski, c’est l’élite culturelle et intellectuelle. À l’intérieur de cette élite, il a un statut de génie. D’intouchable ».

Pour en finir avec les violences de genre et contre toute forme d’oppression dans le milieu du cinéma comme ailleurs, c’est tout ce système qu’il faudra renverser !

 
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